Les odeurs sont des informations utiles dans de multiples domaines. Dans l'agroalimentaire, elles permettent de jauger de la qualité des produits. Dans l'automobile, elles participent à la gestion des flottes de véhicules. Une start-up basée à Grenoble a conçu Neose, un détecteur olfactif numérique capable d'identifier les odeurs. Découverte inédite dans "Vous êtes formidables" sur France 3
« Saviez-vous que l’odeur du fromage et celle des chaussettes sales… proviennent de la même molécule ? » s’amuse Tristan Rousselle, entrepreneur depuis 21 ans. Les odeurs -on parle plus exactement de « composés organiques volatiles »- sont innombrables. « Il y a des dizaines de milliers de molécules différentes qui composent les odeurs, et elles sont la plupart du temps mélangées. »
C’est cette multitude de combinaisons différentes que la société grenobloise Aryballe technologies, crée par Tristan, s’est donnée pour mission d’identifier numériquement. Son invention s’appelle NeOse (New olfactory Sensor)
Ce boitier est une sorte de nez intelligent, qui plonge le monde dans l’ère de l’olfactif numérique. « Notre capteur se veut universel, donc on a déjà enregistré des milliers d’odeurs différentes. En fonction de son usage, il n’a besoin d’en distinguer que quelques-unes à la fois. C’est notamment le cas lors des contrôles-qualité » détaille Tristan. « Dans l’automobile, il faut distinguer 7 ou 8 familles, essentiellement des « mauvaises » odeurs. D’autres cas, il faut en avoir une cinquantaine en parallèle, quand on crée, par exemple, une bibliothèque pour la parfumerie. »
Si voulez un défi scientifique, mesurez une odeur
Graham Bell (1914)
Tristan rappelle volontiers que l’idée n’est pas nouvelle. « Le premier à avoir déclaré : si vous voulez un défi scientifique, mesurez une odeur, c’est Alexandre Graham Bell en 1914. Il travaillait alors sur la détection des images et du son et leurs enregistrements. Il s’agit bien, déjà, de capter des sens humains. L’odorat était sur sa liste. » Seul problème, l’odorat est un sens chimique, et non pas physique.
Des odeurs utiles dans l'industrie, l'agroalimentaire, l'automobile...
Dans l’industrie, cette faculté est très présente. D’ailleurs, il existe de nombreux cas où l’on utilise encore le « nez humain » pour faire des contrôles qualités. La création de cette start-up grenobloise a donc de multiples applications possibles : « Pour se garantir que l’on a affaire à la bonne odeur, un dispositif simple comme NeOse est souvent indispensable. En dehors de notre appareil, il n’existe que des grosses machines de laboratoire, c’est-à-dire à l’écart des productions, ce qui n’est pas vraiment pratique. A l’extérieur, aussi, si l’on souhaite mesurer les odeurs de l’environnement… ou bien dans l’agroalimentaire, où l’odeur est un indicateur de la qualité des plantes comme des animaux, il faut pouvoir les analyser de la fourche à la fourchette, durant leur transport, leur transformation, de manière très pratique. »
Un capteur d'odeur numérique efficace
NeOse coûte environ 10 000 euros et reste, pour le moment, réservé aux professionnels. Inventé en 2014, pour faire face à la demande forte de l’industrie pour analyser ses gaz de manière performante, NeOse est aujourd’hui, après 7 années de développement et d’industrialisation, disponible sur le marché.
Pour en arriver là, l’entreprise a énormément investi dans la robustesse de son appareil, et la fiabilité de nombreux logiciels. Et pour cause : elle a recours à une technologie d’optique. « On transforme des molécules chimiques en une image. Cette image captée par 64 capteurs en parallèle, devient ensuite une donnée traitée par des algorithmes, qui va alimenter progressivement une base de données. »
Même les « mauvaises odeurs » peuvent être utiles. « C’est une notion très relative. On a exactement les mêmes molécules dans les odeurs de chaussettes que de fromage », sourit Tristan. Si ce type d’odeurs, souvent fortes, est généralement considéré comme une nuisance, il fournit en revanche des informations utiles dans le monde de l’automobile. On parle alors de pollution olfactive. « Par exemple, on peut analyser l’odeur émanant du mauvais usage des voitures de location ou partagées. Le secteur automobile est friand de nouveaux capteurs, qui s’en sert dans la gestion de flottes de véhicules.»
Une technologie vouée à équiper nos foyers
Pour les particuliers, les chercheurs d’Aryballe envisagent de mettre à la disposition du grand public le système de capteurs qu’utilise cet appareil, pour les intégrer dans d’autres appareils. « Cela sera utilisé dans l’agroalimentaire, notamment pour évaluer la cuisson des aliments, mais aussi leur conservation. Embarqués dans les frigos, ces capteurs permettront, à terme, de limiter le gaspillage alimentaire.»
Agé de 51 ans, après avoir d’abord créé une entreprise de biotechnologie, Tristan Rousselle est aujourd’hui, à Grenoble, à la tête de cette start-up en pleine croissance. Soutenue par des marques fortes comme Samsung, Seb ou encore Hyundai, Aryballe a vu ses effectifs augmenter de 30% en 2019. Une formidable réussite qui sent bon le progrès.