Les trois Français portés disparus au Népal après une avalanche suivaient une formation amateur à l'alpinisme orientée vers l'aventure. Son objectif est de "retrouver l'état d'esprit des pionniers".
Entre haute technicité et quête d'absolu, la formation à l'alpinisme suivie par les trois jeunes Français disparus après une avalanche au Népal propose une pratique avant tout amateur de la montagne, dans l'esprit des "pionniers".
Le Groupe excellence alpinisme national (GEAN) a été créé en 1991 par la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM). Il constitue, tous les deux ans, un petit groupe mixte de jeunes triés sur le volet pour les former aux techniques de l'alpinisme, à la haute montagne et à l'organisation d'expéditions.
C'est cette promotion composée de huit membres qui se trouvait depuis début octobre avec des accompagnants sur les pentes du massif de l'Everest, dans la vallée du Khumbu.
Lorsque l'avalanche s'est produite aux derniers jours d'octobre, près du sommet du Mingbo Eiger, trois des alpinistes ont été précipités au pied des parois, et leurs chances de survie sont considérées comme nulles.
Recherches interrompues
Les recherches lancées au cours du week-end par des guides népalais n'avaient rien donné mercredi 2 novembre et ont été suspendues pour trois ou quatre jours. L'expédition au Népal devait valider la fin d'un cursus allongé à trois ans en raison des perturbations liées au Covid-19.
Plutôt que rééditer des exploits déjà accomplis comme l'ascension d'un sommet de 8 000 mètres, le groupe s'était fixé deux objectifs en apparence moins prestigieux mais plus techniques : l'ouverture d'une voie sur la face nord du Cholatse (6 441 m), qui a été atteint par une des cordées, et celle d'une goulotte en face ouest du Mingbo Eiger (6 017 m).
C'est là, alors que les trois hommes avaient semble-t-il fait demi-tour à une centaine de mètres en dessous du sommet, que s'est produit le drame dans des conditions qui restent encore à éclaircir. Les corps se trouveraient désormais "ensevelis sous des mètres de glace et de neige compactées", selon la FFCAM.
Une chose est certaine pour ceux qui les connaissaient : les trois hommes, dont deux sont originaires des Alpes du nord, étaient des grimpeurs chevronnés et ne s'étaient pas engagés à la légère. Ils avaient passé de longues heures à scruter la face à la jumelle pour étudier en détail les conditions avant de se lancer.
"Retrouver l'état d'esprit des pionniers de l'alpinisme"
Au cours de leur formation, les huit avaient "pratiqué dans les Alpes toutes les formes d'alpinisme. Ils avaient gravi la face nord du Cervin en hiver, la face nord des Grandes Jorasses, des courses vraiment techniques et difficiles", relate Damien Tomasi, guide de haute montagne et formateur à la fois auprès du GEAN et de l'Ecole nationale de ski et d'alpinisme (Ensa) à Chamonix.
Ces deux formations sont souvent suivies en parallèle par les membres du GEAN mais diffèrent, fait-il remarquer. La philosophie du GEAN est tournée vers une "formation amateur, pour leur pratique personnelle de ce qui les fait vibrer, qui est l'alpinisme technique : les voyages, la découverte, l'aventure" alors que la formation de guide à l'Ensa s'oriente davantage vers la "gestion du risque".
"Il y a autant de motivations qu'il y a d'alpinistes", relève-t-il, citant les "moments incroyables en cordée", la soif d'engagement, la joie de se "confronter à l'inconnu". "Il y a, surtout dans les Alpes, une culture de l'alpinisme sportif qui est très ancrée : ça peut être de grimper la montagne par son versant le plus raide, ou le rocher le plus beau", explique-t-il dans son chalet à Servoz (Haute-Savoie), au pied du mont Blanc.
"L'objectif n'est pas forcément de faire des choses les plus extrêmes possibles mais de retrouver l'état d'esprit des pionniers de l'alpinisme, de l'himalayisme", abonde Nicolas Raynaud, président de la FFCAM, et alpiniste amateur. Le cursus du GEAN offre une "formation assez spécifique à la France, assez innovante" selon lui.
Bien que tous les grands sommets aient été conquis depuis longtemps, "notre planète a encore des coins absolument vierges où aucun être humain n'est allé. C'est ça la grande aventure de l'alpinisme, de l'exploration marine, sous-marine ou spéléologique", souligne-t-il. Selon lui, la récente expédition au Népal "s'inscrivait dans ce cadre-là" et malgré la dimension "forte et symbolique" du drame, "la volonté est bien sûr de continuer".