Mardi 28 janvier, le repreneur d’Alpine Aluminium à Cran-Gevrier (Haute-Savoie), Frank Supplisson était jugé au tribunal correctionnel d’Annecy pour "escroquerie" et "altération frauduleuse de la vérité dans un écrit". Le ministère public a requis, à son encontre, un an ferme et une interdiction de gérer ou de diriger une entreprise commerciale pendant 15 ans.
De nombreux anciens salariés d’Alpine Aluminium se sont déplacés, mardi 28 janvier, au tribunal correctionnel d’Annecy (Haute-Savoie). Au total, 52 parties civiles attendaient alors des réponses de la part de l’homme d’affaires Frank Supplisson, repreneur en décembre 2019 de cet ancien fleuron industriel de Cran-Gevrier (Haute-Savoie), soupçonné d’"escroquerie" et d’"altération frauduleuse de la vérité dans un écrit".
L’homme d’affaires, incarcéré à Nanterre (Hauts-de-Seine) depuis avril 2024 pour non-respect de son contrôle judiciaire dans le cadre d’une autre affaire, comparaissait détenu. À la barre, chemise blanche froissée, il a été interrogé sur son offre de reprise truffée de "promesses non tenues". Pour rappel, il est reproché à l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy d’avoir présenté au tribunal de commerce d’Annecy en décembre 2019 de "faux engagements" lors de la reprise de la société. Parmi eux : le maintien sur site des activités industrielles en lien avec l’aluminium et la préservation d’une cinquantaine d’emplois.
On s’associe avec un industriel et on raconte une histoire.
SMS échangé entre Frank Supplisson et Alain Samson
Une audience de plus de 10 heures, durant laquelle il a expliqué les raisons l’ayant poussé à reprendre cette usine, un site qu’il juge à l’époque dans un état catastrophique : "Certains disent que c’est une daube, pour moi c’est une pépite", dit-il à la barre, évoquant le potentiel industriel de ce site de 8,5 hectares. La présidente lit alors un SMS envoyé à l’époque à son associé l’investisseur Alain Samson jugé aux côtés de Frank Supplisson pour "escroquerie" : "Le mètre carré habitable à Annecy c’est 4 700€, on s’associe à un industriel et on raconte une histoire".
Un autre SMS entre les deux hommes est dévoilé, évoquant la possibilité de reprendre 60 salariés : "On peut faire la première année en chômage d’activité pour les 60, puis on licencie. Les 2M€ d’indemnités sont payés par les stocks d’aluminium". Finalement, 49 salariés sur 85 seront repris, puis licenciés dans les six mois qui suivent, l’outil industriel sera démantelé. Pour le repreneur, il n’y a pas eu de fausses promesses : c’est une reprise qui a échoué en raison de l’ampleur des travaux de dépollution. "J’aurais été l’homme le plus fier du monde si j’avais réussi", assure-t-il.
Trois ans de prison dont un ferme
À l’issue de ce procès, le ministère public a requis contre Frank Supplisson trois ans d’emprisonnement dont deux assortis d’un sursis probatoire, une obligation de régler les sommes dues au trésor public, l’indemnisation des parties civiles, une amende de 150 000€, l’interdiction de gérer ou de diriger une entreprise commerciale pendant 15 ans et cinq ans inéligibilité.
Quant à Alain Samson, associé de Frank Supplisson, le parquet a requis deux ans de prison avec sursis, une amende de 200 000€, l’interdiction de gérer une entreprise commerciale pendant 10 ans et cinq ans d’inéligibilité. Une victoire pour l’avocat des parties civiles, Me Thierry Billet : "C’est la réponse du parquet à des gens qui les ont pris pour des imbéciles. On a raconté une belle histoire au tribunal de commerce pour obtenir une décision favorable de façon à maîtriser un terrain de 8 hectares pour 1 million d’euros en plein cœur d’Annecy. […] Ces gens-là se pensent au-dessus des lois, ils sont dans une autre vie où, globalement, ils font ce qu’ils veulent et personne ne contrôle. Malheureusement pour eux, on est venu les contrôler".
Pour Me Cécile Pesson, avocate de Frank Supplisson, les réquisitions du ministère public sont particulièrement sévères, évoquant "un procès d’intention" sans réels fondements : "Il y a un problème évident de preuves. Mon client comptait sincèrement réindustrialiser le site, mais il est tombé sur des événements imprévisibles avec une volonté de départ de salariés. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui ce projet est un échec, mais pour autant, ce n’est pas une escroquerie au jugement", assure l’avocate. "Les réquisitions sont très dures. Pour un entrepreneur, l’interdiction de gérer pendant 15 ans, c’est la peine de mort". Le jugement sera rendu vendredi 31 janvier à 14 heures.