"J'avais un sentiment de futilité" : médecin en Suisse, elle choisit de s'installer dans un désert médical en Haute-Savoie

Elodie Obrist, ancienne médecin anesthésiste à Genève, a changé de voie professionnelle pour s'installer dans un désert médical en Haute-Savoie. C'est une quête de proximité avec les patients qui l'a poussée à traverser la frontière.

C'est par conviction qu'Elodie Obrist s'est installée dans un cabinet médical de Chêne-en-Semine, en Haute-Savoie. Il y a encore quelques semaines, elle exerçait en tant qu'anesthésiste aux Hôpitaux universitaires de Genève, en Suisse. La médecin a laissé son poste pour venir s'installer dans un désert médical, de l'autre côté de la frontière.

"Le cabinet a littéralement été pris d'assaut quand il a ouvert. On reçoit près de 40 patients par jour. C'est vraiment beaucoup." Des patients en errance, dit Elodie Obrist, dont certains n'ont pas vu de médecin depuis des années.

La situation paraît invraisemblable mais elle est devenue classique dans ce village de quelques centaines d'habitants, à une vingtaine de minutes de Genève, devenu désert médical. La médecin généraliste suisse s'y est installé le 1er février. Une démarche à contre-courant, alors que nombre de professionnels de santé haut-savoyards choisissent d'exercer dans le pays helvète pour l'attractivité des salaires.

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Elodie Obrist, ancienne médecin anesthésiste à Genève, a changé de voie professionnelle pour s'installer dans un désert médical en Haute-Savoie. C'est une quête de proximité avec les patients qui l'a poussée à traverser la frontière. ©France 3 Alpes

Remise en question

"Je sens que j'ai envie de contribuer à ce qu'on utilise moins et mieux le système de santé. Les hôpitaux, qui sont en grande souffrance, c'est un problème qui traverse très largement les frontières. J'ai aussi envie de préserver, à mon échelle, ce système de soins qui marche quand même bien en France. Je ferai peut-être plus ma part en étant médecin en milieu rural milieu qu'en hospitalier", retrace Elodie Obrist.

Il ne s'agit pas de retrouver du sens, car elle ne l'a jamais perdu. Sa démarche se base sur ses convictions et son éthique. Mais aussi sur un souhait de travailler en circuit court, au plus proche des patients. Aux antipodes de son ancien poste d'anesthésiste à l'hôpital.

J'avais trop de cas de conscience dans mon ancien métier, et c'était devenu insupportable pour moi, même si j'adorais mon métier.

Elodie Obrist, médecin généraliste à Chêne-en-Semine

à France 3 Alpes

Elodie Obrist avait déjà exercé en médecine générale dans le Jura lors de ses études. Mais elle ne souhaitait pas travailler en milieu rural dès l'obtention de son diplôme, choisissant alors de se tourner vers une spécialité en anesthésie. En parallèle, elle a poursuivi un master de philosophie pour, explique-t-elle, essayer de se rapprocher des attentes des patients.

Le déclic s'est produit pendant la pandémie de Covid-19 qui a lourdement heurté le système hospitalier. "J'avais un gros sentiment de futilité. Je n'étais pas sûre que les soins que je dispensais servent. On isolait complètement les patients parce qu'on ne connaissait pas la gravité de la maladie. On ne pouvait pas faire autrement, mais on les privait de contacts essentiels sur la fin de vie. On perdait vraiment l'essentiel."

Agenda surchargé

De retour de congé maternité, cette remise en question est revenue de plus belle. "J'avais de plus en plus cette impression que les gens arrivaient tout le temps décompensés, en soins aigus et que, peut-être, s'ils avaient eu accès à des soins primaires, ils n'arriveraient pas à l'hôpital, qu'on n'aurait pas besoin d'utiliser des blocs opératoires qui sont très énergivores, des gaz anesthésiques qui sont très polluants", exprime-t-elle.

Elodie Obrist s'est alors replacée dans ce mode de soin plus sobre, en accord avec ses valeurs et sa conscience. L'équipe est forcément réduite avec une secrétaire et une assistante médicale. Et personne n'exprime de sentiment de futilité. Elles n'en ont pas le temps. L'équipe exerce en continu, de 7 heures à 21 heures.

"Quand les patients passent la porte, même si on a du retard, ils disent qu'on est leurs sauveurs. Ils sont juste contents de voir un médecin", assure Laure Mugnier, l'assistante médicale du cabinet. En à peine un mois, la médecin généraliste a rempli son carnet de rendez-vous jusqu'en juillet.

Comme si son agenda n'était pas déjà chargé, Elodie Obrist est toujours active au sein du conseil d'éthique clinique des Hôpitaux universitaires de Genève, elle fait en parallèle une thèse de bioéthique, donne des cours à l'université. Et elle est mère de trois enfants.

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