Dérèglement climatique. "il faut se relever les manches", l’ultra-traileur Xavier Thévenard souhaite entrainer le grand public dans sa foulée

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Xavier Thévenard est un des meilleurs spécialistes de la course en montagne. À 34 ans, il a déjà remporté trois fois une des épreuves les plus exigeantes du circuit : « l’Ultra-Trail du Mont-Blanc »... ©France 3 Auvergne-Rhône-Alpes

Xavier Thévenard est un des meilleurs spécialistes de la course en montagne. À 34 ans, il a déjà remporté trois fois une des épreuves les plus exigeantes du circuit : l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. Très sensible au dérèglement climatique, ce sportif essaye de réduire au maximum son empreinte carbone pour se conformer aux objectifs des accords de Paris.

La brume enveloppe le hameau des trois Cheminées dans le massif du Jura. Il est 10 heures. Le ciel est blanc et le relief est masqué par un léger brouillard. Sur le vaste plateau couvert de pâturages, on distingue un coureur avancer avec une foulée assurée. Il longe les bois, passe près d’un troupeau de vaches et disparaît vers un village niché dans un vallon au loin. Xavier Thévenard adore cet univers de petites collines, quand le vert tendre des prairies contraste avec le vert plus foncé des sapins. Cet endroit, situé à la frontière entre l’Ain et le Jura, est un de ses lieux d’entrainements favoris et bientôt son futur lieu de vie. Depuis quelques mois, il est en train d’y faire construire sa maison.

Xavier a besoin de calme et d’espace. Cet athlète léger, d’un mètre soixante-dix, au visage d’enfant, est un spécialiste de l’ultra-trail, la course en montagne sur de longues distances avec de forts dénivelés. Trois fois vainqueur de l’UTMB, la course de référence dans cette discipline qui fait de plus en plus d’adeptes, ce grand compétiteur fait figure de légende sur le circuit. Paradoxalement, il ne vient ni des Alpes, ni des Pyrénées : il est originaire de l’Ain. Il est né à Nantua. Il connaît très bien le massif du Jura et en est presque un de ses meilleurs ambassadeurs.

"J’aime mêler l’effort physique à la découverte des beaux paysages. Cette symbiose est unique" affirme-t-il. "Je cours essentiellement dans le massif du Jura : il y a plein de chemins et une faune abondante : des animaux, des chevreuils, des chamois, mais aussi des lynx."

Les premiers feux dans le massif du Jura

À force de parcourir ces grands espaces sauvages, il les voit se transformer un peu. "On a des hivers de moins en moins longs, de plus en plus chauds, avec des quantités de neige moindres" décrypte le coureur qui aime également chausser les skis. "On passe rapidement d’une période où il peut faire très froid à une période où on se situe à 10 degrés au-dessus des normales saisonnières. C’est assez perturbant. Cet été, on a même eu les premiers feux de forêts dans le Jura, du jamais vu dans cette région qui est réputée humide et fraîche."

Prenant conscience que le phénomène allait en s’aggravant, le jeune homme a pris une décision forte, rare dans le milieu. Alors qu’il a participé et remporté par le passé des courses de renom à l’étranger comme l’Ultra-trail du Mont Fuji et qu’il n’a que 34 ans, il a annoncé qu’il ne prendrait plus le départ de compétitions éloignées de chez lui.

Comme personne ne m’oblige à aller au Japon ou aux Etats-Unis et je décide seul de mon programme de courses, j’ai décidé de couper court à ces déplacements car le bilan carbone de ce type de  trajets en avion est beaucoup trop important, loin de ce vers quoi on doit tous tendre, si on veut être ligne avec l’objectif des accords de Paris : la neutralité carbone d’ici 2050.

