Une œuvre du street artiste Goin, située à Grenoble, a été l'objet de nombreuses réactions de la part d'élus locaux et du Crif, ces derniers jours. Ce jeudi 27 janvier, la fresque a été dégradée et une étoile jaune repeinte.
Une femme au voile rayé avec une étoile jaune, rappelant celle des déportés juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, où est inscrit "muslim". Une des dernières œuvres du street artiste Goin n'est pas passée inaperçue à Grenoble.
Cette fresque, située rue Hébert, a été dégradée, ce jeudi 27 janvier. L'étoile jaune a notamment été repeinte en noir et un coup de bombe de peinture a été passé sur toute l'œuvre.
Ces dégradations interviennent après une vague de réactions ces derniers jours. Notamment de la part du Conseil représentatif des institutions juives de France et de la part d'élus locaux.
Une atteinte intolérable à ce que fut l’holocauste.
Hervé Gerbi, président du Crif Grenoble-Dauphiné.
"Cette comparaison entre le sort réservé aux musulmans aujourd’hui et l’extermination programmée et organisée de 6 millions de juifs, aussi odieuse que contraire à la vérité est une atteinte intolérable à ce que fut l’holocauste", regrette Hervé Gerbi, président du Crif Grenoble-Dauphiné, dans un communiqué.
Hervé Gerbi explique avoir contacté directement le maire de Grenoble, Eric Piolle. Il lui a "demandé très clairement que cette œuvre soit retirée de l’espace public. Il est responsable des messages portés sur l’espace publique."
Dans le viseur de politiques
Même son de cloche de la part de certains élus locaux : "L’assimilation de la situation des musulmans d’aujourd’hui en France à celle des juifs, exterminés par les nazis, témoigne d’une méconnaissance profonde de l’histoire", critique Alain Carignon, ancien maire de Grenoble et président du groupe d'opposition au conseil municipal.
"Cette instrumentalisation de la Shoah conduit à sa banalisation, elle très douloureuse pour les familles et les victimes de cette période noire", poursuit-il.
Dans un message posté sur Twitter, Stéphane Gemmani, conseiller régional et fondateur du Samu social de Grenoble s'attriste d'une corrélation "indécente" : "Goin est un habitué de ce genre de polémique. Il se déshonore ici définitivement et porte l’opprobre sur toute une communauté. Détourner cette étoile jaune de son contexte historique, c’est mépriser l'histoire et ses victimes."
L'œuvre en place depuis plusieurs semaines
Peinte sur un mur privé, l'œuvre n'est pas une commande de la ville et serait apparue il y a déjà quelques semaines. Voire il y a quelques mois, selon Jérôme Catz, directeur du centre Spacejunk, qui s'interroge sur la temporalité de cette polémique : "Cela fait des mois qu'elle est visible. Elle est située dans le centre-ville de Grenoble, des milliers de gens passent devant tous les jours. Pourquoi certains membres de l'opposition s'en offusquent-ils que maintenant ? Est-ce parce que nous sommes en période électorale ?", s'interroge le directeur du Street Art Festival.
"Je ne suis plus étonné de rien. J'ai l'impression que tous les moyens sont bons pour faire de la politique de nos jours. C'est dommage", regrette-t-il. Pour lui, l'œuvre interpelle par son "parallèle parlant avec le sort des musulmans dans notre société et de la persécution des Ouïghours en Chine".
Contacté, Goin n'a pas encore fait suite à nos sollicitations, ce jeudi 27 janvier. Le street artiste avait déjà défrayé la chronique en 2016. Il avait dévoilé, au cours du Street Art Fest de Grenoble, son œuvre L'Etat matraquant la liberté.
Celle-ci représentait deux CRS, notamment munis d'un bouclier avec inscrit "49.3" dessus, en train de matraquer une Marianne au sol. La fresque avait, là aussi, suscité de nombreuses réactions.