Les festivals de musique avec du public debout seront à nouveau autorisés à partir du 1er juillet. Mais les nombreuses restrictions sanitaires risquent de priver les festivaliers d'une vraie ambiance de fête estime Nico Didry, un chercheur grenoblois spécialiste des événements récréatifs.
C'est la dernière étape du déconfinement progressif en France, un horizon que des centaines de milliers d'amateurs de musique et de fêtards attendent. À partir du 1er juillet, les festivals en plein air seront à nouveau autorisés avec une "jauge de 4 m2 par festivalier" selon la ministre de la Culture Roselyne Bachelot.
Une mesure de distanciation sociale, à laquelle s'ajoute des restrictions sanitaires comme le port du masque obligatoire et un nombre limité de places debout, qui risquent de dénaturer l'expérience vécue par les festivaliers lors de ces événements. D'ailleurs, de gros festivals de musiques actuelles, tels les Eurockéennes ou le Hellfest, ont déjà annulé devant les contraintes sanitaires.
"L'expérience sera amoindrie d'un point de vue émotionel cet été"
Une personne est très bien placée pour analyser l'impact de ces restrictions sanitaires sur l'expérience collective que s'apprête à vivre les festivaliers dans les prochains mois. Il s'agit du chercheur grenoblois Nico Didry, maître de conférences à l'Université Grenoble Alpes et spécialiste de l'expérience récréative. Il vient de publier une synthèse de ses recherches sur le site de vulgarisation scientifique The Conversation et a décroché son téléphone pour répondre à nos questions.
Ces quatre dernières années, Nico Didry a mené une étude portant sur plus de 20 festivals de musique pour mesurer l'importance de la dimension émotionnelle collective dans l'expérience vécue par un festivalier. Et il peut déjà le dire, "l'expérience sera amoindrie d'un point de vue émotionel cet été".
Pour Nico Didry, ce sont les amateurs de concerts qui aiment être debout qui vont être le plus déçu. "Il faut distinguer les festivals de musique actuelle où il y a très peu de places assises, et des festivals comme Jazz à Vienne avec 80% de spectateurs qui sont assis. Il faut qu'il y ait une foule pour connaître une expérience émotionnelle récréative. C'est dans la foule qu'un individu s'exprime plus facilement, quand personne ne le regarde. Avec les masques que porteront les gens, il sera aussi plus difficile d'exprimer et de partager ses émotions", dit le chercheur, qui dans une autre vie a été l'entraîneur de l'équipe de France de snowboard.
La distanciation sociale, avec cette fameuse norme d'une personne par 4 m2, va aussi peser sur l'intensité de la fête. "Le fait qu'il y ait un mètre de distance entre les gens, cela va diminuer les échanges inter-groupes. Les gens, quand ils vont sur un festival, c'est aussi pour rencontrer d'autres gens. Pas pour se faire des amis, mais pour des rencontres éphémères", poursuit Nico Didry.
Un afflux sur les festivals, comme en moyenne montagne cet hiver ?
Pour le chercheur grenoblois, il ne faut pourtant pas broyer du noir. Le côté unique de cet été 2021, après plus d'un an de pandémie, peut provoquer une nouvelle alchimie, malgré les masques et la distanciation sociale.
"Cet hiver, les gens étaient privés de ski alpin à cause de la fermeture des remontées mécaniques. Mais on s'est rendu compte qu'il y a eu un afflux de gens, même des Grenoblois qui n'allaient plus faire de ski, et se sont rendus à nouveau compte de la valeur de la montagne. La privation créée de la rareté et donne de la valeur aux choses. Finalement, est-ce que le même effet va se produire avec les festivals ? Les gens vont peut-être profiter encore plus que d'habitude de leurs émotions", pense Nico Didry.
Rendez-vous dans quelques semaines, les fesses dans l'herbe ou les bras en l'air devant une scène de concert, pour voir à quoi vont ressembler ces festivals masqués.