Il aime les bêtes. Et il le démontre à tous points de vue. Max Josserand est négociant en bestiaux, et éleveur. Son activité est florissante, mais cela ne l'empêche pas de consacrer du temps à ses collègues en grandes difficultés. Portrait d'un paysan modeste au grand coeur, dans l'émission "Vous êtes formidables", sur France 3
« Si je m’étais contenté d'acheter et revendre un animal, juste pour prendre un petit bénéfice pour faire tourner mon entreprise, j’aurais loupé ma carrière ! » résume immédiatement Max Josserand, surnommé « l’ange gardien des paysans de l’Isère »…
Max Josserand est négociant en bestiaux. « A la base, notre métier consiste à acheter un animal chez un agriculteur, pour ensuite le remettre dans le circuit commercial. C’est-à-dire vers plusieurs destinations : dans un nouvel élevage, à l’exportation ou en abattoir. Nous sommes un intermédiaire » résume Max.
Mais pour lui, cette profession va bien au-delà. « Derrière tout cela, nous avons des hommes, des femmes, des fermes… Il faut vivre en osmose avec les exploitations. Il ne faut jamais faire abstraction de l’humain, et, en même temps, penser aux conséquences sur l’animal, quoi. » Tout est dit.
On voit l’attitude d’un animal. On sait si il va être sympathique ou non
Pour devenir un bon négociant, rien ne vaut l’expérience. Max Josserand affirme même qu’il peut lire les pensées des animaux dans leur regard « Tout à fait. On voit l’attitude d’un animal. On sait si il va être sympathique ou non », précise-t-il. Certes, les techniques modernes permettent de prévoir l’avenir d’un animal. Notamment en production laitière, en se basant sur des calculs liés aux ascendants des individus. Mais tout de même… Max continue, aussi, de s’appuyer sur son vécu. « Personnellement, concernant la production de viande, voir un animal à la naissance me permet de dire à peu près, sauf incident de parcours, et vers quelle destination il peut se tourner. Quelle carrière il fera ! »
Il est comme ça, Max. Il évoque ces bestiaux en termes de… carrière. « On va pouvoir en faire soit un reproducteur, soit une mère allaitante, ou bien un animal pour la viande s’il n’a pas les aptitudes à devenir une bonne mère. Tout un ensemble de choses qui va déterminer son destin », assume-t-il.
Il a grandi à Saint-Cassien, un village proche de Grenoble. « Mon père, qui revenait de la guerre, y avait trouvé une ferme à louer. Ma famille s’est posée là. Et on est toujours dans la même maison depuis », raconte-t-il. Dans la famille, il représente la 5ème génération vouée à cette profession. « On ne me l’a pas imposé. Depuis tout gamin, j’ai grandi là-dedans. C’est une vraie vocation. J’ai toujours essayé de ne pas rester inactif, d’être au contact de la nature, des animaux… et des humains aussi » précise-t-il.
Ce qu’il aime le plus dans son métier, c’est sans doute la diversité des activités. « Il y a plein de choses. La gestion est très importante, qu’elle soit administrative ou financière. On ne peut pas tout faire seul, on travaille en équipe. Il faut sentir les flux commerciaux, prévoir l’avenir. Aujourd’hui, je constate ce que j’avais prédit il y a quatre ou cinq ans sur le devenir de l’élevage. »
Moi, j’appelle mes vaches par leur nom et elles me répondent
Ce négociant est également éleveur. Plus précisément, l’exploitation agricole familiale est placée sous la responsabilité de son épouse. Ensemble, ils partagent le même amour pour les animaux. « Si vous n’aimez pas les bêtes, ce n’est pas la peine de faire ce métier-là ! » répond-t-il aussitôt. « Ca c’est clair. Même si, à certains moments, on est obligés d’être durs, on aime les animaux. Il faut qu’on les comprenne, qu’on vive avec eux. »
Ils vont même jusqu’à leur donner des petits noms. « Dans ces cas-là, c’est vrai qu’il peut se passer une relation vraiment fusionnelle avec l’animal. Moi, j’appelle mes vaches par leur nom et elles me répondent. Quand j’appelle Lolita, qui est au fond du pré, elle me répond », rit notre éleveur.
