Témoignage. "Ça fait mal au cœur" : les éleveurs jettent la laine de leurs moutons à la poubelle, faute de débouchés

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Près de 400 kilos de laine récupérés après la tonte des moutons de Noël Ballet-Baz, éleveur à Sallanches, en Haute-Savoie, font finir à la poubelle, faute de débouchés.
La laine ne fait plus recette. Elle est même devenue une charge pour les éleveurs qui doivent payer pour se débarrasser de cette matière précieuse, faute de filière. ©France 3 Alpes / S. Worreth - I. Pernet-Duparc - M. Baza
Publié le Écrit par Cécile Mathy et Serge Worreth
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La tonte permettait jadis aux éleveurs d'obtenir un petit revenu complémentaire. Mais désormais, la laine de leurs brebis ou autres moutons n'est plus valorisée. En l'absence de filière, la laine est devenue un déchet payant. "Un immense gâchis".

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C'est l'époque de la coupe hivernale pour les moutons, brebis et autres ovins. Dans le hameau de Burzier, à Sallanches, en Haute-Savoie, les toisons des bêtes de Noël Ballet-Baz sont tondues par des professionnels venus de Franche-Comté.

Entre leurs jambes, les moutons sont rasés de près, pour passer l'hiver à l'intérieur de la ferme. Ils utilisent une technique anglo-saxonne, et réussissent à retirer la laine en un seul morceau, comme le font les Néo-Zélandais.

Pourtant, ces grandes pièces de matière première vont finir à la poubelle, à leur grand désespoir. "Ça fait mal au cœur de voir de la belle laine partir à la benne", commente Augustin Cairey-Remonnay, tondeur depuis dix ans.

"On pourrait faire des matelas, de l'isolation, des foulards. Ce n'est pas une qualité de laine douce à mettre contre le corps, mais on pourrait quand même faire de beaux matelas, de beaux tapis", estime un autre tondeur.

Aujourd'hui, malheureusement, il y a une remorque en bas de l'écurie et la laine part à la déchetterie.

Noël Ballet-Baz

éleveur de moutons à Sallanches

À la fin de la journée, 300 à 400 kilos de laine seront jetés. Il est loin le temps où la laine rapportait un petit complément de revenus aux éleveurs.

"À l’époque, on vendait notre laine, on faisait des 'curons', c'est-à-dire un mètre cube de laine tassée, des bottes en quelque sorte, et on avait une collecte à Sallanches avec le syndic ovin. On avait un acheteur. Aujourd'hui, malheureusement, il y a une remorque en bas de l'écurie et cela part à la déchetterie", regrette Noël Ballet-Baz.

De ressource à déchet

À raison de deux euros par bête environ, le coût de la tonte avoisine les 500 euros pour l'éleveur haut-savoyard. Il faudra également débourser une centaine d'euros pour pouvoir déverser la laine à la déchetterie.

"Aujourd'hui, on est obligés de payer pour recycler la laine tandis qu'avant la laine payait le tondeur. Après, le prix a baissé, donc ça payait la moitié. Aujourd'hui c'est une perte totale, on paye", poursuit Noël Ballet-Baz.

Partout où le travail les appelle, les tondeurs font le même constat : celui d'un immense gâchis.

Le nettoyage coûteux de la laine, frein à son exploitation

"On passe notre temps à nous parler d'écologie, de production locale, faut arrêter d'importer des trucs de l'autre bout de la planète. Ce ne sont que de grands discours, mais il n'y a rien qui évolue. Et au contraire, c'est de pire en pire parce que, il y a trois ans, on arrivait encore à la vendre et maintenant ça part à la benne", estime Augustin Cairey-Remonnay. 

Car la laine brute a besoin de traitements pour la débarrasser des excréments ou de la paille et l'opération de nettoyage est coûteuse. Avant l'épidémie de Covid-19, les toisons partaient en Chine pour y être traitée. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Dans certaines régions, des initiatives voient le jour pour tenter de trouver des débouchés à cette matière première. Dans la vallée de Thônes, l'association "Défrise ton mouton" récupère la laine pour fabriquer des pelotes, des vêtements ou d'autres produits dérivés. En Savoie, la filature Arpin s'approvisionne depuis quelques années en laine locale. 

Il y a quelques initiatives mais ça valorise une toute petite partie de la laine. C'est bien, mais c'est trop peu.

Augustin Cairey-Remonnay

tondeur professionnel

"Il y a quelques initiatives, mais ça valorise une toute petite partie de la laine. C'est bien, mais c'est trop peu. Pour l'instant, ça discute mais il n'y a rien qui avance. Et même si on relance une industrie chez nous, de toute façon on ne sera pas concurrentiels par rapport à ce qu'il se fait ailleurs", analyse Augustin Cairey-Remonnay. 

Pour les tondeurs et les éleveurs, la filière laine doit renaître, grâce aux pouvoirs publics.

"En Moselle, ils développent de l'isolant en laine, ils sont soutenus par les collectivités qui se sont engagées à faire la rénovation thermique de leurs bâtiments publics avec ça. Cela peut permettre de valoriser cette laine. L'isolant en laine ça fait longtemps que ça existe, mais c'était trois fois le prix de la laine de verre", poursuit Augustin Cairey-Remonnay. 

Seule la laine mérinos tire encore un peu son épingle du jeu. "Elle doit être payée entre un et deux euros le kilo à l'heure actuelle aux éleveurs", ajoute le tondeur.

Noël Ballet-Baz élève, lui, des moutons pour leur viande. La laine rentre désormais dans la case dépenses. Jadis ressource, elle s'est transformée en perte sèche.

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