L'ex députée de Haute-Savoie Sophie Dion, ancienne conseillère "sports" de Nicolas Sarkozy, est restée en garde à vue plusieurs heures en même temps que Michel Platini ce mardi. L'office anticorruption de la police judiciaire s'intéresse aux conditions d'attribution du Mondial 2022 au Qatar.
Trois ans après l'ouverture d'une enquête en France pour corruption sur les conditions d'attribution de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, l'ancien patron de l'UEFA Michel Platini ainsi que l'ancienne conseillère aux sports, l'ex députée de Haute-Savoie Sophie Dion, ont été placés ce mardi 18 juin 2019 en garde à vue tandis que l'ex-bras droit de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, était entendu en audition libre. Tous trois sont ressortis tard dans la nuit sans qu'aucune charge n'ait été retenue à leur encontre.
L'ancienne star de l'équipe de France (64 ans vendredi), qui fut aussi vice-président de la Fifa jusqu'en 2015, et l'ancienne conseillère sports de Nicolas Sarkozy, Sophie Dion, ont été placés en garde à vue mardi matin dans les locaux de l'office anticorruption de la police judiciaire (OCLCIFF), à Nanterre, près de Paris, a-t-on appris auprès d'une source judiciaire et d'une source proche de l'enquête, qui confirmaient une information de Mediapart.
Lui aussi convoqué mardi, l'ex-secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant était pour sa part interrogé comme suspect libre. Michel Platini "n'a strictement rien à se reprocher et affirme être totalement étranger à des faits qui le dépassent", ont indiqué mardi en début d'après-midi les conseils de l'ex-patron de l'UEFA dans un communiqué. Ils affirment qu'il ne s'agissait "en aucun cas d'une arrestation, mais d'une audition comme témoin dans le cadre voulu par les enquêteurs, cadre qui permet d'éviter que toutes les personnes entendues, puis confrontées, ne puissent se concerter en dehors de la procédure".
Michel Platini, qui avait déjà été entendu en audition libre, "s'exprime sereinement et précisément, répond à toutes les questions, y compris celles sur les conditions d'attribution de l'Euro 2016, et a fourni des explications utiles", ajoutent-ils, soulignant qu'il était "absolument confiant sur la suite". Ces auditions se déroulent dans le cadre d'une enquête préliminaire ouverte par le parquet national financier (PNF) en 2016 pour "corruption privée", "association de malfaiteurs", "trafic d'influence et recel de trafic d'influence" pour examiner les conditions d'attribution des Coupes du monde de football 2018 et 2022.
Le même jour, le 2 décembre 2010, le Mondial-2018 avait été attribué à la Russie (face notamment à l'Angleterre éliminée dès le 1er tour) et à la surprise générale, le Mondial-2022 au Qatar, vainqueur au dernier tour face aux Etats-Unis. La désignation de ce richissime émirat gazier, où les températures brûlantes en été rendent la pratique du football difficile voire impossible, avait immédiatement déclenché des soupçons de corruption, et été l'un des déclencheurs de la grave crise qui a secoué la Fifa à partir de 2015.
En octobre 2015, l'ancien président de la Fifa Sepp Blatter avait ajouté à la polémique en mettant en cause la France. Selon sa version, "un arrangement diplomatique" existait pour que les Coupes du monde 2018 et 2022 aient lieu en Russie puis aux Etats-Unis, un plan qui aurait échoué à cause de "l'interférence gouvernementale de M. Sarkozy" qui aurait entraîné, toujours selon le Suisse, une volte-face de Michel Platini, président de l'UEFA.
La justice française s'intéresse en particulier à "une réunion secrète" au Palais de l'Elysée le 23 novembre 2010, à laquelle participaient Nicolas Sarkozy, Tamim ben Hamad al-Thani (alors prince héritier du Qatar devenu Emir en 2013), et Michel Platini, révélée par France Football. Son but supposé: s'assurer que Platini voterait pour l'émirat. Un "tissu de mensonges", s'était indigné l'ancien numéro 10 des Bleus.
Mardi, M. Blatter a fait part sur la chaîne suisse RTS d'"une grande surprise". Il a de nouveau évoqué un coup de téléphone avec M. Platini, son ex-ami et allié. "Je me rappelle ce moment, c'était vers la fin du mois de novembre en 2010, après qu'il a été invité à l'Elysée où il a rencontré le président Sarkozy qui, lui, avait rencontré le prince héritier, l'actuel émir du Qatar", a-t-il raconté.
Le Français lui aurait dit que le consensus trouvé "pour aller en 2018 en Russie et en 2022 aux Etats-Unis n'allait peut-être pas se réaliser parce que M. Sarkozy lui (avait) demandé si lui ou d'autres pouvaient voter pour le Qatar." M. Blatter a pour sa part été suspendu six ans par la Fifa "de toute activité liée au football" pour un paiement controversé de 2 millions de francs suisses (1,8 million d'euros) à Michel Platini, lui aussi suspendu quatre ans. En mai 2018, ce dernier a été mis "en l'état" hors de cause par la justice suisse qui enquêtait sur ce versement.