Sûrement l'épilogue d'un long contentieux entre élus locaux et la fromagerie L'Étoile du Vercors, propriété de Lactalis. L'entreprise va finalement être autorisée à construire sa propre station d'épuration, ce qui lui était refusé depuis une dizaine d'années. Retour sur l'affaire.
Le maire de Saint-Just-de-Claix a cédé dans ce bras de fer qui l'oppose à la fromagerie L'Étoile du Vercors depuis 17 ans. Joël O'Baton a accepté d'autoriser l'entreprise à construire sa propre station d'épuration, ce qu'il refusait jusque-là en dénonçant des pressions de l'État.
La fromagerie, propriété de Lactalis depuis 2011, est toujours dans l'attente d'une décision de justice dans l'affaire où elle est poursuivie pour ses rejets d'effluents dans la rivière Isère. Depuis le début, Joël O'Baton se battait pour que l'entreprise se raccorde à la station d'épuration communale afin de cesser de polluer le cours d'eau. Mais Lactalis a toujours refusé, arguant que l'installation communale n'est pas adaptée.
En 2000 pourtant, l'entreprise avait demandé son raccordement à cette station d'épuration alors en construction... avant de rétropédaler en 2014 et demander à construire sa propre installation de traitement. Ce que la commune lui a refusé à quatre reprises, une position "incompréhensible et inadmissible" pour Lactalis. Mais L'Étoile du Vercors a joué la montre, une stratégie qui lui a été favorable car en 2020, la station communale ne sera plus aux normes. Ce qui a motivé la décision de l'élu d'accéder à la demande de Lactalis.
Dans un communiqué, Joël O'Baton explique avoir cédé face à la "pression des services de l'État", qui lui enjoignaient depuis des mois de concéder à l'entreprise le droit de construire sa propre installation. "Je sors de ces huit années de bras de fer complètement épuisé et informe le conseil municipal que (...) je signerai ce permis de construire pour éviter le blocage de l'ensemble de la commune en termes d'urbanisme et surtout pour faire cesser la pollution émise par Lactalis", explique-t-il.
"On est en compromis pour signer courant avril", a-t-il précisé. Le maire de Saint-Just-de-Claix souhaitait soumettre la question aux habitants de sa commune lors d'une consultation publique le 30 avril. Mais il jette finalement l'éponge, estimant que le débat est "muselé par l'ultime action" du préfet de l'Isère. L'élu rapporte que dans une lettre du 25 mars, le préfet a pointé l'illégalité de cette consultation et invité la commune "à l'abandonner" sous menace de poursuites devant le tribunal administratif.
Cocktail toxique pour l'Isère ?
La fromagerie est poursuivie depuis 2017 par la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (Frapna), notamment pour "jet ou abandon de déchets dans les eaux superficielles". Le tribunal correctionnel de Grenoble doit rendre sa décision le 8 avril.
L'Étoile du Vercors rejette depuis sa création ses eaux usées industrielles non traitées directement dans l'Isère. Les organisations de protection de la nature dénoncent la présence de trois agents toxiques pour le milieu aquatique : l'hypochlorite de soude, le peroxyde d'hydrogène et de l'acide nitrique. Contactée en novembre 2018, l'entreprise réfutait les accusations : "Les produits lessiviels utilisés pour le lavage de nos installations sont très fortement dilués (...) au taux utilisé, il n'y a pas de risque".
Lors de l'audience, le procureur adjoint de Grenoble Laurent Becuywe avait déploré l'impuissance de la justice face à ce grand groupe, tout en requérant l'amende maximale de 500 000 euros et l'arrêt des opérations de rejet. "Entre les 800 000 euros et le million d'euros qui ont été économisés" depuis sa mise en demeure par la préfecture de l'Isère en 2016, "même si vous condamnez l'entreprise à l'amende maximale, ceux-là sont largement financés", avait-il estimé.
Regrettant un "sentiment d'impunité", le procureur avait ajouté : "On savait déjà que Lactalis avait la capacité d'empoisonner le lait en poudre, on sait maintenant qu'il peut empoisonner l'eau, qu'il le sait et continue."