Un nouvel exploit vient d'être réalisé dans le massif des Ecrins. Les alpinistes Benjamin Védrines et Nicolas Jean ont descendu à ski l'Ailefroide, par la voie des plaques en face nord ouest. Entre brouillard, descentes en rappel et pentes vertigineuses, leur rêve est devenu réalité dimanche 26 mai 2024.
"La tête est encore là haut" raconte Benjamin Védrines, trois jours après l'exploit réalisé au massif de l'Ailefroide, en Isère. Avec son compagnon de cordée Nicolas Jean, les deux amis ont descendu à ski la voie des plaques de l'Ailefroide occidentale, culminant à 3 954 mètres, par la face nord ouest.
Ouverte en 1969 par les alpinistes Jean-Claude Marmier et Jean-Louis Mercadié, ce "monument des Ecrins" n'avait encore jamais été skié. Symbolique, le pic de Ailefroide est parfois comparé aux Grandes Jorasses du massif du Mont-Blanc.
Ce projet de "l'ouvrir à ski" est né il y a plusieurs années, alors que Benjamin Védrines et Nicolas Jean réalisaient ensemble plusieurs jours à ski dans les Ecrins pour ouvrir d'autres lignes à ski.
C'est inédit d'avoir la chance de pouvoir ouvrir une telle ligne ! Ça arrive peu de fois dans une carrière.
Benjamin Védrines, alpiniste
Pour tenter cette descente à ski de l'Ailefroide, les deux alpinistes ont dû faire preuve de patience pour que toutes les conditions soient réunies : suffisamment de précipitations, neige humide qui colle aux parois rocheuses et pas de vent pour la souffler.
Leur ascension puis la descente à ski auront été riches en adrénaline et en tension nerveuse. Les deux amis ont failli renoncer au projet lors de la montée, à peine 2 heures après avoir commencé à grimper. "On s'enfoncait jusqu'au bassin, on devait presque marcher à quatre pattes pour mieux répartir notre poids", raconte le guide de haute-montagne de 31 ans.
Après presque six heures d'ascension pour gravir les 2 400 mètres de dénivelé, ils arrivent enfin au sommet. La météo est changeante, un épais brouillard les entoure : une ambiance austère de "mordor" selon eux, mais qui participe finalement aux souvenirs de cet exploit.
On voyait comme des fumerolles de brouillard, c'était magique.
Benjamin Védrines, alpiniste
Adeptes de pente raide, les premiers virages à ski sont certainement leur partie préférée. Cette première plaque pour skier surplombe 1 000 mètres de "gaz" (expression pour désigner le vide).
C'est très intense, à ce moment-là il y a toute l'adrénaline et l'euphorie qui ressortent. Nous avons réussi l'ascension et on se rend compte qu'on a des conditions de fou, on a bien fait de persister !
Benjamin Védrines, alpiniste
Le plus dur n'est pas encore passé. Après ces 250 mètres de virages serrés, les deux alpinistes doivent descendre en rappel. Un passage particulièrement technique puisque tout était à construire.
Sur le dernier rappel, leur corde se coince entre les rochers. Malgré les risques, ils prennent la décision de remonter la décoincer pour ne pas avoir à changer d'itinéraire. "A chaque étape il faut rester concentré et dans le moment présent. Heureusement, avec Nicolas, il y a beaucoup de rigolade, c'est important pour casser la tension" raconte Benjamin.
Après 12 heures de périple, leur aventure se conclut sur une prouesse et des souvenirs plein la tête. Il s'agissait de leur première tentative, réalisée après plusieurs repérages de la face nord ouest et des descentes sur des sommets exposés de la même manière pour tester la neige.
Benjamin Védrines a déjà envie d'y retourner. "C'est très dur quand on revient de ce type d'aventures car ça devient vite addictif, c'est vibratoire, j'ai une attirance pour la montagne".
Mais avant de retourner dans les Ecrins, Benjamin a un autre projet en tête : gravir seul et sans oxygène le K2, deuxième plus haut sommet du monde après l’Everest. A côté, ce dernier exploit à ski paraît presque être un entrainement.