L'espèce avait disparu des Alpes il y a plus d'un siècle mais depuis deux ans, le plus grand aigle d'Europe est réintroduit à Sciez-sur-Léman, en Haute-Savoie. Ce lundi, 10 juvéniles ont pu prendre leur envol, un moment magique pour les passionnés qui œuvrent à leur conservation.
"Essaye de faire le plus vite possible !" Pour le parc des Aigles du Léman, "c’est le grand jour". Visseuse à la main, un membre de l’équipe s’apprête ce lundi 4 septembre à ouvrir grand la porte de la volière que dix jeunes pygargues à queue blanche quitteront bientôt. Un aboutissement pour le programme de réintroduction du plus grand aigle d’Europe mené à Sciez, en Haute-Savoie.
C’est un moment qui nous fait rêver, nous. C’est plus stressant pour eux. Ils quittent un univers où ils ont à manger, ils sont tous ensemble, c’est sympa. Et on leur propose d’un seul coup de sortir vers quelque chose qu’ils ne connaissent pas. Nous, on se dit : "Je n’aurais qu’une envie, c’est de sortir." Ça ne sera pas forcément le cas. Mais pour nous, c’est l’aboutissement de toute une année de travail.
Jacques-Olivier Travers, fondateur des "Aigles du Léman"à France 3 Alpes
Nés au printemps, les aiglons ont passé six semaines dans l’espace cerné de filets, expérimenté cette année par le centre. Ils s’y sont acclimatés, y ont appris à pêcher et surtout, s’y sont musclés. Quand la voie se libère, vers 8h50, il ne faut pas attendre très longtemps pour voir un individu déployer ses ailes. En moins de deux minutes, Châtel s’élance sous les yeux de son parrain, maire de la commune du même nom, et de Jacques-Olivier Travers, à la tête du programme.
"Super intrépide"
"Il a toujours été super intrépide dans la volière", rit ce dernier. "C’est lui qui a pêché en premier, c’est lui qui est monté chercher la nourriture en premier. C’est lui qui a fait les premières bêtises aussi, arracher les plantes et tout. Donc je me disais, s’il y en a un…" Chacun à son tour, les autres aiglons suivent ses traces. Avec plus ou moins de témérité : ce premier vol nécessite concentration et force, alors que l’envergure de ces jeunes atteint déjà près de 2m50 pour les femelles.
Cinq heures plus tard, les dix rapaces décrivent de larges cercles dans un secteur qui avait vu l’espèce disparaître en 1892, quand le dernier couple avait été tué à Thonon-les-Bains. "C’est un géant du ciel qui revient…", s’émerveille Stéphane Meyer. Fauconnier, il parraine le jeune Forez. "C’est franchement incroyable, voir cet oiseau du ciel décoller juste devant nous, à moins de 150 mètres… C’est incroyable. On est aussi de grands gosses, c’est dingue… On n’a pas de mots pour ça."
Le système de financement permet notamment d’équiper les aiglons des balises GPS qui assurent leur suivi. En juin 2022, quatre premiers individus avaient en effet été relâchés. L’un d’entre eux a parcouru plus de 3 000 kilomètres en un an pour atteindre le nord de la Norvège. Un autre mâle a quant à lui connu un destin tragique et été abattu en Allemagne. À terme, le programme doit permettre de relâcher 70 autres jeunes d’ici 2030 pour concrétiser le rêve de son initiateur : "voir le ciel du lac Léman se remplir de pygargues".