Témoignage. Il fait 11.000 km à vélo jusqu'au Népal pour gravir un sommet mythique : un alpiniste de 22 ans doit renoncer au dernier moment

Publié le Écrit par Marie Bail
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Jean Rouaux, jeune Chamoniard de 22 ans, s'était élancé pour un périple à vélo de la France jusqu'au Népal pour grimper le sommet de l'Ama Dablam (6 800m). Trop malade pour poursuivre, il renonce à l'étape finale de son aventure entreprise il y a deux mois.

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Près de 70 jours de voyage ont conduit Jean Rouaux jusqu'au pied de l'Ama Dablam, ce sommet de 6 800 mètres dans la région de Khumbu au Népal. Un périple à vélo durant lequel il a traversé 16 pays. Mais le jeune homme de 22 ans, originaire de Chamonix, est tombé malade il y a trois jours et doit renoncer à escalader le sommet.

"Ce 68e jour est le plus délicat, je suis malade et avec l'altitude je n'arrive pas à récupérer, j'ai probablement attrapé une sale bactérie", explique Jean au téléphone. Le réseau passe mal, mais la déception du Haut-Savoyard est palpable. La montagne de l'Ama Dablam s'élève en face de lui et le nargue. "C'est le pire qui puisse m'arriver après plus de 60 jours de vélo", confie-t-il.

Trop dangereux

Du haut de sa vingtaine, Jean Rouaux est un aventurier humble. "La montagne c'est un élément particulier, on ne peut pas faire n'importe quoi, on ne la maîtrise pas, ni la météo. C'est trop dangereux de se lancer à l'improviste", explique le moniteur d'escalade.

D'autres comme lui auraient pu s'obliger à grimper. Le Haut-Savoyard est un homme averti du danger et des risques de la haute montagne. "Voilà trois jours qu'on discute avec un ami des scenarii possibles. Quelqu'un qui arrive ici sans avoir fait le voyage que j'ai entrepris serait sûrement reparti à Kathmandu en hélicoptère pour se soigner et revenir, mais c'est contre tous mes principes", explique Jean.

Il hésite. La décision de rentrer sans voir le sommet est-elle tout à fait actée ? Derrière lui, son ami le reprend : "Tu dois rentrer, tu n'as pas le choix".

J'ai laissé du temps à mon corps pour se reposer, j'ai tout tenté, il faut savoir renoncer.

Jean Rouaux

11 000 km de vélo

"Le cœur du projet c'était d'aller à l'aventure au bout du monde, ce n'était pas seulement le sommet mais tout ce qui vient avant", se console le jeune homme. Le jeune homme est volontairement parti à vélo pour un voyage bas carbone qu'il a commencé le 10 août dernier.

Il a vécu une aventure extraordinaire de la France jusqu'au Népal. "J'ai traversé des pays, des déserts, des montagnes arides, des pays avec une pollution et une circulation abominables". Les premiers jours du voyage ne sont pas les plus simples, pour traverser les Alpes et se rendre en Italie, il doit d'abord contourner le tunnel du Mont-Blanc. Jean pédale pendant 12 heures alors qu'il ne se trouve finalement qu'à 40 km à vol d'oiseau de chez lui. Un premier jour très frustrant selon lui.

Pendant les 45 premières nuits, le jeune homme dort dans sa tente au bord de la route. Parfois, des familles lui proposent de l'héberger. Jean découvre les paysages somptueux du Pakistan, son pays préféré jusqu'à présent. "J'ai adoré l'hospitalité des gens, je me suis régulièrement fait inviter à prendre le thé ou un repas chez des habitants, c'était génial", explique-t-il.

Une richesse et une chance que le jeune cycliste mesure pleinement. Jean découvre aussi les bidonvilles ou la misère de certains endroits. "Je ne voulais pas fermer les yeux, mais mon défi était sportif et je devais avancer rapidement. Pour ma prochaine aventure, j'aimerais avoir un impact positif peut-être dans l'humanitaire."

Son mode de voyage incite à la rencontre et au dialogue. "Le vélo est commun partout dans le monde, c'est un symbole de liberté et beaucoup de gens avaient le sourire en me voyant.". Son voyage laisse aussi circonspect . "Au Kazakhstan, la voiture est le mode de circulation par excellence et l'essence est peu chère donc des gens m'ont donné de l'argent car il pensait que j'étais un mendiant baroudeur", sourit Jean.

Finalement c'est comme dans la vie, il ne faut pas voir l'objectif global final mais avancer, une étape à la fois.

Jean Rouaux

À vélo, il apprend à gérer la douleur physique et mentale. Il se fixe des objectifs à très court terme pour ne pas se dégoûter de l'effort. "En partant de Chamonix, j'étais peut-être insouciant ou alors téméraire mais je ne voulais pas imaginer ce qui m'attendait. Si j'avais su tout ce que j'allais endurer, ça aurait été impossible d'y faire face". En Asie centrale, il roule pendant dix jours avec un vent de face entre 20 à 40 km/h. En moyenne, il parvient à faire 180 km par jour à la force de ses cuisses.

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Jean est aussi rattrapé par l'actualité géopolitique internationale. Il renonce à passer par l'Iran, où les ressortissants français sont appelés à quitter le territoire au plus vite. Arrivé en Géorgie, il doit se résoudre à prendre l'avion pour rejoindre le Kazakhstan car la frontière terrestre avec l'Azerbaïdjan est fermée. Une décision qui sonne comme un premier échec. "J'ai fait de mon mieux pour ne pas casser mon éthique personnelle, mais j'ai quand même roulé 11 000 km à vélo au total. Je montre qu'on peut dépasser l'aventure à portée d'avion, même si je ne suis pas parfait."

Le jeune homme est fier d'avoir su susciter de l'engouement pour son projet. Il est suivi par plus de 34 000 personnes sur son compte Instagram. "C'était génial de partager tout ça, ça m'a aussi aidé à continuer".

Surtourisme au Népal

Arrivé le 12 octobre à Lukla en trek depuis Jiri, l'ancienne ville des expéditions vers l'Everest, Jean prend de plein fouet le surtourisme local. "Les hélicoptères arrivent et repartent toutes les cinq minutes et pas seulement pour amener des alpinistes. Beaucoup de touristes ne respectent pas l'environnement ni les sherpas, les porteurs qui les aident pendant l'ascension". Bien sûr, il le reconnaît, l'activité fait vivre l'économie locale mais laisse un goût amer au jeune voyageur à vélo. Lui-même se sentait mal à l'aise à l'idée de voir son sac de matériel porté par les sherpas. Pourtant, ils sont les seuls à être habitués à l'altitude de la très haute montagne.

Jean doit désormais descendre rapidement et prendra un avion pour rejoindre Kathmandu depuis Lukla car il est trop faible pour faire le chemin à vélo. Il rentrera à Genève dans les prochains jours. "J'aurai été tenté de faire le chemin retour à vélo, mais je n'ai pas le temps et avec l'hiver qui arrive, les visas... c'est compliqué", justifie-t-il.

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Son corps a besoin de repos : "En partant je pesais 70 kg. Ce matin je me suis pesé au centre médical et j'en fais 60, habillé et avec les chaussures ! Pourtant, j'ai mangé comme un ogre sur tout le trajet."

Il est encore difficile pour lui de tirer tous les enseignements de ces 70 jours de voyage. Mais il aura vécu deux mois que peu d'aventuriers avant lui ont connu. "Ma famille sera contente de me voir rentrer plus vite". Fini d'ingurgiter les "momos", ces raviolis typiques du Népal. Il rentrera pour déguster les premières raclettes de la saison.

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