Des dirigeants et salariés de l'entreprise Tefal, basée en Haute-Savoie, participent ce mercredi à une manifestation à Paris contre une proposition de loi visant à réduire l'exposition aux PFAS, dits "polluants éternels". Certains élus locaux, inquiets pour ce fleuron régional, ont apporté leur soutien à l'industriel pour "sauver les emplois".
La proposition de loi trône sur le bureau du maire de Rumilly. Un texte qui préoccupe nombre d'habitants de l'Albanais, cette région de Haute-Savoie, berceau de l'entreprise Tefal. L'industriel y a implanté son site de production en 1961 pour fabriquer des ustensiles de cuisine, donnant à Rumilly son surnom de "capitale mondiale de la poêle".
Mais l'entreprise, filiale du groupe électroménager SEB, est dans la tourmente à la veille du passage en première lecture d'une proposition de loi visant à réduire l'exposition aux PFAS. Cette mesure pourrait, selon l'industriel, entraîner la fermeture de l'usine et la suppression des 1 500 emplois sur le site de Rumilly, ce qui n'est pas sans inquiéter la classe politique locale.
"Notre position, c'est de sauver les emplois sur la commune de Rumilly", expose le maire (sans étiquette) Christian Dulac, jugeant cette proposition de loi précipitée et trop large. La direction du groupe a été reçue vendredi par la municipalité. Le groupe assure que les produits Tefal "ne contiennent pas de PFAS considérés comme nocifs pour la santé ou l'environnement par les autorités sanitaires".
"Les responsables de Tefal nous ont dit qu'ils étaient en perpétuelle recherche pour améliorer leurs produits, donc il faut leur faire confiance, les laisser faire. (...) Laissons du temps à ces industriels pour avancer sur des process novateurs", demande l'édile, reconnaissant que ce temps risque d'être "assez long". "Mais on ne peut pas perdre un fleuron comme celui-là."
"On nous met sur l'échafaud"
Les substances per- et polyfluoroalkylées, dits "polluants éternels", sont considérés comme "la plus grande menace chimique au XXIe siècle" par certains experts. Une large famille de substances quasi-indestructibles qui s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain, jugées en partie incontournables par l'industrie.
Le groupe SEB assure que le seul PFAS utilisé par l'entreprise est le PTFE (polytétrafluoroéthène), utilisé comme revêtement antiadhésif dans certains ustensiles de cuisine, dont le groupe affirme qu'il "ne présente pas de danger, même en cas d'ingestion accidentelle."
"On nous met sur l'échafaud en utilisant des arguments qui sont vrais, mais qui ne concernent pas aujourd'hui l'entreprise des ustensiles de cuisine. Heureusement, parce qu'il y a des tests alimentaires et tout ce qui doit être fait pour que l'usager ne soit pas impacté par une intoxication générale", assure Riad Boulassel, délégué syndical FO de l'usine Tefal, qui dénonce une forme d'"infantilisation".
"Je défends l'emploi et je trouve que la décision d'anticiper une loi en prenant un revers sur tout ce qui se fait en Europe, c'est détruire le tissu industriel français pour avoir le vent en poupe à la veille des élections européennes", estime-t-il. "Si Tefal n'est plus là, tout le microcosme des sous-traitants, des petites entreprises, des commerces, des artisans va disparaître. Sans parler du marché de l'immobilier qui risque de s'effondrer, il ne faut pas être dupe."
Une manifestation avant les débats
En parallèle, un projet d'interdiction globale de ces "polluants éternels" devrait être soumis par la Commission européenne aux Etats-membres d'ici 2025. Pour les élus écologistes, il s'agit d'anticiper cette échéance pour inciter les industriels à s'adapter.
Il est urgent de mieux connaître les conséquences et surtout, d'aider les industriels à trouver des alternatives.
Véronique Riotton, députée Renaissance de Haute-Savoie
"La meilleure manière de faire en sorte que ces industries mettent en œuvre ces solutions, c'est de leur mettre des objectifs et des contraintes", déclarait sur France 3 Alpes la députée de l'Isère et patronne du groupe EELV à l'Assemblée nationale, Cyrielle Chatelain. Mais cette proposition de loi, qui sera débattue jeudi 4 avril, ne fait pas l'unanimité dans l'hémicycle.
"Il est urgent de mieux connaître les conséquences et surtout, d'aider les industriels à trouver des alternatives. Peut-être que demain, il faudra interdire (les PFAS) à l'échelle européenne. Mais pour l'instant, l'urgence, c'est de trouver des alternatives. Cet accompagnement est important", commente Véronique Riotton, députée Renaissance de Haute-Savoie.
Les élus et salariés du groupe SEB comptent faire pression sur les députés avant le vote. Des autocars sont partis de sept sites en France ce mercredi 3 avril, dont celui de Rumilly, pour transporter les salariés à Paris où une manifestation débutera à 14 heures devant l'Assemblée nationale.