"C'est infernal du matin au soir... Personne n'est à l'abri d'une balle perdue" : des commerçants désemparés après une nouvelle fusillade à Grenoble

Une fusillade a fait deux blessés, ce lundi 18 mars dans le quartier Saint-Bruno de Grenoble, sur fond de règlement de comptes lié au trafic de drogues. Des commerçants de ce quartier proche du centre-ville témoignent des tensions récurrentes sur place.

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Le quartier Saint-Bruno est coincé entre la gare de Grenoble, une école de commerce à la réputation nationale, des maisons individuelles et le centre-ville. Sur la place centrale, des jeux pour enfants et un marché qui s'étend, tous les matins, juste devant le parvis de l'église.

Pourtant, ce cadre de vie, agréable à première vue, est perturbé depuis des années par des faits de violence. Le dernier en date remonte à ce lundi 18 mars : deux hommes ont été grièvement blessés par balles près de l'arrêt de tram Saint-Bruno, en fin de journée, aux environs de 18 heures.

Un homme de 27 ans, "très défavorablement connu pour des affaires de stupéfiants" selon le procureur de la République de Grenoble, Eric Vaillant, a été blessé au pubis. Une autre victime, elle âgée de 41 ans et inconnue des services de police, a été transportée en urgence absolue au CHU de Grenoble-Alpes à la suite d'une blessure au thorax.

Des fusillades récentes

D'après le procureur de la République Eric Vaillant, le pronostic vital des deux hommes n'étaient plus engagés, ce mardi 19 mars au soir. L'enquête, confiée à la division de la criminalité organisée et spécialisée (DCOS) de la police (autrefois appelée police judiciaire), se poursuit, mais l'hypothèse d'un règlement de comptes lié au trafic de drogue est privilégiée.

Le quartier Saint-Bruno est en proie à une guerre de gangs. Et les rivalités se traduisent par des fusillades, parfois en pleine rue. Fin août, des individus encagoulés avaient monté des barricades autour de la place centrale pour se défendre face à des rivaux. Un homme avait été grièvement blessé au cours d'une rixe. Quelques jours plus tard, une autre fusillade avait éclaté sans faire de blessé.

Plus récemment encore, un commerce de nuit, situé au bout du cours Berriat, une avenue qui dessert le quartier Saint-Bruno, a été visé par plusieurs tirs fin février. Trois personnes se trouvaient à l'intérieur, aucune d'entre elles n'avait été blessée. L'auteur avait pris la fuite.

"Personne n'est à l'abri d'une balle perdue"

Les habitants et commerçants de ce quartier se sont habitués, malgré eux, à ces tensions : "On avait déjà eu des tirs sur la place Saint-Bruno, qui se sont calmés pour l'instant. Mais on n'est pas surpris de voir comment les choses évoluent", raconte Lisa*, une commerçante.

Cela fait près de trente ans qu'elle travaille à Saint-Bruno. Elle a vu la situation évoluer au cours des mois : "On a un point de deal qui est là et qui est très prégnant puisqu'ils commencent très tôt le matin et finissent très tard le soir. Il y a des jeunes entre 12 et 15 ans... C'est infernal du matin au soir, ils se battent, ils ne jettent pas leurs détritus, lancent des choses sur les vitrines... On a l'impression d'être dans une cour de récréation. Les grands sont un peu plus respectueux, si on peut dire ça."

Des gens se sont précipités pour voir ce qu'il se passait. Des magasins ont décidé de fermer leur vitrine.

Stéphane*, commerçant du quartier de Saint-Bruno.

"C'est infernal. Des gens n'osent plus passer, notamment les personnes âgées qui ont peur. Ça crie du matin au soir, ça deale devant les enfants d'une école maternelle, s'inquiète-t-elle. Personne n'est à l'abri d'une balle perdue. C'est stressant."

Ce lundi en début de soirée, Stéphane* se trouvait dans son commerce cours Berriat, lorsque les coups de feu ont éclaté : "De la vitrine du magasin, on a vu qu'il y avait de l'agitation autour de l'arrêt de tram de Saint-Bruno. Des gens couraient, explique-t-il. Des gens se sont précipités pour voir ce qu'il se passait. Des magasins ont décidé de fermer. C'est ce qu'on a fait aussi par mesure de sécurité. On ne savait pas trop ce qu'il se passait."

Arrivé il y a trois ans dans le quartier, Stéphane a connu plusieurs épisodes de violence. Il n'envisage pas pour autant fermer boutique : "On s'y fait. Ça revient à la normale après deux ou trois jours", raconte-t-il, un brin fataliste.

*Les prénoms ont été modifiés à la demande des interlocuteurs pour préserver leur anonymat.

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