À l'occasion de la journée des droits de l'enfant, les personnels de la petite enfance se sont mis en grève en France, ce mardi 19 novembre. Le collectif "Pas de bébés à la consigne" dénonce la dégradation des conditions d'accueil dans les crèches, mises à mal par les réformes qui ont dérégulé et déqualifié le secteur ces dernières années.
"Ah qu'est-ce qu'on est serré, au fond de cette crèche", entonnent les manifestantes, reprenant la célèbre chanson de Patrick Sébastien pour dénoncer, ce mardi 19 novembre, la marchandisation du secteur de la petite enfance, à l'occasion d'une grève dans plusieurs crèches de France.
"On connaît une grosse pénurie au niveau du recrutement, car les salaires ne sont pas attractifs", pointe Nelly Bouvier, auxiliaire de puériculture en crèche municipale, qui touche aujourd'hui 1 700 euros mensuels, après dix ans de titularisation.
Je suis désabusé de ce travail, alors même qu'il me tient à cœur.
Nelly Bouvier, auxiliaire de puériculture en crèche municipale.
"En parallèle, les personnes en poste depuis longtemps ne se sentent pas du tout reconnues, alors que leurs responsabilités sont grandes et leurs journées longues", ajoute-t-elle.
Du personnel non-qualifié
La nouvelle réglementation permet désormais de recruter du personnel sans qualification, afin de faire face aux problèmes de recrutement du secteur. "Depuis quelques années, on peut effectivement embaucher du personnel non-diplômé, à condition qu'ils aient eux-mêmes des enfants par exemple", déplore Camille Marchetti, directrice d'une micro-crèche privée en Haute-Savoie.
"Ce sont des personnes qui ne peuvent par exemple pas faire d'ouverture ou de fermeture de crèche, et qui ne peuvent pas se retrouver seules avec des enfants, poursuit-elle. La rentabilité prend le pas sur la qualité d'accueil des enfants. Ça donne l'impression qu'on veut avant tout faire du chiffre et assurer la dividende des actionnaires, quitte à faire passer le bien-être des enfants après."
Confier des enfants à dans gens sans diplôme revient à les mettre en danger.
Camille Marchetti, directrice d'une micro-crèche privée en Haute-Savoie
En grève, Fanny Breton est éducatrice de jeunes enfants et dirige trois micro-crèches à Grenoble (Isère). La réglementation lui permet d'accueillir non plus 30, mais 36 enfants par établissement, sans embaucher de personnel supplémentaire. Cela revient pour un professionnel à s'occuper de six enfants âgés de deux mois et demi à 3 ans.
"On est dans une logique de remplissage de structure aujourd'hui, ce qui donne un accueil moins individualisé, où on prend moins le temps pour chaque enfant, explique-t-elle. On se contente de les garder simplement, plutôt que de les accompagner et de les aider à grandir."
Pour les manifestants, la dérégulation du secteur favoriserait ainsi la montée en puissance de grands groupes privés. Lundi 18 novembre, une enquête a été ouverte contre le groupe de crèches privées People & Baby, notamment pour escroqueries et détournement de fonds publics. La plainte fait suite à la parution d'un livre-enquête du journaliste Victor Castanet, "Les Ogres", dans lequel il décrit la "voracité" de certains groupes de crèches privées.