Au début du XXe siècle, des inventeurs travaillent au développement d'appareils sans aviateur embarqué au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, mais aussi en France. Le capitaine Max Boucher, originaire de l'Isère, parvient ainsi dès la fin de la Première guerre mondiale à mener un vol dirigé depuis le sol.
C’est une maquette suspendue au plafond du musée Célestin Pégoud, à Montferrat (Isère). Un avion noir de marque "Voisin", modèle centenaire adapté au bombardement de nuit.
Celui-ci, toutefois, est expérimental : sous les roues, une barre est libérée à l’atterrissage du biplan. "Quand l’avion touche le sol, [elle] racle, remonte et vient activer un contacteur qui coupe le moteur et déclenche les freins", explique Claude Thollon-Pommerol. Une innovation cruciale pour l’appareil, destiné à se passer d’un pilote embarqué.
Son concepteur : Max Boucher. "Le père des drones", commente le président du comité Pégoud. En 1917, ce militaire né à Voiron (Isère) est commandant de l’Ecole d’aviation d’Avord, dans le Cher. Depuis plusieurs années, ce fils de médecin s’intéresse aux travaux menés dès le XIXe siècle par Octave Détable sur des planeurs. L’objectif : développer un "avion sans pilote". Le 2 juillet, il parvient à faire s’élever un premier appareil, "à ailes tronquées et muni d'une voilure spéciale", exploit consigné par procès-verbal.
Cette première expérience a été guidée depuis le sol. Il n’est pas allé très loin, d’ailleurs il n’avait pas mis trop d’essence parce qu’il ne savait pas si cette expérience allait être concluante !
Claude Thollon-Pommerol, président du comité Pégoud
Quelques mois plus tard, un second appareil est manœuvré depuis un autre avion sur une centaine de kilomètres. Mais "Max Boucher, qui n’avait pas demandé l’autorisation de sa hiérarchie, a dû quitter l’école d’Avord et les expériences se sont arrêtées", narre Claude Thollon-Pommerol.
Elles reprennent dans les années 20. Le capitaine s’entoure notamment de Maurice Percheron, un ancien ingénieur. Ils s’appuient sur un système "Sperry" : le couplage de gyroscopes permet d’assurer la stabilité de l’avion et de le ramener à l’horizontale après un mouvement. "Un pilotage automatique, en somme", résume Claude Thollon-Pommerol.
"Grâce à cette petite équipe, ils ont pu, en 1923, faire un vol de 100 km qui est considéré vraiment comme l’acte fondateur des avions sans pilote", poursuit-il. Le Voisin est alors téléguidé à distance par un autre appareil. Délaissé, "l’avion automatique" tombe ensuite dans l’oubli, avant de revenir en force un siècle plus tard. En 2023, Voiron rendait ainsi hommage au capitaine Boucher avec une exposition et un spectacle aérien de 200 drones.