Le maire de Grenoble, Eric Piolle, a réagi ce jeudi 24 octobre à la mort d'un adolescent de 15 ans tué par balle sur un point de deal de la ville deux jours plus tôt. Invité du JT de France 3 Alpes, il s'est également opposé à la vision du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau au sujet de la vidéosurveillance.
Deux jours après la mort d'un adolescent de 15 ans, tué par balle sur un point de deal de Grenoble, le maire Eric Piolle (Les Ecologistes) est revenu sur ce drame et la situation sécuritaire de la capitale des Alpes.
Invité du JT de France 3 Alpes, il a aussi répondu au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau qui a demandé à l'édile écologiste d'installer davantage de caméras de vidéosurveillance, lui reprochant également de tenir un "discours antisécuritaire".
France 3 Alpes : Vous avez adressé, avec deux autres élus de l'agglomération, un courrier aux ministères de l'Intérieur et de la Justice pour demander davantage de moyens. Avez-vous eu une réponse ?
Eric Piolle, maire de Grenoble : Non, pas à ce stade. J'ai vu la réponse de M. Retailleau sur France Inter en étant stupéfait de la vacuité de sa posture. 'La volonté et la parole', c'est ça qui, selon lui, va faire qu'il va réussir là où Nicolas Sarkozy, Manuel Valls et Gérald Darmanin ont échoué.
Il y aussi cette espèce de chantage ridicule dans un dossier que, manifestement, il ne maîtrise pas sur l'attaque du fourgon blindé. Je n'irai pas là-dessus, mais je pense vraiment qu'il fait fausse route.
Bruno Retailleau a déclaré que s'il y avait eu plus de vidéoprotection dans l'affaire du fourgon blindé, on aurait pu mieux suivre les assaillants. Est-ce que, parfois, vous n'avez pas envie de céder sur le dossier de la vidéoprotection ?
Dans un premier temps, il ne maîtrise pas ses chiffres. Puis, il pourrait éviter de parler d'une enquête en cours. (...) Je fais une confiance forte aux enquêteurs et je dis qu'ils n'ont pas les moyens de faire leur travail au quotidien.
Sur la question des caméras, je pense qu'on ne peut pas, lorsqu'on est ministre de l'Intérieur, mettre la science de côté. C'est absurde. Qu'est-ce qu'il pense ? Qu'avec ses petits bras, il va faire ce que Nicolas Sarkozy, Manuel Valls, Gérald Darmanin ont échoué à faire depuis vingt ans ?
Vous parlez de la science, parce que certaines études démontrent que les caméras ne servent pas à résoudre des affaires ?
Oui, parce qu'encore aujourd'hui, ceux qui prennent la peine d'aller voir les études sur le sujet peuvent constater qu'en Grande-Bretagne notamment, où il y a 40 ans de profusion de vidéosurveillance, la conclusion est que ça n'est pas une réponse face au narcotrafic.
Puis, c'est une guerre économique qui se joue, dont les victimes sont des enfants de 15 ou 20 ans. Là aussi, on peut se poser des questions : il est parti de quel foyer ? Qui était censé s'en occuper ? Quelle est la faillite générale de notre système pour qu'un gamin, pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, se retrouve avec une balle dans la tête ? L'assassin de Lilian Dejean, notre agent de la propreté urbaine, est passé 17 fois devant les services judiciaires sans qu'on arrive à le réinsérer. C'est le drame de la récidive.
Ça me met en colère parce que la situation est grave en France. Et, à Grenoble, se joue une bataille économique. En 2007, il y avait eu dix morts dans l'agglomération. Combien va-t-il y en avoir cette année ? Il y a aussi cette dimension sidérante qui est que la vie n'a plus de valeur pour ces jeunes armés. C'est inquiétant.
On vous sent en colère et presque désabusé face à cette situation...
Je ne suis pas désabusé face à cette situation, mais face à l'échec du gouvernement. Ça fait mon énième ministre de l'Intérieur qui arrive en expliquant que ça va être la tolérance zéro, de la fermeté et que je n'aime pas la sécurité. Mais ils se foutent de la gueule de qui ? Vous pensez qu'il y a un maire en France qui ne se préoccupe pas de la sécurité de ses concitoyens ? Quelqu'un voudrait-il qu'il y ait de la criminalité dans sa ville ? C'est absurde. On va continuer combien de temps comme ça ?
Il y a un problème de santé publique majeur. J'agis avec les acteurs locaux. Le procureur agit avec détermination et pragmatisme. Le directeur de la police nationale aussi, le préfet aussi. On a un discours cohérent, on ne se tire pas dans les pattes, nous faisons partie de ce continuum de sécurité. Mais à un moment, ce n'est plus possible. On souhaite un peu de transparence, même sur les chiffres. C'est ce que nous demandons. On demande, les maires des grandes villes, de publier les effectifs de police. Gérald Darmanin avait annoncé une hausse des effectifs depuis 2016. Rien que pour Marseille, ce n'est pas le cas selon un rapport de la Cour des comptes.