Un homme de 38 ans, touché par balle à la cuisse, porte plainte contre un policier municipal de Fontaine, dans l'agglomération de Grenoble. Il a été blessé alors qu'il circulait en scooter. Percuté par le deux-roues, le policier a, lui aussi, porté plainte contre le trentenaire et invoque la légitime défense.
Il ne peut plus poser le pied par terre. C'est à l'aide de béquilles que Toufik B. se déplace désormais, la jambe droite immobilisée. Une large cicatrice s'étend sur sa cuisse droite, stigmate d'une blessure par balle survenue le 15 juin dernier.
"Le médecin m'a donné des médicaments pour les douleurs mais ça ne fait rien, ça ne sert à rien", raconte ce mécanicien de 38 ans, montrant les 54 points de suture sur sa jambe. "Le chirurgien, il m'a dit que j'ai eu de la chance. Tu reviens de loin", explique ce ressortissant algérien installé depuis sept ans en France, dans l'agglomération grenobloise.
"Peut-être que ça va revenir, mais peut-être que je ne marcherai plus. Maintenant, j'ai 38 ans et je vais finir ma vie handicapé", continue-t-il, désabusé.
Toufik B. dit avoir cru à une agression
Le 15 juin dernier, Toufik sort de chez lui et enfourche son scooter. Il roule sur la piste cyclable, sur la digue longeant le Drac. Les véhicules à moteur y sont interdits. Tout à coup, deux hommes surgissent.
Le mécanicien livre sa version des faits. "Le premier, il m'a gazé. Moi, j'ai eu peur, je ne savais pas que c'était la police, j'ai pas compris. Après, j'ai entendu les balles, j'ai continué ma route", raconte Toufik qui croit alors être victime d'une agression.
Quelques centaines de mètres plus loin, le trentenaire s'aperçoit qu'il saigne. "Je ne savais pas que la balle m'a touchée. J'ai continué et après je suis tombé. Ça m'a déchiré les muscles, les ligaments, je ne bouge plus mon pied", poursuit-il. La balle a traversé la cuisse par l'arrière du genou.
Un autre équipage l'intercepte à ce moment-là. "On aurait dit un cow-boy. Il a sorti direct son calibre. Il a posé son pied, là, et il a écrasé", dit-il en indiquant son torse. "Il m'a sorti le calibre devant ma tête", poursuit-il, choqué par cette interpellation qu'il juge musclée. Il perd ensuite connaissance et part au déchocage à l'hôpital.
L'incompréhension du tir
Toufik B. reconnaît avoir "fait une erreur" en empruntant la piste cyclable interdite aux scooters. Mais il dit "n'avoir aucun problème avec la police". "Si elle dit de m'arrêter, je m'arrête. Mais là, elle sort direct le gaz, moi j'ai eu peur".
Le mécanicien a donc porté plainte contre le policier municipal pour "violences volontaires avec arme par personne dépositaire de l'autorité publique, ayant entraîné une infirmité permanente".
"Ce sont des faits qui sont pour moi extrêmement graves et totalement inhabituels dans l'agglomération grenobloise. L'homme qui n'avait commis qu'un acte redevable d'une seule contravention, en étant sur une digue avec un scooter en règle, va essuyer un coup de feu qui va engendrer une infirmité permanente", s'insurge son avocat.
"Le scooter est parfaitement en règle, l'homme porte un casque et il est inconnu des services de police, il n'a rien sur lui, il n'a ni stupéfiants, ni arme, il n'a absolument rien d'illégal sur lui", poursuit maître Emmanuel Decombard. "On ne comprend pas du tout la raison pour laquelle aujourd'hui la version policière serait qu'il y ait eu un refus d'obtempérer".
Le policier, blessé, porte plainte contre Toufik
Le policier municipal a lui aussi porté plainte contre Toufik B. pour "violences avec arme par destination". L'agent affirme que le scooter fonçait sur lui et l'a percuté, entraînant trois jours d'interruption de travail.
Le maire de Fontaine a, lui, défendu publiquement le policier, lors du Conseil municipal du 3 juillet dernier. Franck Longo estimait alors qu'il y avait là tous les éléments de la légitime défense.
"Les enquêtes qui sont en cours démontrent que le scooter fonçait sur notre agent, que notre agent a été blessé et que ce cas-là rentre dans le cadre d'une légitime défense. (...) On lui renouvelle encore une fois tout notre soutien et on laisse faire le travail d'enquête de la police, de l'IGPN et de la justice pour nous apporter tous les éclaircissements", a ainsi déclaré le maire de la commune iséroise.