On a fait les coins cachés de Ramatuelle avec nos vaches. Pourquoi payer pour aller en vacances ?
Les seules vacances de sa vie, Max les a passées durant son service militaire, à Carpiagne, un camp militaire de l'Armée de terre française situé au sud de la ville de Marseille. « On n’avait pas à s’occuper des animaux, vous comprenez. J’étais formateur dans les blindés. Un blindé, quand on veut l’arrêter, on coupe le contact et c’est fini. Donc, après… Vous êtes libre. J’ai pu faire du sport, c’était bien agréable !», résume-t-il. « Je vais vous dire : dans mon métier, je suis en vacances toute l’année. Figurez-vous qu’on a fait de la transhumance dans le Midi, dans le Massif des Maures, Saint-Tropez… On a fait les coins cachés de Ramatuelle avec nos vaches. Pourquoi payer pour aller en vacances ? Cueillir du mimosa sauvage ! C’est magnifique ! »
Il tend la main aux éleveurs en souffrance
Max prend tout de même du temps pour soutenir ses collègues en difficulté. Même s’il n’a pas encore décidé de prendre sa retraite, et que son chiffre d’affaire continue de progresser, il a jouté une activité à son quotidien déjà bien occupé. En coordination avec l'OABA, une organisation qui œuvre pour l'amélioration du bien-être animal et la protection des animaux, de l'élevage aux abattoirs, il vient en aide aux exploitations en grande difficulté. « Ce sont des situations très difficiles. On n’en sort pas toujours indemne. » Il s’en explique « Un éleveur ne laisse pas crever ses bêtes. Si ses animaux sont en train de crever, c’est que l’homme ne va plus. »
Il évoque l’une de ses expériences, vécue en Haute-Loire. « J’ai le souvenir de cet éleveur auquel on avait enlevé le bétail. L’homme m’avait paru sympathique. Au moment de se quitter, il me remercie, expliquant qu’il allait enfin pouvoir se faire soigner. Cela faisait dix ans qu’il souffrait d’une hernie, qui l’empêchait de bien travailler. Cet homme ne l’avait jamais confié à personne. »
Max Josserand se donne donc pour mission de conseiller les éleveurs qui ne parviennent plus à s’en sortir. « On a une vue un peu extérieure. Immédiatement, je vais voir ce qui va ou pas, vous comprenez ? Après une rapide analyse, j’essaye d’apporter modestement quelques conseils. Je le pratique dans un certain nombre de fermes, lorsque les personnes sont réceptives. Dans ces cas-là, on parvient à faire un bout de chemin ensemble… » Evoquant la hausse régulière des suicides constatés chez les agriculteurs, il résume son bilan « Moi, je n’ai pas de sang sur les mains. »
Lolita, la reine
Dans un registre moins dramatique, Max évoque volontiers sa vache fétiche. Lolita a 15 ans. C’est une vache d’Hérens, dotée d’un caractère particulier. « Ce sont de grandes démocrates. Elles savent organiser une élection », confirme-t-il. « L’élection se fait sur un terrain d’herbage. Elles vont s’affronter tête contre tête. Elles doivent donc s’imposer physiquement, mais aussi déployer une stratégie pour s’économiser. Ce sont des reines, ou, si vous préférez, des présidentes. Elles sont intellectuellement brillantes et physiquement hyper solides ! ». Grâce à elle, il parvient à protéger les troupeaux, notamment des loups, que cette race de vache parvient à effrayer.
La relève assurée ?
Autant d’anecdotes et de vécu que ce passionné de l’élevage est déjà sans doute en train de transmettre à Fabien, son petit-fils. Le jeune homme s’intéresse de plus en plus à cette profession et cela réjouit son grand-père. « Il nous accompagne régulièrement et je sens qu’il commence à prendre goût aux animaux. Il se rappelle de leurs noms, et peut détecter si une bête a besoin de soin ou pas. »
La transmission est bien évidemment dans son esprit. « Chez nous, on a déjà eu beaucoup de jeunes, venus en stage, et qui, depuis, se sont installés. On suit leur progression et… sans prétention, on a quelques belles réussites, quand même. Ca fait plaisir et…ça donne de l’espoir ! »