Guerre en Ukraine : la Suisse sanctionne la Russie, pourquoi est-ce "une étape quasi-historique"

Le gouvernement suisse s'est accordé sur l'intégralité des sanctions européennes à l'encontre de la Russie, ce lundi 28 février, pour condamner l'invasion en Ukraine. Pour René Scwhok, professeur à l'université de Genève, cette décision marque l'histoire de la Suisse sur la scène internationale.

La Suisse est sortie de sa position, ce lundi 28 février, et a décidé de suivre "l'intégralité" des lourdes sanctions économiques de l'Union européenne contre la Russie, choquée par la brutalité de l'invasion en Ukraine.

Le gouvernement fédéral "fait ce pas avec conviction, de manière réfléchie et sans équivoque", a insisté le président de la Confédération helvétique, Ignazio Cassis, lors d'un point de presse faisant suite à une réunion extraordinaire du gouvernement fédéral. "La neutralité, ce n'est pas l'indifférence", avait-il dit dimanche pour préparer le terrain dans ce pays alpin très attaché à sa neutralité.

Les sanctions financières contre le président russe Vladimir Poutine et plusieurs de ses ministres sont mises en œuvre sans délai, précise encore un communiqué du Conseil fédéral. Cinq oligarques russes ou ukrainiens "très proches de Vladimir Poutine" et avec des liens économiques forts avec la Suisse sont "immédiatement interdits d'entrer en Suisse".

"Une étape quasi-historique"

Pour René Schwok, professeur au département de science politique et relations internationales de l'université de Genève, il s'agit d'une "étape quasi-historique" dans l'histoire du pays helvétique. "C'est assez rare que la Suisse reprenne toutes les sanctions prises par l'Union européenne. C'est déjà arrivé par le passé que la Suisse prenne des sanctions à l'international. Cela avait été le cas à une période contre l'Iran ou la Serbie. Mais ce n'avait jamais été dit aussi clairement et avec des sanctions aussi importantes."

En général, la Suisse fait le choix de ne pas reprendre les mêmes sanctions que l'Union européenne ou décide d'en adopter juste une partie.

René Schwok, professeur de sciences politiques à l'université de Genève.

L'expert spécialisé dans la politique suisse poursuit : "En général, la Suisse fait le choix de ne pas reprendre les mêmes sanctions que l'Union européenne ou décide d'en adopter juste une partie. Et, il est régulièrement arrivé que le diable se cache dans les détails. La Suisse laissait des petites niches qui permettaient à des pays de s'y engouffrer et de contourner les sanctions occidentales."

En 2014 lors de l'annexion de la Crimée, la Suisse n'avait pas vraiment pris position, contrairement à plusieurs nations européennes : "La Russie en a profité. En 8 ans, le commerce entre les deux pays a doublé."

De lourdes conséquences ?

L'UE n'avait pas fait mystère de son déplaisir quand Berne a fait mine de temporiser la semaine dernière. Ce lundi, plusieurs responsables européens se sont réjouis de la décision : sans la Suisse les mesures auraient été "moins efficaces".

Pour cause, elles peuvent avoir de lourdes conséquences sur deux aspects, selon René Schwok : "près de 80 % du négoce de matières premières russes (pétrole et gaz, ndlr) se fait en Suisse. Mais également, les banques suisses hébergent un tiers de la fortune privée russe."

De l'autre côté, le ministre de l'Economie Guy Parmelin a reconnu que ces sanctions n'étaient pas sans conséquences économiques pour la Suisse. Il a affirmé que la compagnie du gazoduc Nordstream 2 - son entrée en fonction est suspendue par mesure de rétorsion contre la Russie -, qui est basée dans le canton de Zoug, a licencié ses 142 employés.

Vers une position marquée à l'international ?

Cette décision politique majeure a fait la quasi-unanimité au sein du pays. Elle avait été plébiscitée par la population et de nombreux partis politiques. Seule l'UDC, parti de droite radicale, ne s'était pas prononcée.

Les contentieux entre la Suisse et l'UE ne sont pas entérinés pour autant. Il y a toujours des points de divergence.

René Schwok, professeur de sciences politiques à l'université de Genève.

Cette décision applaudie, la Suisse pourrait-elle prendre davantage position à l'avenir sur la scène internationale ? "C'est difficile à dire. La position de la Suisse a changé de façon spectaculaire en l'espace de quelques jours. Mais pour autant, les contentieux entre la Suisse et l'UE ne sont pas entérinés pour autant. Il y a toujours des points de divergence, notamment sur l'accord-cadre (qui doit régir leurs relations bilatérales, ndlr). De plus, la Suisse maintient son référendum du 15 mai pour une sortie de l'espace Schengen", rappelle le professeur de l'université de Genève.

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