A Doussard en Haute-Savoie, un pilote d'ULM vole avec ses oies au-dessus du lac d'Annecy. Habitués dès leur naissance à grandir aux côtés de leur "papa", les oiseaux le suivent partout en toute confiance. Cette activité vise deux objectifs, l'un pédagogique, l'autre touristique.
Les habitants du bassin annécien y sont habitués, mais chaque fois, ils lèvent les yeux pour ne rien manquer du spectacle. Un ULM, suivi de 14 bernaches nonnettes en formation, survole le lac d'Annecy. Ce vol en escadrille quasi-quotidien est le fruit de longs mois d'apprentissage et de collaboration entre le pilote et ses oies.
Tout à commencé il y a quatre mois, dans un petit campement basé à Doussard en Haute-Savoie. Dominique Cruciani et sa collaboratrice Cassandre Schneider recueillent des œufs de bernache nonnette, une espèce d'oie migratrice sauvage. À l'éclosion des œufs, Cassandre est aux côtés des oisillons qui se mettent à la suivre spontanément.
"C'est un principe chez les oiseaux. Quand ils sortent de l'œuf, le premier être vivant qu'ils voient, il le considère comme leur parent et se mettent à le suivre partout", explique Cassandre. Ce phénomène est bien connu, c'est l'imprégnation, observée pour la première fois par le biologiste éthologue autrichien Konrad Lorenz en 1935.
Dés leur naissance, les petites bernaches suivent Cassandre et Dominique, leurs parents de substitution. Des petits déplacements pour commencer puis des marches de plus en plus longues. Très tôt, on les habitue à suivre l'ULM qui roule devant elles, et elles suivent sans rechigner, jusqu'à courir après l'aéronef qui fait des sauts de puce pour les inciter à décoller. Au fur et à mesure de leur croissance, elles parviennent à voler aux côtés de l'ULM et se mettent naturellement en formation.
Spectacle saisissant
La petite escadrille prend corps progressivement et se lance dans des vols de plus en plus long. Aujourd'hui, les oies ont 4 à 5 mois d'apprentissage derrière elles. Vol après vol, elles musclent leurs ailes et acquièrent résistance et endurance. "Là, elles sont capables de voler presque une heure, assure Dominique, mais à terme, ces oies migratrices sont capables de tenir des distances de plusieurs milliers de kilomètres et à des altitudes bien au-delà de 5 000 mètres. Petit à petit, j'aimerais les faire voler au-dessus du Mont-Blanc."
En l'air, le spectacle est saisissant. Les bernaches en formation volent aux côtés de l'ULM, profitant de l'aspiration pour économiser leurs forces. "On peut les toucher en l'air, elles suivent les mouvements de l'appareil en se relayant en pointe de l'escadrille, on les entend se parler et elles ne me quittent pas des yeux et moi non plus d'ailleurs. On fait corps", complète Dominique Cruciani.
Dominique entend faire profiter les écoles de la région de cette expérience unique, comme un outil pédagogique pour les sensibiliser à la protection de la nature. Ils proposent aussi aux touristes de s'offrir ce vol unique, pour la somme de 480 euros, le prix d'un billet d'avion très spécial.
Jusqu'à l'âge de 3 ans, ces oies migratrices sauvages resteront en contact avec leurs parents adoptifs, mais ensuite, elles prendront leur autonomie, à la recherche de l'âme sœur avec laquelle elles passeront le reste de leur vie (20 à 25 ans environ). "Il faudra qu'on se sépare d'elles à ce moment-là, regrette Cassandre. Avant qu'elles ne disparaissent dans la nature, on les mettra en parc, sinon elles risquent de se perdre. On avait l'ambition de les rendre à la nature sauvage, mais ce n'est pas possible d'après les spécialistes. Elles ne sont pas assez armées pour affronter la vie sauvage."