ENTRETIEN. "Ce film parle du présent malgré son regard anticipatif" : Éliane Umuhire à l'affiche de "Planète B" avec Adèle Exarchopoulos

Née au Rwanda, Éliane Umuhire vit à Grenoble depuis deux ans. Une ville à l'affiche de son neuvième film en tant qu'actrice, "Planète B", qui sortira le 25 décembre prochain. S'il se déroule en 2039, il évoque bien des aspects liés à notre époque.

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La sortie d'un film le jour de Noël, n'assure pas un conte de fées. Le 25 décembre prochain, la Grenobloise Éliane Umuhire sera à l'affiche du film Planète B, tourné en partie dans la capitale des Alpes.

Ce film de science-fiction dystopique évoque un État autoritaire qui traque et écrase les activistes jugés comme des "écoterroristes". Son personnage, Hermes, est une exilée climatique qui se bat pour en aider d'autres à rester sur le territoire.

France 3 Alpes : S'il s'agit d'un film de science-fiction, on reconnaît bien des décors de la ville de Grenoble comme les trois tours, la Bastille ou encore le quartier Saint-Bruno. C'est impressionnant de voir sa ville dans un environnement futuriste comme l'est le film ?

Éliane Umuhire : C'est un plaisir immense de voir comment une ville qu'on connaît, les quartiers qu'on connaît, les rues qu'on connaît, peuvent devenir un plateau de cinéma. Comment on peut les transformer. Et puis aussi tout ce jeu qu'on arrive à trouver, de transformer une ville.

Quand on pense à la France en 2039, on ne peut pas imaginer à quoi pourrait ressembler Grenoble. Par exemple, le quartier Saint-Bruno est complètement méconnaissable. C'est tout le génie qu'on peut mettre dans le tableau.

Dans le film, le tableau dressé est particulièrement sombre. C'est comme cela que vous imaginez 2039 ?

C'est difficile de se projeter dans le futur. Je ne pense pas que la réalisatrice voulait montrer un tableau exact de ce que serait 2039. C'est plus une appréhension, ou une façon d'exorciser les peurs qu'on a du futur.

Heureusement que ce cinéma existe et qu'on se lève aussi pour militer et accomplir des actions qui nous permettent de ne pas être paralysés par la peur et l'écoanxiété. La question est : qu'est-ce que je fais de cette anxiété ? Est-ce que j'accepte d'être paralysée par ça ou alors, qu'est-ce que je mets en place ?

Le film a un côté sombre, oui. Mais aussi un côté lumineux. La prison virtuelle est étonnamment lumineuse. C'est un endroit où on a envie de rester assez longtemps et ça me fait penser au métavers dont on commence à parler. Le fait que certaines personnes pourraient décider de rester dans le métavers, de manger dedans, d'y faire leurs courses... On est vraiment dans cette prison virtuelle.

Il est beaucoup question de réchauffement climatique dans le film, son titre Planète B y fait d'ailleurs référence. Est-ce un sujet qui vous touche particulièrement ?

Oui, absolument. Quand j'étais sur le plateau [de France 3 Alpes ce vendredi 13 décembre, NDLR], on parlait de Gresse-en-Vercors et de ces stations de ski qui sont en train de fermer. Il y a quelques mois, on a eu les glissements de terrain à la Bérarde.

On est sur un territoire qui ressent les effets du changement climatique, qu'on le veuille ou non. Mais on est aussi sur un territoire qui est très engagé avec des associations qui tiennent le rôle de lanceur d'alerte.

En étant habitante de Grenoble, je suis assez renseignée sur ces sujets-là et j'y suis très sensible. J'aime beaucoup randonner, je trouve beaucoup de joie et beaucoup de paix quand je suis dans les montagnes ou dans une forêt. Je me demande si les prochaines générations vont pouvoir jouir de cette nature comme je le fais aujourd'hui. Ce sont des sujets qui me touchent énormément.

Mais le film n'aborde pas que cette thématique...

En faisant partie de ce film-là, ce n'était pas que pour la thématique de l'écologie. C'est aussi tout ce que le film aborde, comme la migration. Je suis aujourd'hui Française mais je ne suis pas née ici. Je suis arrivée sur le territoire et donc, il y a tout ce que l'on transforme quand on arrive sur un nouveau territoire, comment on s'intègre. Il y a l'effort que l'on fait pour s'intégrer, mais il y a aussi l'effort que la société fait pour nous accueillir.

Dans le film, mon personnage fait partie des exilés climatiques qui ne sont pas accueillis par le système, que le système veut effacer mais qui ne se laissent pas abattre et qui se lèvent pour continuer à exister dans l'obscurité de cette société. Mon personnage a un magasin de QR codes. Actuellement, en France, les gens en situation d'exil qui souhaitent rester sur le territoire ont besoin d'une carte de séjour. Dans cette France virtuelle du film, ils ont un QR code dans l'œil qui expire. Mon personnage fait des contrefaçons pour aider les autres à rester sur le territoire.

Ce film, c'est aussi de la sororité, ce sont des femmes qui s'entraident pour pouvoir sortir de ces crises-là. Tous ces sujets de migration, de changement climatique, de sororité sont des sujets actuels. Je trouve que c'est la force des films de science-fiction qui nous permettent de parler du présent malgré leur regard anticipatif.

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