Emmanuel Macron (LREM) et Marine Le Pen (RN) sont sortis en tête du premier tour de l'élection présidentielle, ce dimanche 10 avril, au terme d'un scrutin qui a vu l'effondrement de certains partis politiques. Florent Gougou, politologue et enseignant-chercheur à Sciences Po Grenoble, est notre invité, ce lundi 11 avril à partir de 15h30. Vous pouvez poser vos questions dans cet article.
Comme il y a quatre ans, Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont accédé, ce dimanche 10 avril, au deuxième tour de l'élection présidentielle. Le président sortant est arrivé en tête avec 27,60 % des voix, devant la candidate du Rassemblement national (23,41 %).
Jean-Luc Mélenchon a su rassembler les électeurs de gauche. Mais pas assez pour accéder au second tour. Le chef de file de La France insoumise est arrivé en troisième position avec 21,95 % des voix. Les partis traditionnels (LR et PS notamment) sont passés sous la barre des 5 %. Une déconvenue historique.
Le politologue Florent Gougou, enseignant-chercheur à Sciences Po Grenoble, sera avec nous ce lundi 11 avril, de 15h30 à 16h30. Vous pouvez, dès maintenant, lui poser vos questions sur ce premier tour grâce à notre formulaire en bas d'article.
Les questions :
16h50 - A l'échelle de l'humanité, le premier enjeu est climatique car le rapport du GIEC dit qu'il nous reste que 3 ans pour agir. Il nous alerte des dangers imminents. Ma question est pourquoi deux tiers des Français ont voté pour des candidats qui ne font pas de l'écologie leur priorité ?
- benjibasson83
Florent Gougou : "Tous les électeurs ne font pas de l'urgence écologique leur principale priorité. L’environnement est un aspect "très important" dans leur décision électorale pour un quart des Français (24 %, sondage Ipsos).
Pour certains électeurs, d'autres sujets, comme le pouvoir d'achat ou l'immigration, sont jugés importants. Et ils procèdent par une hiérarchisation de leur priorité avant de faire leur choix.
Dans certains sondages, le pouvoir d'achat était donné comme la priorité principale des Français en vue de cette élection. Cette préoccupation devançait certains thèmes comme l'environnement, le système de santé, la sécurité ou l'immigration."
16h35 : Dans les deux Savoie, comment expliquer le recul de la droite ?
Florent Gougou : "Comme au niveau national, Emmanuel Macron a réussi en cinq ans de politique publique dirigée prioritairement vers les électeurs de droite à capter les votes de cet électorat."
Information : Il y a cinq ans, François Fillon était arrivé en tête du premier tour en Haute-Savoie avec 25,41 % des voix, devant Emmanuel Macron (24,23 %). Cette année, le président sortant a capté 30,5 % des suffrages exprimés, contre seulement 5,2 % pour Valérie Pécresse.
En Savoie, Emmanuel Macron est également arrivé en tête avec 26,26 % des voix, devant Marine Le Pen (23 %).
16h26 : Les partis traditionnels sont en perte de vitesse. Que pouvons-nous attendre des élections législatives ?
Florent Gougou : "Le PS a moins à perdre que Les Républicains. Le Parti socialiste n’a plus que 40 députés qui ont résisté aux législatives de 2017. Ils ont résisté au moyen d’un ancrage local fort ou par l’absence de candidat de La République en marche. Ils ne sont pas vraiment plus menacés qu’en 2017.
Avec l’effondrement de LR sur cette élection, les conséquences des législatives peuvent être gigantesques. L’enjeu va être de savoir comment vont se structurer les candidatures. Lors de son discours ce dimanche, Emmanuel Macron a fait appel à une union. Des passages de LR vers LREM pourraient donc avoir lieu en vue des élections législatives.
Chez Les Républicains, cela pourrait pousser un peu plus le parti dans une crise financière. Une partie de son financement annuel dépend de ses résultats aux élections législatives. Il y avait déjà eu une baisse des députés LR en 2017. En 2022, les finances du parti pourraient être encore plus impactées. Ce serait un coup dur pour la capacité du parti à exister en tant qu’institution."
16h15 : Que pensez-vous de la décision de Jean-Luc Mélenchon de "se rapprocher" d’Emmanuel Macron en vue du second tour ?
- yanval
Florent Gougou : "Jean-Luc Mélenchon ne s’est pas rapproché d'Emmanuel Macron, il a choisi d'adopter une ligne traditionnelle de la gauche française. Celle de faire barrage, de refuser le vote du Rassemblement national.
Jean-Luc Mélenchon l’a dit très clairement et même rapidement lors de son discours dimanche soir. Il a répété qu'il ne fallait donner aucune voix à Marine Le Pen. Il ne voulait pas qu’on lui fasse un procès, comme cela avait été le cas en 2017.
Il n'a cependant pas dit explicitement à ses électeurs de voter pour Emmanuel Macron au second tour. Il ne l'a pas dit aussi clairement que d’autres candidats. Il a expliqué que chaque électeur restait libre."
16h05 : Comment Grenoble, une terre écologiste, a-t-elle pu autant voter pour Jean-Luc Mélenchon et si peu pour Yannick Jadot ? Quelles conséquences cela peut-il avoir localement ?
Florent Gougou : "Quand les programmes ont été passés au crible, les associations environnementales ont remarqué des similarités en matière de radicalité écologique dans les programmes de Yannick Jadot et de Jean-Luc Mélenchon.
Il n'y avait pas un programme moins écologiste que l'autre. Les différences n'étaient pas majeures. Le fait que Yannick Jadot ait enregistré un score inférieur à Jean-Luc Mélenchon ne veut donc pas dire qu'il y a moins de préoccupation écologiste à Grenoble. Parmi le camp des personnes soucieuses de la transition écologique, Jean-Luc Mélenchon a été jugé comme plus présidentiable.
Pour la suite, l’enjeu va être de savoir comment vont se structurer les candidatures aux législatives. Après ce score à la présidentielle, il est probable que LFI ait des prétentions élevées. Le parti pourrait ne pas avoir envie de négocier des accords avec les autres partis de gauche."
Information : Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête à Grenoble, avec 38,94 % des voix. Yanick Jadot a rassemblé 8,95 % des suffrages exprimés dans la commune.
15h55 : Pourquoi un tel taux d'abstention ? Et quel est le profil des abstentionnistes ?
- Lily
Florent Gougou : "La participation recule dans des proportions modérées. Elle s'inscrit dans un mouvement général qui touche d'autres démocraties européennes avec ces mêmes types de suffrages. L'élection présidentielle reste relativement préservée du recul de la participation observé sur les autres scrutins en France.
On peut expliquer cela par le recul du sens du devoir civique dans le temps. Pour les les jeunes générations, le vote est d'abord un droit. Pour les plus vieilles générations, le vote est d'abord un devoir. Cette dernière partie de la population est vieillissante et donc de moins en moins nombreuse.
Les jeunes générations ont tendance à voter par intermittence. Elles ont un rapport plus distant avec les institutions. Le vote n’est plus sacralisé. Mais, cela ne veut pas dire qu'il y a un désengagement politique : les jeunes continuent d’aller dans la rue, de manifester, de se mobiliser.
Les jeunes générations constituent une partie des abstentionnistes. Un autre marqueur, le plus discriminant, c'est le niveau d'instruction. Sociologiquement, moins les personnes sont diplômées, moins elles ont tendance à voter."
Information : le taux d'abstention lors de ce premier tour est de 26,3 %. En 2017, lors du premier tour de l'élection présidentielle, il était de 22,2 %.