Xavier Thévenard

"Je ne vois pas ce renoncement comme un sacrifice. Prendre un billet d’avion pour courir à l’autre bout du monde est couteux et je préfère passer du temps avec les gens que j’aime plutôt que d’attendre dans les aérogares. Ce n’est ni une contrainte ni une frustration. Et si je peux inspirer des gens par mes actions et mes témoignages, tant mieux. Je ne résonne pas du tout en termes de carrière. Je n’ai pas commencé une carrière et je ne finirai pas une carrière. Le sport, à mes yeux, c’est un mode de vie et demain même quand je serai vieux, je continuerai à courir tous les jours, car c’est ce qui me fait du bien et j’ai envie d’aller dans la nature."

Au-delà de cette décision professionnelle et de ce signal fort envoyé aux sportifs qui évoluent en montagne, Xavier s’organise pour mener une vie exemplaire, du moins guidée par des choix écoresponsables. "Notre souhait avec ma compagne est d’être en accord avec nos convictions, mais aussi d’être dans l’air du temps. Afin de régler les problèmes environnementaux et de limiter le réchauffement climatique à deux degrés d'ici à 2050, il faudrait que le bilan carbone de chacun de nous soit de 2 tonnes de CO2  par personne. Aujourd’hui, un français moyen est à 8 tonnes. Si on veut y arriver, il faut changer notre façon d’être et faire des choix.

Sobriété heureuse

Le jeune couple a décidé de réhabiliter une vieille ferme à 20 minutes de Saint-Claude dans le Jura avec des matériaux naturels, du bois et de la paille notamment, et d’avoir un mode de vie sain et sobre avec un minimum d'électroménager. Leur but est d’avoir un impact réduit et de devenir si possible à terme autosuffisant en eau, en électricité et dans leur alimentation.

Xavier a planté des jeunes arbres fruitiers derrière sa future demeure, et espère faire de belles récoltes prochainement. "On peut vivre simplement en ayant beaucoup de bonheur et étant heureux" déclare-t-il en riant après avoir croqué dans une de ses premières pommes. "Je rejoins l’esprit de Pierre Rabhi, la sobriété heureuse, c’est exactement cela."

Fresque du climat

Xavier a beaucoup lu sur le sujet et pas seulement les ouvrages de Pierre Rabhi. Le sportif s’est beaucoup renseigné sur le sujet du dérèglement climatique et espère entrainer d’autres personnes dans sa foulée à s’intéresser à ces enjeux. Il est devenu il y a peu animateur de La fresque du climat. Ce sont des ateliers de discussion ludiques et informatifs à propos des questions environnementales. "La fresque du climat, c’est ni plus ni moins le rapport des scientifiques du GIEC. Le rapport du GIEC, c’est 6 000 pages. C’est un peu long à lire donc on organise des ateliers d’environ trois heures à plusieurs car le problème du dérèglement climatique, ce n’est pas tout seul dans son coin qu’on va le résoudre, c’est collectivement " explique l’animateur.

"On dispose des cartes thématiques et on échange autour. À travers ces interactions et des explications, on peut saisir combien le dérèglement climatique est lié aux activités humaines et avoir des ordres de grandeur pertinents. On comprend aussi comment ces transformations affectent la biodiversité. Après, on réfléchit aux solutions, à ce que l’on peut faire, aux moyens d’action individuels ou collectifs. Ensemble, on arrive à intégrer des choses dont on n’avait pas forcément conscience. Il peut y avoir des déclics. Au début, il y a un peu de déni, de la colère, de l’incompréhension. Ensuite, on potasse puis on finit par se relever les manches et agir."

Pour ce sportif qui aime se bouger, ces animations font sens. "Je ne me vois pas rester dans mon canapé, voir que la forêt brule et qu'on a tous des moyens d’action forts., ensemble" déclare-t-il. "Je préfère agir et faire ma part du colibri pour tenter d’éteindre le feu."

>> Les trois antennes de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes mettent au cœur de leur programmation la protection de la montagne et de ses écosystèmes, beaux mais fragiles. #PréserveTaMontagne, un sujet d’actualité, une question majeure vu que deux tiers de la région se situe en zone montagne et que la région est à cheval sur les Alpes, le Massif central et le Jura.

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