Témoignage. Isère : victime de violences conjugales, elle "ne veut pas être le prochain féminicide"

Publié le Mis à jour le Écrit par V.L. avec Aurélie Massait

En Isère, Valérie* a longtemps vécu avec un homme dans un climat de violences physiques, verbales et psychologiques. Elle témoigne de ces années de souffrance où elle s'est sentie abandonnée par la justice.

"Un jour, j'aurai ta peau." Cette phrase a été prononcée par l'ancien conjoint de Valérie*, victime de violences verbales, physiques et psychologiques pendant près de 20 ans en Isère.

 

Enceinte, elle reçoit des coups de poing dans le ventre


Le calvaire de cette femme a commencé au début des années 2000. Alors enceinte de son premier enfant, elle revient des courses et croise son ex-conjoint alcoolisé en compagnie d'un salarié de son entreprise. Elle demande aux deux hommes de partir. "Là, le père de ma fille m’a mis des coups de poing dans le ventre. Il m’a laissé comme ça, j’avais mal et je n’osais rien dire, ni à ma famille, ni à personne. Je me suis murée dans le silence." La honte l'envahit, elle n'ose pas témoigner, ni porter plainte, "par peur". Son placenta avait été décollée. Résultat : trois jours d'hospitalisation. Elle n'était enceinte que de trois mois et demi.
 

Cinq mois plus tard, elle revient au domicile familial. Ils apprennent que leur fille est atteinte d'un grave problème au coeur. Mais Valérie est complètement délaissée. "J'ai dû tout gérer."

C'était le quotidien de Valérie pendant dix ans. "Un climat de violence, de tension, beaucoup verbale... Avec quelqu'un que je cherchais sur les chantiers, qui n'était jamais là, que je retrouvais dans des états lamentables." Ses absences répétées la pesaient : "Des fois, je ne savais pas où il était au bout de cinq jours. Il rentrait alcoolisé voire plus, toujours des insultes. Vu que je gagnais de l’argent, je n’avais qu’à me taire. Il ne voulait pas rendre de comptes."

 

"Huit ans à porter plainte, à avoir deux téléphones..."


Quand elle l'a quitté il y a treize ans, il ne l'a pas supporté. "J’étais partie travailler dans le Var et l’employeur avec qui je travaillais l’avait embauché aussi, il s’est mis à menacer mon employeur. Et c’est là que ça s’est empiré." Il obtient la garde de leur fille un week-end sur deux. Mais continue de harceler son ancienne compagne. "Ma fille avait 3-4 ans, elle hurlait, pleurait. J’ai passé des longs week-end pendant 8 ans à porter des plaintes, à changer de numéro, à avoir deux téléphones portables, j’étais obligée d’en couper un... Des inconnus me ramenaient ma fille du sud de la France."

Le père de sa fille a eu beau être déchu de ses droits parentaux en 2013, rien n'a vraiment changé. 

 

"Ta mère est morte"


En juillet 2019, il émet le souhait de retrouver la garde de leur fille, ce à quoi elle ne s'oppose pas. "Mais il n'a pas voulu voir le juge." Elle reçoit des menaces de mort, qu'il envoie notamment à leur fille : "Je vais défoncer la tête de ta mère", "je vais l'éclater", "ta mère est morte".

Elle part se cacher, mais les messages et appels continuent. "Je suis allée à la brigade de ma gendarmerie pour porter plainte. Il avait enjambé mon portail et il a déposé un sac de cadeau pour mon fils qui n’est pas le sien. Ca prenait une ampleur phénoménale." Le simple fait de se trouver seule dans son jardin lui faisait peur.

 

"Je ne veux pas être le prochain féminicide"


Aujourd'hui, elle a été obligée de déménager dans une résidence très sécurisée, dont l'adresse n'est pas connue par son agresseur. Elle pousse un coup de gueule contre une justice, qu'elle juge trop lente. "Je ne veux pas être le prochain féminicide. Si, un soir, je rentre chez moi avec mes enfants et qu’il est là, je fais quoi ?" demande t-elle, interloquée.

On ne m’écoutait pas lors d’audiences, j’étais prête à engager un détective privé, parce qu’on m’a dit pendant 7 ans que tout allait bien. Enfin un juge s’est rendu compte qu’il y avait un problème. La justice a mis longtemps à m’écouter. Et on entend des grands discours à la télé, et moi j’en suis là…


Elle espère qu'il ne sera non pas emprisonné mais interné : "S’il veut me retrouver, il me retrouvera. Au-delà de l’emprisonnement, j’aimerais qu’il soit interné dans un centre psychatrique et qu’il se fasse soigner même si ça prend des années. Il pourrait avoir encore plus la haine en sortant de prison." Si un lien téléphonique est maintenu, elle espère tourner la page et ne plus entendre parler de lui.


* Le prénom a été modifié.

 
Eric Vaillant, procureur de la République de Grenoble : "Eviter la récidive"
"Ce sont des dossiers très difficiles. Des conjoints qui partent et reviennent... Les choses s’améliorent insufisamment vite, mais des progrès sont à constater, 600 cas de violences conjugales par an, nous en gérons de plus en plus, notamment avec des mesures d'éloignement du conjoint violent, et de téléphone grave danger.

Il y a de gros progrès. Il faut maintenant plus prendre en charge le conjoint violent pour qu’il soit sous contrôle et qu'on mette en place des groupes de paroles, des stages de responsabilisation pour éviter la récidive."
 
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