Suspecté d’avoir tué Marie-Thérèse Bonfanti, Yves Chatain a fait savoir par le biais de ses avocats qu’il se pourvoyait en cassation. La veille, la cour d'appel de Grenoble avait décidé ne pas prescrire le meurtre de cette mère de famille tuée à Pontcharra, en Isère, en mai 1986.
C’est le dernier recours possible pour Yves Chatain. Après l’arrêt rendu ce mardi par la cour d’appel de Grenoble, rejetant la demande de prescription, le principal suspect dans l’affaire Bonfanti a décidé de se pourvoir en cassation. La demande a été faite ce mercredi 25 janvier, confirme son avocate maître Mélanie Muridi.
Interpellé en mai dernier, il est accusé d’avoir tué Marie-Thérèse Bonfanti il y a 36 ans. Âgée de 25 ans, cette mère de deux enfants avait disparu le 22 mai 1986 alors qu'elle distribuait des journaux à Pontcharra, en Isère.
Un voisin, Yves Chatain, avait été soupçonné puis relâché et l'enquête s'était soldée par un non-lieu en novembre 1987.
Ce dernier, alors âgé de 56 ans, avait été de nouveau interpellé en mai 2022 et placé en garde à vue. Devant ses contradictions, il avait fini par reconnaître avoir tué Marie-Thérèse Bonfanti et avait indiqué où trouver la dépouille de la victime. Des fouilles organisées dans une forêt de l'Isère avaient permis en octobre dernier la découverte du crâne de la victime. Après l'élucidation du meurtre, une information judiciaire avait été rouverte. Le suspect a été mis en examen pour "enlèvement, séquestration et meurtre" et écroué.
Ces avocates avaient alors fait valoir la prescription, qui était de 10 ans pour un meurtre à l'époque des faits - contre 20 ans aujourd'hui. L’argumentaire, qui n’a pas été jugé recevable par la cour d’appel de Grenoble, est désormais entre les mains de la Cour de cassation.
Un enjeu déterminant pour les cold cases
La décision de la Cour de cassation aura un poids déterminant dans le traitement de nombreux cold cases. Plus haute juridiction en droit français, elle ne réexaminera pas les faits à l’origine du litige, mais devra statuer sur la bonne application de la loi. En d’autres termes, elle devra s’assurer que la décision de justice qui a été rendue concernant la non-prescription de l’affaire Bonfanti est conforme au droit.
"Pour la famille Bonfanti, ce pourvoi ajoute de la souffrance à la souffrance, commente Maître Bernard Boulloud, avocat des proches de la victime. Mais pour les autres familles que je représente dans des dossiers de cold cases, la décision de la cour de cassation pourrait faire jurisprudence. Il faut qu’elle se calque sur celle de Grenoble, qui est une décision courageuse et qui va dans le sens de l’opinion publique. Aujourd’hui, personne ne comprendrait qu’un homme qui a avoué son crime 36 ans après, parce qu’il y a été contraint, puisse sortir libre comme l’air sans répondre de ses actes."
Si la chambre criminelle de la Cour de cassation valide la non-prescription du dossier Bonfanti, "de nombreuses affaires non élucidées, qui ont plus de 20 ans sans acte interruptif de la prescription, pourront revenir à la surface et être traitées par le pôle judiciaire de Nanterre" ajoute l’avocat.
En cas de décision inverse, "des cold cases risquent d’être refermés, et ce pôle risque de perdre sa raison d'être" prévient-il.
Plusieurs dossiers survenus dans la région ont été confiés au service "cold cases" de Nanterre, le nouveau pôle judiciaire national dédié aux affaires non résolues. Depuis son ouverture en mars dernier, les enquêteurs se sont notamment saisis de l'affaire des disparus du Fort de Tamié ou encore de la mystérieuse tuerie de Chevaline.