Nordahl Lelandais a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, ce vendredi 18 février, pour l'enlèvement et le meurtre de Maëlys, au terme d'une 15e journée marquée par l'attente et le tumulte du verdict d'un procès hors-norme.
Antoine a attendu devant le palais de justice de Grenoble depuis minuit. Il a patienté près de 8 heures, dans le froid, dans le seul but d'assister au verdict du procès de Nordahl Lelandais, jugé devant les assises de l'Isère depuis le 31 janvier.
"Je voulais être sûr de ne pas manquer ce moment", explique le jeune homme, étudiant en droit. Il a fixé son réveil un peu plus tôt que d'habitude, ce vendredi. Mais sinon, il fait partie d'un petit noyau dur qui se donne rendez-vous devant le bâtiment, tous les jours, dès 3 heures du matin. C'est devenu un rituel, pour lui, depuis le début du procès.
Il n'a donc pas manqué un instant des auditions, des aveux de Nordahl Lelandais, des pièces à conviction révélées à l'audience, des plaidoiries et des réquisitions. Ce vendredi, il s'est assis devant une salle de retransmission située à l'étage du palais de justice, juste au-dessus de la cour d'assises. Il n'a pas assisté aux derniers mots de Nordahl Lelandais dans la matinée, pour être certain de voir le délibéré. "Si je ne peux pas rentrer dans la salle de retransmission, j'ai des contacts en bas, dans la salle des pas perdus, qui m'indiquent s'il reste de la place dans la cour d'assises", souffle-t-il à demi-mot, sans doute fatigué par ses trois semaines de marathon.
Tout au long du procès, le jeune homme à la bonhommie contagieuse a pu sympathiser avec d'autres visiteurs, comme Shannon et Maylis. Elles aussi deux étudiantes en droit. Tous viennent de la région, ont côtoyé les mêmes lieux que Nordahl Lelandais et n'étaient pas beaucoup plus âgés que Maëlys, le jour de sa mort, le 27 août 2017 : "On aurait pu être à leur place. C'est une famille normale victime du plus horrible des drames", raconte Maylis : "En plus, j'ai à peu près le même prénom que la victime", fait-elle remarquer.
Le petit groupe se relaie pour prendre des pauses, aller aux toilettes et s'alimenter en sandwich. Ils ne veulent rien rater des derniers instants : "Un procès de cette ampleur, ça attire. On peut voir comment cela fonctionne, les stratégies des différentes parties... Puis, nous attendions des réponses de la part de Lelandais. On ne les aura pas eues", regrette Shannon.
Les fleurs et le portrait
Dans la salle des pas perdus, traversée par les rayons du soleil, l'attente fut longue. Le tumulte de la matinée, marquée par l'arrivée des familles et des avocats, a laissé place à l'impatience du verdict.
Les machines à café, situées à l'entrée de l'enceinte, vrombissent en ce milieu de matinée. Les caméras des chaînes de télévision sont à terre : leurs propriétaires guettent dans le silence le moindre signe d'un délibéré. Au milieu de la meute, Chantal s'est avancée sur sa chaise roulante près de la salle d'audience.
La vieille dame est venue participer au livre d'or disposé sur une table près de la cour d'assises. Dessus : des bouquets de fleurs et des bougies avoisinent un grand portrait de la jeune fille. La peinture représente le visage souriant de la fillette avec de vives couleurs, un océan et deux colombes.
Le pardon de Nordahl Lelandais n'est pas acceptable. Il est impardonnable.
Chantal.
"C'est beaucoup de malheur et de tristesse. J'écris à la famille pour qu'elle reste soudée : les parents, les grands-parents mais aussi Colleen. Cette jeune fille est déjà une grande personne. Elle a eu des mots forts et justes face au meurtrier de sa sœur", se souvient-elle, stylo en main.
"Le pardon de Nordahl Lelandais n'est pas acceptable. Il est impardonnable", pointe-t-elle. Elle était présente dans la salle d'audience lorsque l'ancien maître-chien a reconnu avoir "volontairement" enlevé et tué la jeune fille : "On ne devrait même pas s'intéresser à cet homme."
Le verdict et la tempête médiatique
Aux alentours de 16 heures, les foulées se sont accélérées dans la salle des pas perdus. La quiétude des lieux a laissé place au tumulte des médias : les jurés ont terminé de délibérer, le verdict est attendu.
Il tombe à 16h30. Nordahl Lelandais est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 22 ans pour l'enlèvement et le meurtre de Maëlys. Le jury a suivi les réquisitions du procureur général. L'annonce du verdict s'est faite dans le silence : aucune clameur de la part du public ou des familles.
Dans le box des accusés, Nordahl Lelandais, en chemise blanche et jean bleu, est resté débout à l'annonce de sa peine. Il s'est ensuite dirigé vers sa mère, située au premier rang. "Ca va aller", lui aurait-il répété. Le trentenaire s'est ensuite entretenu avec son avocat, Me Alain Jakubowicz. Puis, il est reparti, une dernière fois, dans les coulisses du tribunal de justice avant de reprendre la route du centre de détention de Saint-Quentin-Fallavier.
Les avocats sont sortis au compte-goutte de la salle d'audience et ont fait face à un parterre de médias. Quelques curieux sont restés en retrait. Antoine en fait partie. Malgré quelques cernes, le jeune homme observe ces scènes de liesse. Il est "plus que satisfait" : "Au bout de ces trois semaines de procès, je me suis rapproché de cette famille", explique-t-il. L'étudiant en droit va prendre le temps de "digérer" ce procès hors-norme : "Ca m'a fait rêver ces assises. Ca m'a mis de grandes étoiles dans mes petits yeux d'étudiant."