Ces derniers mois, les associations d'aide alimentaire de la frontière franco-suisse voient leur nombre de bénéficiaire se démultiplier. Une précarité record qui frappe dans les mêmes proportions le canton de Genève et le département de la Haute-Savoie.
Peu importe le côté où l'on se situe, la situation reste préoccupante. En Suisse et en France, la précarité alimentaire sévit de plus en plus aux abords de l'agglomération de Genève. Les fins de mois s'avèrent difficiles à boucler et de nombreux habitants ont recours aux dons des associations d'aide alimentaire.
Genève, 3e ville la plus chère du monde
Dans la ville monde, les paquets verts se multiplient. Même s'ils changent de couleur chaque semaine, les bénéficiaires de ses sacs regorgent aux quatre coins de Genève. À l'intérieur de ce contenant, des denrées alimentaires comme du lait, de la sauce tomate ou encore du café. Mais on retrouve également des produits d'hygiène tels que du dentifrice et une brosse à dents.
Cette aide d'hygiène et alimentaire d'urgence est remise aux personnes suivies par un des organismes sociaux du pays. Pour obtenir ce colis du cœur, il faut avoir une attestation provenant de l'un d'entre eux. Depuis un an, Charles passe le pas de la porte tous les mardis. Le juriste traverse une mauvaise passe. Il perçoit comme revenu uniquement l'AVS, assurance vieillesse et survivants. Ce dispositif permet à lui et à sa femme de toucher une rente de 2 450 francs par mois.
"Jusqu'à présent, pratiquement un tiers passe dans le loyer. Plus d'un autre tiers passe dans la nourriture. Et puis on n'arrive pas à payer les assurances maladies. C'est la principale difficulté !" confie le Suisse.
A Genève, les prix ont augmenté en moyenne de 7,4 % par an. Une inflation qui pousse Charles à compter sur les colis alimentaires pour se nourrir. Chaque semaine, l'association les Colis du cœur distribuent environ 7 600 paquets.
40 % de bénéficiaires supplémentaires en 5 ans
En plein cœur du quartier des montres et du luxe, la situation n'est pas plus réjouissante. Parmi les sièges des entreprises, une banque prospère. Mais il s'agit de la banque alimentaire du canton de Genève : la "Fondation Partage".
À l’intérieur, les bénévoles et salariés récupèrent, collectent puis trient et distribuent les denrées alimentaires aux associations. "Tous les matins, nos camions visitent les enseignes des détaillants genevois. Ils rapportent les invendus de la veille qui sont ensuite triés, principalement les produits frais et fruits et légumes." explique Marc Nobs, directeur de la Fondation Partage.
Les produits restants sont revalorisés dans les ateliers de la banque alimentaire genevoise. Par exemple, le pain est découpé, séché puis transformé en cake. Un circuit anti-gaspillage pour permettre de nourrir à leur faim les plus démunis.
De l'autre côté de la frontière, en Haute-Savoie, cette solidarité se retrouve notamment à la banque alimentaire. Son nombre de bénéficiaires a explosé passant ainsi de 18 000 en 2018 à 25 000 l'an dernier.
"Le flux de frontaliers, qui est de 150 000 aujourd'hui et qui va doubler dans dix ans selon les prévisions, crée un déséquilibre au niveau social. Ce n'est pas un ghetto car tous les gens ne sont pas tous pauvres. Mais ils sont un peu disséminés avec un taux de pauvreté très élevé autour de Genève en raison de ce phénomène frontalier." confie Philippe Abraham, le président Banque alimentaire de Haute Savoie.
"Nous avons un destin commun et partagé donc nous avons un devoir et une responsabilité de prendre en compte les problèmes sociaux !"
Claude Haegi, ancien conseiller d'Etat genevois
À Genève comme en Haute-Savoie, la précarité frappe de plein fouet. Une surprise pour les habitants de la ville monde mais une préoccupation à prendre à bras-le-corps selon Claude Haegi, ancien conseiller d'Etat genevois et auteur de l'étude sur l'effet frontière.
"C'est grave ! On ne peut pas vivre avec des îlots de pauvreté à proximité de la frontière. [...] Il ne faut pas culpabiliser les uns ou les autres. Il faut véritablement se comporter en responsable et arrêter de mettre de la poussière sous le tapis. Il faut avoir des programmes communs."
Selon l'étude de la fédération européenne pour l'économie et le développement durable des régions, porté par Claude Haegi, 23 000 Haut-savoyards ont recours à l'aide alimentaire sur les 835 000 habitants que compte le département. Une proportion conséquente que l'on retrouve de l'autre côté du miroir, dans le canton de Genève avec 15 000 bénéficiaires sur les 500 000 administrés.