Sept plaintes ont été déposées, notamment par des clients de boîtes de nuit, lesquels affirment avoir reçu une injection de drogue par seringue à leur insu. Le parquet de Grenoble a ouvert une enquête. Les victimes pourraient être plus nombreuses, certaines ne souhaitant pas se faire connaître de la justice.
"Vous avez l'impression d'être stone, d'être droguée." Léa* n'a plus aucun souvenir de sa soirée en boîte de nuit, jeudi 14 avril. Lorsqu'elle évoque ces quelques heures passées au Marquee, à Grenoble, il ne lui reste qu'une vague sensation. "J'avais l'impression que je ne pouvais rien faire, que mon corps ne m'appartenait plus", se rappelle la jeune femme de 21 ans.
L'étudiante a bu "de manière raisonnée" lorsqu'elle arrive en boîte de nuit avec quelques amies, aux environs de 23 heures. La suite, Léa ne s'en souvient pas. C'est en prenant contact avec d'autres clients qu'elle a pu reconstituer le fil de sa soirée. Elle se rappelle avoir quitté ses amis qui se trouvaient sur la piste lorsqu'elle a été prise de malaise.
"J'ai commencé à me sentir lourde. Très lourde. J'avais l'impression que j'allais m'effondrer dans le sol. Tous mes gestes étaient lents, comme si tout se passait au ralenti. J'ai commencé à avoir mal à la tête, à avoir des bouffées de chaleur, à me sentir mal", décrit Léa. L'étudiante sort prendre l'air, tente d'alerter les videurs qui la croient alcoolisée.
"Tout était flou. Les formes s'allongeaient, elles s'étiraient… Un peu comme un effet d'optique. J'avais super mal au ventre, envie de vomir." Elle rencontre une autre cliente de l'établissement, laquelle lui raconte que d'autres femmes ont été victimes de malaises similaires au cours de la soirée. Léa finit par tomber inconsciente devant la boîte de nuit. Des amis la raccompagnent chez elle lorsqu'elle reprend ses esprits. Et le lendemain matin, plus aucun souvenir de la soirée.
Sept plaintes déposées
D'abord réticente, la jeune femme se rend finalement aux urgences où les médecins pratiquent un test VIH et une prise de sang qui se révèle positive au GHB - une molécule aux effets sédatifs et amnésiants surnommée "drogue du violeur". "J'ai la sensation d'avoir laissé faire, d'avoir perdu le contrôle alors que je fais toujours attention. J'avais très peur. Cette sensation… C'est très désagréable."
Léa n'a pas souhaité déposer plainte par crainte que son agression ne s'ébruite dans son entourage. Elle ignore de quelle manière la drogue lui a été administrée. Aucune trace de piqûre n'a été trouvée sur son corps et elle n'a pas souvenir d'avoir commandé à boire dans l'établissement.
Sept plaintes ont été déposées ces derniers jours par des clients de boîtes de nuit de l'agglomération grenobloise. Ces derniers affirment avoir été victimes de piqûres ayant entraîné un malaise au cours de soirées dans trois établissements et lors du concert de Ninho au Palais des sports les 15 et 17 avril.
Les victimes appelées à se faire connaître
Les victimes, cinq femmes et deux hommes âgés de 17 à 22 ans, "indiquent avoir senti une piqûre et s’être senties mal", explique le procureur de la république de Grenoble, confirmant une information du Dauphiné Libéré. "Aucune n’a été victime de vol ou d’agression sexuelle", précise-t-il, ajoutant qu'une enquête a été ouverte pour "administration de substances nuisibles". Les établissements dans lesquels se sont produits ces faits ne sont pas mis en cause à ce stade. Contactés par France 3 Alpes, aucun d'entre eux n'a souhaité réagir, tout comme la mairie de Grenoble.
Sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient. La plupart des faits évoqués se sont déroulés pendant le week-end de Pâques. "A un moment de la soirée, on entend des échos dans la salle comme quoi un mec s'amuse à piquer les gens avec une seringue'", atteste anonymement un client de la boite de nuit Le Lamartine sur le compte Instagram Balance ton bar. "Trois amis à moi avaient de drôles de traces sur le bras, comme une piqûre avec un petit bleu et des boutons rouges autour", peut-on lire dans ce même témoignage.
"J'ai un traitement contre le VIH à suivre pendant un mois. Un traitement lourd et souvent mal supporté", évoque une autre victime sur le même compte Instagram. "Cette drogue n'était pas faite pour nous agresser sexuellement car nous avons repris connaissance très rapidement, seulement à nous faire du mal."
Dans un communiqué, le parquet de Grenoble appelle les victimes de faits similaires à se faire connaître en déposant plainte. "Les examens pour rechercher les traces de GHB doivent être réalisés le plus précocement possible et en tout cas avant 8 heures (sang) ou 12 heures (urine)", rappelle-t-il.
(*) Les prénoms ont été modifiés.