L'alpiniste chamoniard Charles Dubouloz a accompagné le skipper Jérémie Beyou dans le massif du Mont-Blanc, mi-mars, dans le cadre de sa préparation pour sa cinquième participation au Vendée Globe. Une manière, pour le marin, de vaincre sa peur du vide avant d'affronter l'Everest des mers.
À quelques mois de son cinquième Vendée Globe, le skipper Jérémie Beyou s'est lancé un nouveau défi cet hiver dans les Alpes françaises : apprivoiser sa peur du vide, aux côtés du célèbre alpiniste Charles Dubouloz, pour mieux affronter l'"Everest des mers".
En ce deuxième lundi de mars, un épais brouillard recouvre la pointe Lachenal, située à 3 613 mètres d'altitude. De son sommet, elle offre habituellement un magnifique panorama sur la Vallée blanche à proximité de l'Aiguille du midi. Mais pas aujourd'hui.
Encordés, les deux hommes évoluent sur une arête enneigée, crampons aux pieds et bâtons en mains. Tandis que Charles Dubouloz, 34 ans, mène le duo d'un pas félin, Jérémie Beyou, trois fois vainqueur de la Solitaire du Figaro, avance fébrilement puis s'immobilise : "Je ne pouvais plus avancer, comme un âne", s'étonne quelques heures plus tard avec le sourire Beyou, 47 ans. "Je n'avais jamais utilisé de crampons et de piolets. J'ai le vertige quand je monte à mon mât, alors dans cette ambiance apocalyptique...", ajoute-t-il.
Pas du même univers, mais les mêmes expériences
Malgré la brume et les bourrasques, la cordée a continué son chemin jusqu'au refuge le plus proche. "Il s'est bien bougé les fesses", félicite en fin de journée Dubouloz, guide de haute montagne et spécialiste des ascensions très engagées en style alpin.
Juste avant la nuit, alors que le soleil crève enfin les nuages et éclaire Chamonix, le duo en profite pour admirer la ville depuis le balcon de l'abri. "Il n'est pas dans son environnement, mais son expérience de marin en fait un bon alpiniste", glisse Dubouloz. "Pendant la sortie, je l'ai entendu plusieurs fois se lancer des 'Allez, vas-y Beyou' pour vaincre ses craintes ou dépasser sa fatigue", note le joyeux montagnard, premier à avoir gravi la mythique face nord des Grandes Jorasses, seul en hiver, en janvier 2022.
"Cela doit lui arriver souvent sur son voilier... et je le fais aussi lors de mes expéditions. Si on n'est pas du même univers, on vit un peu la même chose car on doit sans cesse prendre des décisions dans des situations critiques", juge Dubouloz. Les deux sportifs se sont rencontrés à la faveur d'un événement organisé par leur sponsor et le courant est rapidement passé. Jérémie Beyou, plutôt discret sur les pontons, a vite apprécié la gouaille de Dubouloz ainsi que son franc-parler.
"La mer c'est mon truc"
Peu après la mise à l'eau de l'Imoca Charal à l'automne 2022, l'alpiniste a été embarqué pour une navigation à Lorient dans une mer agitée. "On a filé à 25 noeuds (46 km/h) pendant des heures, le bateau était neuf et secouait pas mal", souligne Beyou.
Après un Vendée Globe difficile en 2020/2021, achevé en 13e position, le tenace marin souhaitait faire évoluer sa préparation cette année et Charles Dubouloz l'a contacté. "Peut-être aussi qu'il souhaitait se venger un peu", s'amuse l'imposant navigateur.
Venu avec son préparateur physique à Chamonix, il a appris à grimper pour mieux se connaître. "Quand je suis resté bloqué là-haut, j'ai compris que la mer c'est mon truc. La prochaine fois que je serai dans le dur au large, je saurai me rassurer", dit-il.
Une fois le skipper entraîné, Charles Dubouloz s'envolera lui fin avril pour le Népal, gravir sans oxygène avec un ami alpiniste le Gyachung Kang, quinzième plus haut sommet du monde (7 952 mètres). Pendant ce temps-là, son ami Beyou sera entre la Bretagne et New-York, à l'occasion de la première transatlantique en solitaire de l'année. Le 10 novembre, il s'élancera enfin à bord de son Imoca à l'assaut du redoutable Vendée Globe, son grand sommet à lui.