Le chef Benoît Vidal a reconquis ses étoiles au guide Michelin, quelques mois seulement après avoir dû quitter le restaurant où il officiait depuis 12 ans à Val d'Isère, en Savoie. Désormais installés à Annecy, le cuisinier et son équipe ont réalisé un véritable tour de force.
La voix est douce, la formule polie, mais les ordres sont précis. Quand il est au piano, Benoît Vidal donne le rythme à sa brigade pour exécuter la partition. Ses plats sont conçus tout en finesse et en contrastes, comme un mille-feuille de reliefs, de textures. Une balade à travers les éléments.
"C'est un mode d'expression. Les cuisiniers sont souvent des gens très timides, un peu renfermés, et ce métier permet d'aller chercher au fond de soi qui on est, ce qu'on veut transmettre comme message à notre échelle. La cuisine permet d'avoir beaucoup de complexité : il y a le rapport humain, l'évolution de soi, la connexion avec la nature, la créativité, et je me retrouve là-dedans", confie le chef de la Maison Benoît Vidal, à Annecy.
Deux étoiles au goût de résilience
Cette cuisine joyeuse et légère, le chef cuisinier et son équipe la composent comme un tableau inspiré de la nature. La carte évolue de jour en jour, au rythme des saisons. "On démarre le printemps, donc on a des asperges vertes et blanches, une truite de Savoie avec toutes les épluchures parce qu'on a toujours eu pour politique d'optimiser tous les produits pour éviter le gaspillage. On fait une fermentation avec les épluchures de chaque légume et on les utilise avec des cuissons différentes", décrit Benoît Vidal devant l'entrée du jour.
Les plats sont imaginés selon des nuances de couleurs et de saveurs par un cuisinier qui se dit "hyper créatif, hypersensible", avec "un côté Peter Pan". Le chef catalan, qui a conservé son accent de Perpignan, "signe ici une cuisine légère et poétique enracinée dans la Savoie, son pays d’adoption", souligne le guide Michelin dans son édition 2024, dévoilée lundi 18 mars à Tours (Indre-et-Loire).
"Il travaille avec justesse et personnalité des produits rigoureusement sourcés, mis en valeur par une technique sûre et des dressages très élaborés", estime encore le guide rouge qui lui décerne deux étoiles au bon goût de résilience. Il y a moins d'un an, Benoît Vidal se voyait contraint de quitter son restaurant doublement étoilé de Val d'Isère (Savoie) où il officiait depuis 12 ans.
"Je me suis relevé d'une grande blessure"
Le chef espérait racheter les murs, mais le propriétaire a préféré vendre à un promoteur pour un projet d'immobilier de luxe. "Il y a moins de dix mois, je comprenais que les étoiles Michelin de mon ancien restaurant, c'était fini. Je comprenais que je devais partir, que le cycle était fini et que ça ne servait à rien de pleurer sur mon sort", se rappelle-t-il.
C'est sur les hauteurs d'Annecy que le chef cuisinier a rebondi, avec son équipe, dans un nouvel établissement où il a trouvé "une conclusion cohérente entre le lieu et l'homme", sans cloison entre travail et temps libre. Retrouver ses lettres de noblesse lui a demandé beaucoup de travail, mais surtout "de la folie".
"Je me suis relevé d'une grande blessure, d'une trahison qui m'a permis de devenir un homme différent, d'avancer différemment en étant très heureux d'emprunter un nouveau cheminement", sourit-il. "J'ai cassé ma petite tirelire et je suis venu avec ce qui me restait, c'est-à-dire mon corps, mon âme, mon cœur et les hommes qui m'entouraient, qui ont été là quand j'ai mis un genou à terre, quand j'ai remis un tour de clé dans le moteur. C'est chouette, c'est une belle histoire humaine."
Un cheminement qu'il poursuit avec le même équipage, resté fidèle malgré les aléas. "Il transmet beaucoup de choses, beaucoup d'énergie, des bonnes ondes. Ce qui est bien, c'est qu'il nous laisse le champ libre pour faire des propositions sur la nouvelle carte, sur les marchés qui changent toutes les semaines", confirme Amélie Miez, pâtissière à la Maison Benoît Vidal. L'inventivité a désormais son adresse, route de Thônes. Une maison au décor contemporain où le chef est complètement chez lui.