Le procès de France Télécom et de ses ex-dirigeants pour « harcèlement moral » s'est ouvert à Paris, dix ans après une vague de suicides au sein de l'entreprise. Un employé du centre d'Annecy-le-Vieux, en Haute-Savoie, avait mis fin à ses jours. Un de ses anciens collègues a accepté de témoigner.
Ce lundi 6 mai 2019 marque l’ouverture du procès des suicides de France Télécom. L'ancien PDG et 6 autres responsables sont jugés à Paris pour harcèlement moral. Entre 2006 et 2009, 35 personnes s'étaient suicidées au sein du groupe.
Un procès qui ravive des souvenirs dans la région d’Auvergne-Rhône-Alpes puisqu'un employé du centre d'Annecy-le-Vieux avait mis fin à ses jours. Un ancien collègue, encore présent dans le groupe devenu aujourd'hui « orange », a accepté de témoigner sur cette affaire anonymement.
« C'était une stratégie. Une stratégie qui avait pour intérêt l’argent. Pour augmenter les bénéfices, il fallait faire partir 22 000 personnes en 3 ans. Et pour faire partir 22 000 personnes, ils ont agi de manière cynique en disant "on ne licencie pas, c'est des départs volontaires" et pour conduire les gens à partir, ils utilisaient tous les moyens »
Le 28 septembre 2009, Jean-Paul Rouanet met fin à ses jours. Avant d'enjamber un pont d'autoroute, il laisse une lettre dans sa voiture de service, une lettre dans laquelle il parle du climat délétère à l'intérieur de l'entreprise France Télécom.
Lorsque que Didier Lombard le PDG de France Télécom arrive sur le site d'Annecy, en Haute-Savoie, il est copieusement sifflé par les salariés. « Pression permanente, réorganisation incessante, isolement du personnel » voilà les « techniques appliquées à grandes échelles » que les juges d'instruction reprochent aujourd’hui à Didier Lombard ainsi qu'à 6 autres responsables de France télécom.
Jean-Paul Rouanet était le 24e agent à se suicider au cours dans la grande restructuration de France Télécom appelé à devenir Orange et à passer si violemment d'un service public au secteur privé.
L’ordonnance de renvoi comporte 673 pages qui détaille la façon dont était organisé, ce que les juges appelle très clairement, un harcèlement moral. C'est sans doute déjà une reconnaissance, mais ce salarié d’Annecy en attend un peu plus encore.
« On a perdu des collègues de travail, il y en a d’autres qui ont été brisés, il y a des familles qui ont été brisées. Les gens qui ont pris les décisions et qui ont conduit à cette issue doivent être punis. »
Reportage de Serge Worreth, nathalie Rapuc et Clémentine Fayolle