Face à l'essor de la pratique du cycle, notamment sous l'impulsion des zones à faibles émissions, la fabrication artisanale de vélos se développe en France. À Grenoble, deux ingénieurs ont lancé il y a six mois leur entreprise de vélos-cargos, tous fabriqués et assemblés dans leur atelier.
Des vélos avec un cadre fait main pour une qualité et un prix équivalents aux gros constructeurs. Deux ingénieurs grenoblois ont décidé de surfer sur la montée en puissance de la pratique du cycle en lançant leur propre marque de vélo-cargo.
Ces longs vélos avec une caisse à l'avant - et une assistance électrique en option - ont le vent en poupe en raison de leur aspect pratique pour transporter des charges lourdes. "J’avais vu des gens qui bricolaient des vieux cadres pour en faire des vélos-cargos. Comme Martin (son associé) commençait à faire de la soudure en autodidacte, je me suis dit qu'on allait tenter notre chance", raconte Thomas Tirel, co-fondateur des cycles la Barquette.
En 2022, 738 454 vélos à assistance électrique ont été vendus en France, en progression de 12%. Le nombre de vélos-cargos vendus a lui presque doublé, passant de 17 000 à 33 000, bien qu'il s'agisse encore de faibles volumes.
L'entreprise grenobloise, fondée il y a six mois, mise sur la fabrication artisanale en petite série avec un cadre fait main à moindre coût grâce à certaines particularités. "On a fait le choix d'une conception très simplifiée pour le vélo. Cela nous permet de nous faciliter la vie en production et de baisser fortement le prix pour nos clients", résume Martin Lambert-Moisan, co-fondateur des cycles la Barquette.
Un marché en plein essor
Plusieurs fabricants se sont lancés sur le même credo d'une production française de vélos-cargos, accompagnés parfois de grands constructeurs automobiles, comme la start-up Kleuster sur le site de production de Renault Trucks à Saint-Priest, dans la banlieue de Lyon. Le constructeur automobile y assemble des cycles qui sont ensuite distribués dans son réseau, aux côtés des camions et camionnettes diesel ou électriques.
La demande est "pour l'instant timide" selon le dirigeant et fondateur de Kleuster, Gérard Tetu, interrogé par l'AFP, mais accélère "au rythme des ZFE", les zones à faibles émissions qui limitent la circulation des véhicules polluants notamment à Lyon et Grenoble. Le patron y voit "un vrai enjeu" de décarbonation et décongestion des villes, et a identifié "un vrai intérêt, que ce soit des collectivités ou des entreprises".
Peugeot Cycles doit aussi lancer en 2024 un premier vélo-cargo destiné aux professionnels et fabriqué à Lyon par la start-up Beweel. Et des équipementiers automobiles ont également investi le créneau, comme Bosch ou Valeo, qui produisent les moteurs électriques des vélos.
Des vélos modulables
Dans leur petit atelier grenoblois, Thomas et Martin prennent le contre-pied des poids lourds du secteur tout en s'alignant sur les prix du marché. Les fondateurs des cycles la Barquette misent sur un vélo-cargo de base vendu 2800 euros, pouvant être complété par une assistance électrique ou des accessoires adaptés aux besoins de chacun.
"L'avantage de ce vélo, c'est la possibilité d'adapter toute la zone de chargement à l'avant avec beaucoup de personnalisation", aussi bien pour les familles que les professionnels, explique Martin Lambert-Moisan. "On veut que ce vélo soit réparable par tout le monde, donc il n'y a pas de technologie compliquée. C'est un dérailleur, le fonctionnement est connu, c'est réparable chez n'importe quel vélociste."
Jusque dans les années 1980, les vélos sur mesure étaient courants en France. Mais de nombreux fabricants ont délocalisé la production en Chine à la faveur de la mondialisation, provoquant la disparition de la plupart des artisans et l'uniformisation des modèles de vente.
Or, depuis une dizaine d’années, la tendance s’inverse avec la résurgence de fabricants locaux. Roues, caisse en bois, cadre… De nombreuses pièces des cycles la Barquette sont fabriquées dans la région Auvergne-Rhône-Alpes afin de minimiser l’impact environnemental. Un défi alors que l'écrasante majorité des cadres de vélo est encore fabriquée en Asie.
"On est sûr que ce moyen de transport peut changer quelque chose. À travers ces cycles, on apporte notre pierre à l'édifice et on propose quelque chose de plus", estime Martin Lambert-Moisan. Avec des premiers clients dans la région, mais aussi à Paris et à Marseille, les deux jeunes entrepreneurs espèrent vendre 80 vélos par an d’ici trois ans.