Inauguration du monument de la Résistance, cérémonies en présence d'hommes d'Etat ou de Résistants... De nombreuses personnalités ont rendu hommage aux centaines de maquisards tombés en Haute-Savoie, ancrant cette cérémonie dans la mémoire collective.
Emmanuel Macron participera à la cérémonie anniversaire des 75 ans de la fin du maquis des Glières, en Haute-Savoie ce dimanche 31 mars. Mais, loin s'en faut, il n'est pas le premier chef de l'Etat à se rendre dans ce haut lieu de la Résistance où des centaines de maquisards ont perdu la vie, fusillés par la Milice aux ordres du régime de Vichy et l'armée allemande en 1944.
A commencer par un ex-président de la République qui l'accompagnera dans quelques jours : Nicolas Sarkozy. Lorsqu'il était à l'Elysée, il participait régulièrement aux commémorations du plateau des Glières. C'est même le président de la République qui s'est rendu le plus souvent sur les lieux, parfois même à titre privé. Ce qui a contribué, selon Emmanuel Macron, a "ancrer les commémorations dans la mémoire collective".
Nicolas Sarkozy et ses pèlerinages aux Glières
"C'est un lieu qui m'a bouleversé lorsque je suis venu la première fois et je veux en faire un lieu symbole, je viendrai chaque année", promettait-il en 2008. Des visites parfois critiquées : l'année précédente, entre les deux tours de l'élection présidentielle, certains lui avaient reproché de venir pour renforcer son image dans les médias.
"Bien entendu, il ne s'agit pas de mettre en cause l'élection du président de la République, nuançait Robert Lacroix, figure de la Résistance en Haute-Savoie. Nous lui contestons le droit de récupérer un symbole historique au service de son ambition personnelle."
Le collectif "Citoyens résistants d'hier et d'aujourd’hui", qui comptait parmi ses membres des figures de la Résistance comme Stéphane Hessel et Raymond Aubrac, qualifiait la visite de Nicolas Sarkozy de "coup électoral". L'ex-président "se sera servi de la Résistance mais n'aura pas servi la Résistance", dénonçait le CRHA, estimant que "jamais un président de la République n'aura autant bafoué les valeurs du Conseil National de la Résistance".
Avant Nicolas Sarkozy, seul deux présidents (et un futur chef de l'Etat) s'y étaient rendus. Petit historique des personnalités venues s'incliner devant les tombes de ces Résistants.
De Gaulle instaure la tradition
Il était encore Chef du gouvernement provisoire de la République lorsqu'il est venu au cimetière de Morette. Le Général de Gaulle est venu rendre hommage aux combattants des Glières et à la population qui les a soutenus le 5 novembre 1944 alors que le Seconde guerre mondiale n'a pas encore pris fin.
Il déclare : "C’est grâce aux Glières que j’ai pu ensuite obtenir des parachutages importants pour la Résistance". Les Résistants avaient capitulé quelques mois plus tôt, en mars. Une centaine étaient morts sur le plateau, les autres faits prisonniers et torturés. L'événement connaît un grand retentissement dans un contexte de guerre des ondes et la Résistance reprend peu à peu le contrôle du département.
Dans son discours, De Gaulle fait référence au parachutage massif effectué début août. Plusieurs tonnes d’armes sont récupérées et distribuées à quelque 3 000 Résistants, permettant la libération de la Haute-Savoie quelques semaines plus tard.
Auriol pose la première pierre de la Nécropole
Vincent Auriol, alors président de la IVe République, pose la première pierre d'un monument qui doit être érigé à la gloire des résistants des Glières le 29 mai 1947. Il conclut son discours en affirmant que "Les Glières est plus qu'un souvenir, plus qu'un symbole, c'est une leçon de jeunesse et de vie, une leçon pour chaque Français, une leçon pour l'ensemble de la communauté nationale. Leçon pour chaque Français et plus particulièrement modèle pour chaque jeune de France. Oui, car la montée au Plateau, c'était d'abord un acte de libre détermination. (...) Ce n'est pas un hasard si, à l'origine de l'Armée secrète de Haute-Savoie, on trouve le 27e bataillon de chasseurs alpins, avec ses traditions, ses cadres et des chefs comme le commandant Vallette d'Osia, l'initiateur, le lieutenant Tom Morel, dit Tom, le créateur, le capitaine Anjot, dit Bayart, le continuateur, et tant d'autres, qui ont été l'honneur de nos armées et dont l'exemple doit animer la nouvelle armée de la République."
Ce monument deviendra bientôt une Nécropole militaire nationale avec sa pierre de granite ornée d'une épée de bronze. Le 2 mai, une émouvante et discrète cérémonie s'était déroulée au cimetière des bords du Fier. Tom Morel, Géo Decour, Louis Basso, Gabriel Reynes et un Inconnu, y ont été inhumés une nouvelle fois au milieu de leurs camarades, rappelait le journaliste dans un reportage de l'époque.
Malraux inaugure le monument de la Résistance
Emblême de la Résistance, le plateau des Glières où ont été parachutées les armes accueille un monument en leur mémoire depuis 1973. Il est inauguré par l'ancien Résistant André Malraux qui déclare : "Alors que nous combattions par la guérilla, ce maquis, à tort ou à raison — peu importe : la France ne choisit pas entre ses morts ! — avait affronté directement la Milice, allait affronter directement l’armée hitlérienne. Presque chaque jour, les radios de Londres diffusaient : « Trois pays résistent en Europe : la Grèce, la Yougoslavie, la Haute-Savoie. » La Haute-Savoie, c’était les Glières."
Les combats des Glières, dont l'ampleur est depuis contestée, entrent dans la légende de la Résistance française. Le discours d'André Malraux est à retrouver en intégralité dans cette archive de l'Ina.
Mitterrand à la Nécropole pour le 50e anniversaire
Deux décennies plus tard, le 10 avril 1994, à l'occasion du 50e anniversaire de la fin du maquis, c'est François Mitterrand qui salue le courage et le sacrifice des hommes tombés pour la liberté. Il est le premier chef d'Etat à s'y rendre depuis Vincent Auriol. Après le chant des partisans et le fleurissement des tombes, le président Mitterrand rendra également hommage aux derniers témoins rescapés des Glières : "A celles et ceux qui ont été les compagnes et les compagnons, qui ont vécu cette souffrance, qui portent aujourd'hui l'honneur, qui témoignent pour l'histoire et qui sont encore les symboles vivants d'une grande action qui a marqué l'histoire de France".
Le président venait rendre hommage à l'esprit de la Résistance incarné par Maurice Shumann, la voix de Londres. Il était présent à la cérémonie ce jour-là aux côtés de 120 rescapés. Plus qu'un simple maquis, les Glières symbolisent des valeurs morales fortes que de nombreux hommes politiques, quelle que soit leur étiquette, ont eu à coeur de célébrer.