Alors que PS, EELV, PCF, LFI et Générations sont parvenus à un accord inédit en vue de candidatures communes en Isère, cette large alliance des gauches se heurte à quelques dissidences autour de Grenoble. Municipales et élection à la Métropole ont laissé des traces.
Une bannière unique pour toutes les forces de gauche. Rares sont les départements de France à connaître pareille situation politique. En Isère, pourtant, tous les partis, du PS aux Insoumis, sont bien réunis sous les couleurs du « Printemps isérois ».
Une prouesse rendue possible à la suite de très longues négociations et de compromis parfois douloureux. Une prouesse rendue surtout nécessaire après la déroute de 2015.
Majoritaire mais éliminée en 2015
Lors des dernières départementales, alors qu’elle était majoritaire en nombre de voix sur l’ensemble du département (113.500 pour la droite, 114.300 pour le seul PS auxquelles s’ajoutaient, notamment, 44.600 voix pour EELV), la gauche s’était retrouvée éliminée dès le premier tour dans 11 des 29 cantons du Département, ouvrant la voie à autant de duels entre l’UMP et le FN. En cause : une multiplication des candidatures et une trop grande dispersion des voix.
Cette année, l’erreur a semble-t-il était évitée. Du moins, sur le papier. Car, dans le détail, il existe encore des dissidences qui pourraient coûter cher à l’heure des comptes. De vieilles rancoeurs issues des Municipales 2020 ou de l’élection chaotique à la présidence de la Métropole, en juillet dernier, qui avait vue s’écharper écologistes et communistes réunis contre socialistes et élus des « petites communes », sur fond de duel entre Eric Piolle, maire EELV de Grenoble, et Christophe Ferrari, Président divers gauche sortant finalement réélu au bout du suspens.
Dans le détail, quatre cantons sont donc à surveiller. Tous sont situés en périphérie immédiate de Grenoble. Revue de détails.
Au Pont-de-Claix, la Métropole en arrière-plan
C’est l’exemple le plus parlant des détestations tenaces entre les écologistes et Christophe Ferrari ainsi que des ravages passés de la division de la gauche.
En 2015, le canton, historiquement ancré à gauche, avait basculé à droite à la faveur d’une extrême division des forces : le PS subissait une candidature dissidente tandis qu’EELV et le Parti communiste partaient de leur côté. Résultat : un duel entre la droite et le FN, remportée par l’UMP Sandrine Martin-Grand.
Cette année, le Printemps isérois présente bien un binôme composé de Laure Gatel et Stéphane Giuga. La première est écologiste, le second insoumis. Aucun socialiste, donc. De quoi déclencher la colère du maire de la ville principale, Pont-de-Claix, qui n’est autre que… Christophe Ferrari.
Son premier adjoint, Sam Toscano part donc en « dissidence » du Printemps isérois avec sa binôme Céline Viola. Une sorte de primaire dans un canton que la gauche doit pourtant impérativement reprendre si elle veut l’emporter à l’échelle du département.
Sur Grenoble 2, la Métropole encore et toujours…
Dans ce canton qui englobe les quais de l’Isère à Grenoble ainsi que, notamment, les communes de Saint-Martin-le-Vinoux, Saint-Egrève et le Fontanil-Cornillon, les plaies liées à l’élection à la présidence de la Métropole demeurent également très vives.
Là encore, le Printemps isérois a bien son binôme : Jérôme Cucarollo (EELV) et Eléonore Kazazian-Balestas (DVG). A eux, donc, de représenter théoriquement la gauche tandis que les deux élus sortants socialistes (Pierre Ribeaud et Christine Crifo) ont fait le choix de raccrocher.
Des socialistes remplacés par un écologiste et une élue de la majorité municipale de Saint-Egrève, fortement teintée de vert ? Là encore, cela pouvait difficilement passer pour les proches de Christophe Ferrari. Attention, il faut s’accrocher !
Le maire de Saint-Martin-le-Vinoux, Sylvain Laval, a donc présenté sa candidature « surprise » lui qui est déjà président du SMMAG, le syndicat des mobilités de l’agglomération de Grenoble. Un poste qu’il a ravi, à l’écologiste Yann Mongaburu dans la foulée de la réélection de Christophe Ferrari à la présidence de la Métropole. Yann Mongaburu qui était justement le concurrent de Christophe Ferrari !
Comme si tout cela n’était pas encore assez compliqué, les deux élus socialistes sortants ont choisi de soutenir Sylvain Laval et non pas le binôme officiellement investi par le Printemps isérois qui reproche à Sylvain Laval d’avoir été chef de cabinet de la ministre de la Justice Nicole Belloubet, donc d’être pro-Macron.
A Grenoble, la politique est parfois un univers impitoyable. Surtout à gauche !
A Echirolles, une guerre à la gauche de gauche
Cette fois, ce n’est pas la Métropole qui a laissé des traces mais les dernières municipales. A Echirolles, troisième ville de l’Isère, le maire communiste Renzo Sulli a remporté facilement la mise en juillet dernier. Mais l’édile a eu chaud.
Face à lui, en effet, se présentait un candidat Insoumis qui n’était autre qu’un ancien adjoint de Renzo Sulli. Bis repetita cette année.
Alors que le Printemps isérois a investi un binôme 100% communiste et 100% issu de la majorité de Renzo Sulli (Amandine Demore et Daniel Bessiron), la France Insoumise réplique avec son propre tandem (Antar Labiod / Catherine Netoudykata). Dans la ceinture rouge, certaines cicatrices ont du mal à se refermer.
A Saint-Martin-d’Hères, Neyrpic divise encore
Autre bastion communiste, autre dissidence : à Saint-Martin-d’Hères, le binôme sortant composé de Françoise Gerbier et du maire David Queiros a été investi à nouveau par le Printemps isérois. Mais dans la deuxième ville de l’Isère, le projet Neyrpic qui consiste à construire un nouveau centre commercial géant, laisse des traces.
Déjà au cœur de la campagne des Municipales, revoilà le projet au centre du débat lors des élections départementales. Au point de pousser les écologistes à la scission, eux qui présenteront donc leur propre duo (Sigrid Thomas et Raphaël Pougnard).
Ici, comme à Echirolles, le risque est de voir la gauche trop affaiblie au premier tour et donc éliminée au soir du 20 juin. D’autant que le RN réalise traditionnellement de très bons scores dans ces bastions communistes et ne devrait pas avoir de difficultés à se hisser au second tour. La perte de l’un de ces deux cantons serait catastrophique pour la gauche iséroise.
Car, en l’état actuel des forces, la gauche n’aurait besoin que de trois cantons supplémentaires pour faire basculer le département si elle conservait tout ceux acquis en 2015. Trois cantons, ce n’est pas beaucoup dans l’absolu mais cela peut être énorme quand l’unité revendiquée se fissure sur le mur des vieilles divisions.