Au quatrième mois de la vague de contestation en Iran, le régime multiplie les arrestations. Cinq alpinistes ont été emprisonnés et risquent une condamnation à mort pour avoir manifesté. La communauté montagnarde se mobilise dans les Alpes pour soutenir ces sportifs.
"Des prisonniers, le visage flouté, deux d'entre eux sont menottés." Devant son écran d'ordinateur, Claude Gardien décrit la photo qu'il vient de recevoir. Celle de cinq alpinistes iraniens emprisonnés par les autorités oppressives et risquant une condamnation à mort. Une photo accompagnée d'un message "disant qu'ils avaient reconnu avoir fabriqué une bombe", ajoute le guide de haute montagne de Chamonix (Haute-Savoie), membre du comité alpinisme Unesco France.
Des aveux forcés et un scénario fictif, selon le média d'opposition IranWire. Dans un article, le journal accuse la République islamique d'avoir inventé des accusations pour associer les cinq athlètes à des terroristes, et pointe plusieurs incohérences dans les faits qui leur sont reprochés.
Torture et peines de mort
Des informations que Claude Gardien analyse minutieusement. Car ces cinq sportifs de haut niveau - Amir Arsalan Mahdavi, Eshragh Najaf Abadi, Hessam Mousavi, Dena Sheybani et Mohammed Khiveh -, membres de l'équipe nationale d'alpinisme mais aussi professeur de snowboard et d'escalade, ont été arrêtés entre fin octobre et fin novembre pour avoir manifesté.
Nous, alpinistes, sommes habitués à voir partir des collègues. Mais ce n'est pas pareil. L'alpinisme, ce n'est pas du courage, c'est une passion. (…) Se battre contre un régime dictatorial, c'est autre chose. Avec tous ces gens qui sont arrêtés, ils savent parfaitement ce qu'ils risquent.
Claude Gardien, guide de haute montagne et membre du comité alpinisme Unesco Franceà France 3 Alpes
Tortures et peine de mort, tous sont en danger. Le guide s'exprime au nom de cette solidarité internationale et montagnarde. Les échanges et les amitiés sont nombreux entre l'Iran et les Alpes. Même si les informations sont encore parcellaires et la discrétion de certains essentielle, les sportifs se mobilisent. Une pétition a été lancée sur change.org, rassemblant plus de 9 500 signatures ce jeudi 22 décembre, alors que les arrestations se multiplient.
La solidarité montagnarde "ne connaît aucune frontière"
"Un jeune alpiniste, Hamid Ghashghaei, a été arrêté à Chiraz après avoir écrit 'freedom' [liberté, NDLR] à la craie sur les hauteurs d'une montagne environnante", explique encore le guide. Cette liberté, chère au cœur des montagnards, est le moteur de leur contestation. Dans un appel à la mobilisation relayé par Montagnes Magazine, le comité alpinisme Unesco France invite la communauté de la montagne à témoigner son soutien aux Iraniens.
"La solidarité montagnarde est une réalité qui ne connaît aucune frontière. Ce caractère a été relevé par l’Unesco lors de l’inscription de l’alpinisme au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité en décembre 2019. Parmi les 178 pays qui ont ratifié le texte de l’inscription, se trouve l’Iran", écrit le comité dans un communiqué.
L'Iran est secoué par une vague de contestation sans précédent depuis la mort, le 16 septembre, de Mahsa Amini. Cette Kurde iranienne de 22 ans a été arrêtée à Téhéran et mise à mort pour avoir mal porté le voile islamique. Plus de 400 manifestants ont depuis été tués, 14 000 personnes arrêtées et deux hommes de 23 ans exécutés.