Le constructeur français Soitec ne construira pas de nouvelle usine à Bernin, en Isère. Dans un courrier daté du 19 mars, l'entreprise annonce suspendre son projet d'extension pour raisons économiques, a fait savoir la commission nationale du débat public (CNDP) dans une note, le 11 avril. Un soulagement pour les militants écologistes.
Il n’y aura pas de nouvelle usine Soitec à Bernin, pour le moment. Le constructeur de semi-conducteurs français, installé en périphérie de Grenoble (Isère), s’était positionné pour l’acquisition d’un terrain de onze hectares, pour un investissement minimal de 600 millions d’euros.
Le 11 avril, la commission nationale du débat public (CNDP) a fait savoir que Soitec l'a informée de "la suspension de son projet d’extension", dans un courrier daté du 19 mars. En cause, les ambitions d’un chiffre d’affaires trop élevé, pour un marché des smartphones en difficulté depuis plusieurs années. En décembre 2023, les ventes de smartphones ont chuté à leur plus bas niveau depuis 10 ans, selon le cabinet Counterpoint Research.
Projet reporté d'un an
En septembre dernier, Soitec a inauguré une quatrième usine, dédiée aux voitures électriques, à Bernin. Le constructeur français y a investi 380 millions d'euros, dont 30 % d’aides publiques françaises et européennes. La nouvelle procédure d'extension "avait pour objectif de sécuriser le foncier nécessaire à notre croissance durable et de porter de 22 hectares à 33 hectares la zone d'activité économique à l'horizon 2030", indique la direction du groupe dans un mail.
La procédure de demande est reportée d’un an pour atteindre les objectifs de 2,1 milliards de dollars de chiffre d’affaires. "Nous n’avions pas encore décidé des types de produits que cette extension permettrait de fabriquer, dans la mesure où nous sommes une société de croissance et d'innovation avec des démarrages de produits et technologies qui dépendent des marchés que nous servons, et que la demande sur les marchés mondiaux varie rapidement", justifie la direction.
L’abandon temporaire du projet d’acquisition de terrains supplémentaires par Soitec est une victoire pour le collectif StopMicro. Depuis près de deux ans, il se bat contre l'agrandissement du constructeur. "Ce projet allait détruire onze hectares de terres agricoles, actuellement exploitées essentiellement pour faire pousser du blé, avec quelques noyers et une ferme en activité à côté", explique Thomas, membre de StopMicro38.
Pas d'internationalisation au programme
"Ça allait être remplacé par deux usines qui, d'ici cinq à dix ans, allaient produire des semi-conducteurs pour les batteries de voitures électriques et accessoirement pour la dissuasion nucléaire, poursuit le militant. Et nous, on pense qu'il est plus utile d’avoir des champs de blés à l’heure actuelle que des bombes atomiques et des voitures électriques."
Quant à l’hypothèse d’une relocalisation de la production aux États-Unis, ce n’est pas au goût du jour, annonce la direction. "Dans le cadre de son plan stratégique, annoncé en juin 2023, Soitec a affirmé vouloir poursuivre son développement à l’international, notamment aux États-Unis. Comme c’est traditionnellement le cas, le Groupe étudie de nombreuses options dans cette perspective. Soitec ne privilégie aujourd’hui aucune option et n’a arrêté aucune décision.”
À quelques kilomètres de Bernin, à Crolles, l'autre géant de la microélectronique française, STMicroelectronics, projette lui aussi d'étendre son activité. En juin 2023, Bruno Le Maire avait annoncé un investissement de presque 7,5 milliards d'euros pour la construction du futur site, dans le cadre de la stratégie nationale pour l’électronique de France 2030, dévoilée par Emmanuel Macron en juillet 2022.
Une opération visant à replacer la France sur la carte de la production de semi-conducteurs. Mais faute d'une véritable concertation publique citoyenne, la Commission nationale du débat public a demandé au constructeur de sonder la population sur son projet d'agrandissement. La consultation est encore en cours.