En mai prochain, tout meublé touristique mis en location à Chamonix (Haute-Savoie) devra recevoir une autorisation délivrée dans la limite d'un bien loué par personne. Un avertissement lancé par le maire, aux plateformes de type Airbnb et aux spéculateurs immobiliers qui font grimper les prix au point d'empêcher les résidents locaux de se loger.
"L'augmentation du nombre de biens immobiliers qui changent d'usage pour passer en locations saisonnières n'est plus admissible pour notre collectivité. Surtout, lorsqu'elle cherche, comme c'est le cas à Chamonix, à stabiliser l'équilibre entre notre population permanente et notre population touristique".
Ce n'est pas la première fois qu'Eric Fournier, le maire de Chamonix, tape du poing sur la table contre l'excès de meublés touristiques dans sa commune. Mais cette fois, l'élu joint le geste à la parole. Le 25 juillet, une délibération a été adoptée à l’unanimité par les élus de la Communauté de Communes de la Vallée de Chamonix Mont-Blanc.
20% du parc locatif en meublé de tourisme
"On n’interdit pas les Airbnb, ou plus largement le marché des plateformes de réservation touristiques... Mais on veut arrêter de faire fuir nos habitants en accroissant la pression immobilière qui pèse toujours davantage sur eux", explique Eric Fournier.
Déjà élevé avant la crise du Covid, le prix du mètre carré dans la capitale française de l'alpinisme a atteint de nouveaux sommets ces quatre dernières années, dépassant parfois les 10 à 12 000 euros le mètre carré. Hors de prix pour nombre de résidents permanents. Mais pas pour des investisseurs qui veulent saisir l'effet d'aubaine, "au point d'acheter des cages d'escalier entières", donne en exemple le maire, afin d'en faire des locations saisonnières. Elles occupent actuellement environ 20% du parc locatif chamoniard.
Une analyse confirmée par les professionnels de l'investissement immobilier. Dans une récente étude, ils classent Chamonix (4615 euros de revenus mensuels pour la location d'un meublé de tourisme) parmi les villes de France où les locations Airbnb sont les plus rentables derrière Paris (4675 euros) mais loin devant Nice (3173 euros mensuels).
Un logement social "tonneau des Danaïdes"
Face à une telle flambée des prix, la mairie a bien tenté de réagir en achetant des terrains pour y construire des logements accessibles à ses habitants permanents, à l'image du programme immobilier lancé le 9 juillet dernier pour 7 appartements. "C'est bien...mais peu", se lamentent plusieurs habitants sur les réseaux sociaux.
"Cela fait des années que l'on achète des terrains, ou des biens déjà construits pour les remettre sur le marché des biens permanents. Sauf que si l'on se fait dépasser par la pression de l'immobilier touristique, ça devient le tonneau des Danaïdes. On a beau remplir le récipient par le haut, il se vide toujours plus vite par le bas", explique le maire de Chamonix.
Un seul bien touristique par personne
Plutôt que l'instauration de quotas sur les locations touristiques comme Annecy a tenté de le faire,, Chamonix a préféré limiter le nombre de biens par personne mis sur le marché du tourisme.
À compter du 1er mai 2025, toute location de courte durée devra ainsi obtenir un numéro d'enregistrement et une autorisation préalable, valable trois ans et renouvelable.
Une limite sera également fixée au propriétaire. Il ne pourra pas louer plus d'un seul bien sur le marché du tourisme. À Chamonix mais aussi sur la commune voisine des Houches.
A Servoz, la limite sera portée à deux logements par personne. Quant à la commune de Vallorcine, elle délivrera des autorisations pour une durée d’un an, mais sans limitation du nombre de biens. Avant, peut-être, d’aller plus loin l’année prochaine.
"Le risque que le règlement soit attaqué existe"
Car le nouveau réglement se veut évolutif. Dans un premier temps, la nouvelle règle ne concerne que les personnes physiques. Mais les données recueillies permettront ensuite de prendre des mesures complémentaires visant les personnes morales : ces dernières constituant la majeure partie des multipropriétaires.
Gestionnaires de parc immobilier, agences ou encore conciergeries détiendraient ainsi, environ un tiers des quelque 3500 meublés recensés à Chamonix, selon les données collectées en 2023 via la taxe de séjour. Et elles disposent des "moyens financiers pour aller chercher des recours juridiques", souligne-t-on à la mairie de Chamonix. Selon Eric Fournier, "le risque que le règlement soit attaqué existe."
Une limitation qui pourrait faire école
Dans l'offensive en cours depuis plusieurs années contre les plateformes de réservation en ligne, s'agit-il, alors, de la grande "première" attendue par les territoires de montagne, comme s'enthousiasme Xavier Roseren, le député (Ensemble) de la circonscription de Chamonix ?
"C'est un premier pas", selon Eric Fournier. "On collabore avec différentes villes, du littoral ou de la montagne, pour échanger, mutualiser nos différentes expériences. Et à terme, les faire remonter pour obtenir un cadre législatif approprié", conclut le maire de Chamonix.