PFAS : "Tout le monde est concerné", des députés écologistes testent des Isérois et trouvent des "polluants éternels" dans leurs cheveux

Début 2023, une enquête journalistique révélait la contamination par les PFAS de plus de 100 sites en Auvergne-Rhône-Alpes. Les résultats de tests de dépistage menés à l’automne sur des habitants de la région de Grenoble confirment l'omniprésence de ces polluants.

Les 24 échantillons ont atteint l’Alsace en novembre, par La Poste. Quelques centimètres de cheveux, broyés, analysés et qui ont dévoilé des résultats édifiants, rendus publics ce jeudi 14 décembre. Entre autres, les Isérois à qui ils appartiennent sont à 70 % porteurs d’une substance récemment classée "cancérogène possible" par le Centre international de recherche sur le cancer : le sulfonate de perfluorooctane, ou PFOS.

Le laboratoire strasbourgeois s’est intéressé à douze molécules cousines, et en a trouvé dans l’écrasante majorité des échantillons : seuls deux en sont exempts. L’un des volontaires testés présente même jusqu’à sept de ces substances per  et polyfluoroalkylées, aussi appelées PFAS ou "polluants éternels". Des composés artificiels, très appréciés pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes ou résistantes aux températures extrêmes ; et donc largement utilisés à partir des années 1950 pour la production d’objets de consommation courante malgré une toxicité reconnue aujourd’hui.

Des tests pour alerter

La conclusion des analyses ne surprend pas la députée (EELV) Cyrielle Chatelain, à l’origine avec son homologue Jérémie Iordanoff des prélèvements effectués dans leurs circonscriptions de la région grenobloise. "Généralement, on a 100 % !", insiste même l’élue, qui s’est aussi prêtée au test. Pas une première : en juin dernier, elle faisait partie des 14 parlementaires écologistes à avoir évalué leur propre taux de PFAS dans les cheveux. Avant de dégainer, quelques mois plus tard, cette nouvelle expérimentation étendue à des administrés.

Le "tour de France" a été lancé par le Girondin Nicolas Thierry. L’Isère représente la quatrième étape de cette campagne de sensibilisation à l’appui d’une proposition de loi que les écologistes souhaitent porter à l’Assemblée nationale. "C’est dire : tout le monde est concerné, dans toute la France", appuie Cyrielle Chatelain, présidente du groupe. Une démonstration en faveur d’une interdiction des produits contenant des PFAS, de campagnes accrues de mesures et d'actions de dépollution financées par les industries productrices.

On ne doit pas faire des bénéfices sur la santé des gens. C’est un principe clair et en tant que législateur, c’est normal qu’on pose cette idée simple.

Cyrielle Chatelain, députée (EELV) de l’Isère

à France 3 Alpes

En janvier dernier, le gouvernement adoptait un plan d’actions à horizon 2027 pour "renforcer la protection des Français et de l’environnement contre les risques liés à ces substances". Mais l’arsenal législatif est encore jugé insuffisant par les écologistes. "Ce qu’on souhaite, c’est réglementer l’ensemble de la famille des PFAS, argumente Jérémie Iordanoff. Si on regarde molécule par molécule, à chaque fois, on prend 10 ans, 20 ans à faire les recherches. Ce sont des milliers de molécules qui sont concernées. On ne va pas assez vite pour des questions de santé."

"Y compris les ours polaires"

Des mesures d’interdictions existent déjà : pour ne citer que lui, le PFOS fait l’objet de restrictions internationales depuis 2009, dans le cadre de la convention de Stockholm. Mais l’une des principales caractéristiques de ces perfluorés est leur résistance. "L’utilisation variée de ces composés chimiques, combinée à leur caractère très persistant entraîne une contamination de tous les milieux : l’eau, l’air, les sols ou encore les sédiments. Certains s’accumulent dans les organismes vivants et se retrouvent dans la chaîne alimentaire", explique l’Anses.

Ainsi, les contrôles menés l’année passée en Auvergne-Rhône-Alpes ont trouvé des quantités significatives de PFAS dans les rejets 15 sites industriels. Parmi eux, la plate-forme chimique du Pont-de-Claix, située dans l’une des circonscriptions testées. "La plate-forme ne fabrique pas et n’a jamais fabriqué de produits PFAS", précise cette dernière qui affirme que, dans son cas, "l’hypothèse privilégiée est que la présence de PFAS dans les rejets provient en réalité de l’eau d’alimentation des process en amont et n’est donc pas imputable à l’usage industriel".

On se rend compte, en faisant les tests, que l’environnement est contaminé très largement, y compris là où il n’y a pas de production directe. Y compris les ours polaires : ils sont contaminés par des PFAS et évidemment, il n’y a pas d’industrie là-haut. Ce sont des molécules très volatiles, qui se déplacent.

Jérémie Iordanoff, député (EELV) de l’Isère

à France 3 Alpes

En l’état, difficile donc de déterminer les origines de l’exposition des Isérois testés. Les derniers chiffres nationaux d’imprégnation sont issus d’une étude, Esteban, publiée en 2019 par Santé publique France. Elle concernait un millier de personnes, adultes et enfants confondus. Le PFOA et le PFOS avaient été détectés chez la totalité d’entre elles, à des niveaux divers. La prochaine évaluation nationale doit être mise en place l’année prochaine. Les résultats, eux, se feront attendre jusqu’en 2028.

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