Militant, journaliste... Qui est l'Isérois Taha Bouhafs, accusé d'"outrage" après une manifestation ?

A 22 ans, l'Isérois Taha Bouhafs a déjà eu neuf vies. Son arrestation lors d'une manifestation à Alfortville, mardi 11 juin, a fait couler beaucoup d'encre. Retour sur le parcours du jeune journaliste originaire d'Echirolles.

Manifestations dans les quartiers populaires, "gilets jaunes", revendications des travailleurs sans-papiers : à 22 ans, Taha Bouhafs est de toutes les luttes. Jeune journaliste avec option militantisme, il a fait ses classes à Echirolles, en banlieue grenobloise, avant de prendre la direction de la capitale.

Pas de quoi altérer son engagement pour donner de la voix aux mouvements sociaux. C'est justement lors d'une manifestation à Alfortville (Val-de-Marne) qu'il a été arrêté mardi 11 juin. Une interpellation lors de laquelle il aurait "subi des violences" selon son employeur, le média Là-bas si j'y suis, ancienne émission de France Inter devenue rédaction indépendante.
 


Il a été interpellé devant les locaux de Chronopost à Alfortville, alors qu'il couvrait ce rassemblement de soutien à des travailleurs sans-papiers. En garde à vue, il garde le silence. Et quelques temps après sa sortie, le couperet tombe : il sera jugé pour "outrage et rébellion sur une personne dépositaire de l'autorité publique". Mais l'avocat de Taha prend les devants, annonçant qu'une plainte a été déposée pour "violences par une personne dépositaire de l'autorité publique".

 

Politique, militantisme et journalisme


"Outre des blessures plus superficielles, les violences causées par les fonctionnaires de police au cours de l'interpellation ont causé un déboîtement de l'épaule gauche de Monsieur Bouhafs", s'insurge-t-il. Contacté, Taha Bouhafs n'a pas donné suite à nos sollicitations.

Qualifiée tantôt d'"entrave à la liberté d'informer", tantôt d'"intimidation politique", l'arrestation du jeune journaliste a indigné certains de ses confrères, mais aussi des membres de La France insoumise. A l'image d'Alexis Corbière, député de la Seine-Saint-Denis, qui a réclamé sur Twitter la "libération immédiate" de Taha Bouhafs.

Proche du milieu insoumis, le journaliste l'est resté depuis son engagement en politique pour les législative de 2017, sous les couleurs du mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Cette année, l'Echirollois avait à peine 20 ans quand il se présentait dans la deuxième circonscription de l'Isère, celle de sa ville d'Echirolles. Il arrivera deuxième, largement derrière le candidat de La République en marche.

C'est là qu'il prend un virage à 180°, direction le journalisme. "Ce n’était pas du tout prévu, commente-t-il auprès de Street Press qui lui consacre un portrait. T’en connais beaucoup des mecs qui n’ont pas le bac dans les rédactions ? Mon ambition, c’était de ranger des surgelés à Carrefour. Chez moi, quand quelqu’un se faisait embaucher aux espaces verts de la mairie, on faisait une fête !"

Son investissement dans les mouvements sociaux le pousse jusque dans les sphères de l'information. Des "gilets jaunes" aux révoltes étudiantes à Tolbiac, Taha Bouhafs est toujours quelque part dans le cortège. Son sujet de prédilection : les violences policières qu'il dénonce dans ses publications, en participant à des débats... Jusqu'au coup d'éclat : l'affaire Benalla.

 

Ombre et lumière


Dans cette célèbre vidéo, on voit un homme casqué en train de donner des coups de matraque à deux manifestants, place de la Contrescarpe à Paris. Et derrière l'objectif, l'auteur n'est autre que le journaliste Isérois. Tout s'enchaîne alors : l'article du Monde, l'ouverture d'une enquête et la mise en cause de l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron, Alexandre Benalla.

Même si au moment de filmer, il ne savait pas encore que l'homme au casque n'était autre que le chef de la sécurité de l'Elysée. Sa vidéo lui fait gagner l'exposition médiatique. Il devient l'homme qui a révélé l'affaire Benalla. Mais la lumière médiatique comporte aussi ses zones d'ombre. Pendant le blocus de la fac de Tolbiac, Taha dérape et insulte un groupe de CRS. Ce que ne manque pas de pointer un ténor du Rassemblement national.
 
"Vous êtes des grosses merdes", lâche le journaliste dans cette vidéo. Une phrase immédiatement reprise sur Twitter par Gilbert Collard, ouvrant les vannes aux insultes et menaces dont le journaliste a été la proie après cet épisode. Et cette affaire n'est pas la seule qui lui est reprochée. L'Isérois a relayé, pendant ce même blocus, plusieurs rumeurs de violences qui ont été démontées plus tard.

Là encore, il devient la proie d'une violente campagne de dénigrement. Menaces de mort, racisme : le jeune homme a finalement dû protéger son compte Twitter (rendre ses posts privés) pour calmer la tempête. Plus récemment encore, l'une de ses affirmations l'a mené jusque devant un tribunal.
 
De retour dans son Isère natale, Taha Bouhafs se rend au quartier de la Villeneuve pour médiatiser le soulèvement des habitants après l'accident mortel de deux jeunes à scooter. "L'heure est grave, deux jeunes de quartier de 17 et 19 ans sont morts à cause de la police à Grenoble à la suite d'une course poursuite. C'est inadmissible", écrit-il alors sur Twitter. Un tweet qui lui vaut d'être mis en cause dans une enquête pour "diffamation publique", diligentée par le procureur de Paris.

"Donc sur des faits qui me sont reprochés par la police, qui concernent directement la police, qui est-ce qui m’auditionne ? Ben la police, comme c’est pratique", rétorque alors le journaliste, demandant à être entendu par un juge d’instruction indépendant. Lors d'une conférence organisée par Acrimed, il regrette une entrave à son travail d'information.

Un métier qu'il n'envisage pas d'exercer sans y apporter son regard engagé : "Certains m’ont proposé le job en me demandant d’être moins militant. Mais il y a toujours un regard sur l’info, je les trouve hypocrites. J’ai refusé", dit-il encore à Street Press, affirmant par ailleurs avoir pris ses distance avec La France insoumise.

Deux jours après son arrestation à Alfortville, l'Isérois n'avait toujours pas repris la parole. Excepté peut-être au micro de ses confrères "indépendants", à l'image de Le Média, où l'ancrage à gauche est assumé. Mais le voilà de retour sur son réseau social de prédilection. Pas de grand discours cette fois, deux lettre explicites suffiront : "Re".
   
 
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