À l'occasion de la sortie de son livre "À vivre et à rêver", Antoine Raymond se confie sur l'histoire de l'entreprise ARaymond, basée à Grenoble et qui emploie plus de 7 000 personnes partout dans le monde. Il raconte également comment il a géré cet héritage familial.
Comme tous les patrons de cette institution, son prénom commence par un A. Comme ARaymond. Après Albert-Pierre, Achille, Albert-Victor et Alain, voici Antoine. Il est l'héritier d'une grande entreprise française, encrée dans le territoire de Grenoble et qui connaît un succès mondial.
ARaymond emploie plus de 7 000 personnes à travers 21 pays et quatre continents. Une réussite qui tient à un seul domaine : la production de fixation pour le secteur automobile, mais aussi pour ceux de la santé, de l'agriculture et de l'industrie. La quasi-totalité des constructeurs automobiles sont ses clients.
Depuis près de 150 ans, l'entreprise est dirigée par la même famille. Antoine Raymond raconte l'histoire de cette épopée dans un livre, À vivre et à rêver (éditions Presses Universitaires de Grenoble). Rencontre avec l'auteur et chef d'entreprise.
"La pression n'est-elle pas un peu lourde lorsque l'on doit hériter de cette entreprise ?
Je sens souvent le soutien de mon grand-père ou de mes arrière-grands-pères. Ils sont là, ce n'est pas lourd. Pour me donner du courage, je me dis qu'ils sont derrière moi.
Ils ont connu des guerres, des moments très difficiles. C'était des gens très courageux. Mon arrière-arrière-grand-père est vraiment parti de rien et j'ai beaucoup de respect pour ces gens qui démarrent de zéro. Moi, j'ai démarré avec quelque chose d'important, une entreprise familiale d'envergure.
Il était ingénieur et entrepreneur. Il était conscient de l'apport des personnes et leur fonction dans une entreprise. Il disait : "chaque personne est une personne". Ce n'est pas une machine, ni du capital, c'est une personne.
Vous n'avez jamais eu envie d'échapper à cet héritage ?
J'ai toujours rêvé de m'exprimer à ma manière, un peu comme un artiste, avec de la créativité. Cette entreprise m'a permis ça. Mon père m'a permis d'être moi-même.
En réussissant des tas de projets, j'ai pu continuer à être moi-même et laisser libre cours à ma fantaisie.
Les responsabilités de cet héritage ne vous ont jamais fait peur ?
Non, j'ai toujours pensé qu'en faisant à ma manière, cela marcherait. J'ai une confiance relative en moi. Certaines fois, ça n'a pas marché. J'ai eu des échecs. De temps en temps, ça marche, mais j'ai toujours cru en ma bonne étoile.
Je me suis dit qu'en développant des valeurs positives, ça ne pouvait que marcher. Ce qui est payant sur le long terme, ce sont les bonnes actions, les choses vertueuses.
Vous dites dans votre livre que vous étiez un "gentil cancre farfelu", comment on en vient à diriger une entreprise de plus de 7 000 personnes ?
Il en va de la capacité d'entraîner les personnes dans des aventures, de créer des conditions où les gens ont confiance et où ils prennent du plaisir. J'ai réussi plusieurs fois à entraîner des collègues dans des aventures.
J'ai été cancre, car l'école m'imposait des exercices, des choses sans poésie. Je trouvais ça pénible. Certains professeurs ont réussi à m'embarquer mais c'était en général des personnes farfelues également. Ils sortaient des standards, ils faisaient rire, rêver et racontaient des choses passionnantes.
Vous dites être un adepte du "servant leadership", sans pour autant être trop gentil…
C'est là où j'ai eu le plus de mal dans ma vie. J'ai toujours cru que la gentillesse était la finalité pour créer des relations avec des gens, créer de la motivation et de l'engagement. La gentillesse c'est important, mais ce n'est pas ça qu'attendent les collaborateurs et collaboratrices d'une entreprise.
Ils attendent surtout de la justesse et de la sécurité. J'ai longtemps cru que mon premier rôle était de motiver en étant gentil avec les autres. Mais les gens attendent de l'authenticité. Le rôle du dirigeant est de sécuriser pour permettre au talent de fleurir.
Thomas D'Ansembourg, un auteur d'un best-seller, dit : "Cessez d'être gentil, soyez vrais." Ça ne veut pas dire être méchant. Le chef d'entreprise n'est ni méchant, ni gentil. Le jour où j'ai compris ça, tout a changé. Cela m'a donné une force et un courage énorme pour trancher quand il le faut."