Témoignages. "J'espère pouvoir partir le plus vite possible", le récit d'une journée de chaos en Isère après les crues torrentielles

Publié le Écrit par Antonin BlancGilles Ragris et Virginie Cooke
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Au lendemain des crues torrentielles qui ont dévasté la vallée du Vénéon en Isère, plusieurs sinistrés tentent de quitter le massif de l'Oisans. Le temps d'une nuit, une centaine d'entre eux a été relogée en urgence. Dans les cours d'eau, la décrue s'amorce mais la route d'accès reste coupée à la circulation.

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C'est toute une vallée qui s'est réveillée le cœur serré. Mais pour une grande partie de ses habitants et visiteurs d'un jour, les événements se sont enchaînés. Entre évacuation et relogement, les images défilent et se bousculent.

En quelques heures, le hameau de la Bérarde a été dévasté par un Vénéon déchaîné et son affluent, le torrent des Etançons sorti de son lit. Un pont et plusieurs tronçons de la départementale 530 ont été détruits par la force du torrent. Coupés du monde, ses 97 occupants ont rapidement été évacués par hélicoptère laissant derrière eux des maisons éventrées et des chalets emportés par les eaux.

Isolé à son tour, le hameau des Etages a lui été épargné par les inondations. Mais ses habitants ont vécu une situation inédite face à un Vénéon en furie. "On se doutait qu'il allait y avoir quelque chose de terrible. [...] On a l'habitude, lorsqu'il y a des grosses pluies, d'avoir des grosses crues dans cette rivière. Mais hier, on entendait le bruit des rochers roulés par la rivière." raconte une résidente.

Un élan de solidarité aux Deux Alpes

Depuis ce vendredi 21 juin, les secours ont procédé à l'évacuation des habitants de la vallée du Vénéon. Tous ont été contraints de quitter leur domicile ou hébergement en urgence. Si certains habitants de la vallée ont pu être relogés par des proches, plusieurs sinistrés ont passé la nuit au sein du palais des sports des Deux Alpes.

Ce samedi matin, six personnes ont été évacuées depuis Saint-Christophe-en-Oisans, enclavé. "Il a fallu faire nos bagages très rapidement et emmener ce que l'on pouvait. On n'avait pas le choix. On avait deux sacs à emporter, pas plus. Tout le reste de nos bagages est dans la voiture", confie un touriste lyonnais évacué par hélicoptère ce samedi matin.

Venus passer quelques jours de vacances dans la vallée, le groupe d'amis lyonnais a rejoint les Deux Alpes et cherche à présent à quitter les lieux, le cœur lourd : "Quand on est arrivé là, on a soufflé un peu. [...]On est choqué par la situation qui se passe là-haut. On a vu la montagne il y a trois jours en très bon état. Mais actuellement, c'est catastrophique. C'est affreux ! On plaint beaucoup les résidents, ceux qui vont être privés de tous leurs revenus de l'été. C'est fini pour eux. Ils nous ont vraiment dit : 'vous êtes nos derniers clients'," livre Madeleine.

Après avoir contacté les assurances, le groupe d'amis va regagner sa région lyonnaise en taxi, en attendant de pouvoir retrouver leur voiture, immobilisée à Saint-Christophe-en-Oisans. Les autres sinistrés ont été relogés temporairement dans des centres de vacances.

"Nous devons reculer face à ce Vénéon indomptable"

Au pied des Deux Alpes, la commune de Venosc est elle aussi isolée. La départementale 530 a été grignotée par les eaux. Il est impossible de quitter le village par la route. Une centaine de personnes demeurent bloquées, surprises par ces crues torrentielles.

"Tous les véhicules sont coincés ici. Nous travaillons sur le côté humain et nous passerons sur le côté matériel plus tard" confie Stéphane Sauvebois, maire délégué des Deux Alpes. L'édile poursuit : "La vie ne va pas s'arrêter à Venosc car historiquement, il y a toujours eu des crues. A l'avenir, il faudra vraiment les prendre en compte et un jour comprendre que notre comportement doit changer. Nous devons reculer face à ce Vénéon indomptable que ce soit physiquement ou pécuniairement."

Déjà privée d'eau potable, la commune devrait rester enclavée durant plusieurs jours, le temps de reconstruire la route. Une situation qui fait craindre une terrible saison estivale pour l'économie de la vallée. Dominique Durand est restaurateur dans le village depuis 30 ans. Il a déjà vécu plusieurs inondations mais jamais de cette ampleur : "L'année dernière, il y a déjà eu une crue qui a emporté la moitié du parking, du camping. Cette année, c'est encore plus grave avec un débit supérieur."

"Je suis en colère car on l'avait dit. Tout ce qui arrive aujourd'hui était écrit ! Je le dis depuis l'an dernier."

Dominique Durand, restaurateur à Venosc

A quelques semaines des vacances scolaires, le village de Venosc se retrouve presque coupé du monde. "Cela va être la catastrophe. J'ai une équipe qui doit arriver le 1er juillet avec 3 salaires. Je ne sais pas du tout si je maintiens les salaires, les équipes. Je ne sais pas si je joue le jeu de l'activité économique de la vallée car si on arrête tous à cause de la crue, c'est la mort de la vallée." s'inquiète Dominique Durand.

Pour rejoindre la station des Deux Alpes, les sinistrés peuvent emprunter la télécabine de Venosc en journée. Venu participer à la Mountain of Hell, compétition de VTT, Nathan Ravel avait choisi de stationner son camping-car sur le parking de la commune. Face à la situation, il a dû se résoudre à abandonner son véhicule.

"J'ai un ami qui est en haut avec sa voiture. Je vais essayer de remonter avec tout ce que j'ai comme affaires essentielles. Je vais essayer de le rejoindre pour éviter de finir submergé. [...] A moins qu'il ne sache voler, pour l'instant, mon camping-car ne va pas pouvoir bouger", ironise le VTTiste avant d'ajouter : "J'ai essayé de partir ce matin, la route est mangée. La rivière l'a enlevée. Ce n'est pas la joie ! Je suis un peu dégoûté. J'espère pouvoir partir le plus vite possible."

Le rider Kilian Bron se mobilise pour les sinistrés

En raison des conditions météorologiques et de ses conséquences, l'organisation de la Mountain of Hell a décidé d'annuler la compétition qui devait se dérouler du 21 au 23 juin. Plus de 1 000 riders s'étaient donné rendez-vous aux Deux Alpes pour cette édition 2024.

Si le bike park reste ouvert l'ensemble du week-end, les animations sont modifiées. Présent sur le plateau, le rider haut-savoyard a décidé de programmer une nouvelle projection de son dernier documentaire "Dolomites" ce samedi 22 juin, en soutien aux sinistrés de ces intempéries.

"Nous, on ne subit que l'annulation de la course. Certes, c'est mon travail. Mais en revanche, des personnes ont perdu leur chez-eux. Il y a du monde et j'ai du contenu qui peut servir à cette cause. C'est pourquoi l'ensemble des fonds seront reversés aux sinistrés", précise Kilian Bron.

Le rider proposera donc une seconde projection au palais des sports des Deux Alpes ce samedi à 19h45. Cette séance ciné-conférence, au prix d'entrée de huit euros, devrait permettre de lever des premiers fonds pour la reconstruction de la vallée du Vénéon.

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