En Oisans, la route de La Bérarde est toujours interdite à la circulation depuis les intempéries de juin dernier, qui ont ravagé ce fief de l’alpinisme. Le manque à gagner est accablant avec une saison touristique avortée. Mais depuis le 10 août, une navette effectue des liaisons quotidiennes et fait souffler "un petit air frais" sur les hameaux désertés.
7h15, ce jeudi 22 août à Bourg-d’Oisans. Par grappes, ils convergent vers la gare routière. Certains ont un casque accroché au sac, d’autres ont déjà sorti le bob. Montagnards aguerris ou randonneurs débutants, tous trépignent. Avec seulement deux liaisons quotidiennes en direction de Saint-Christophe-en-Oisans et pas de réservation possible, on arrive tôt pour s’assurer une place dans la navette.
"Direction le paradis !"
Finalement, la camionnette blanche arrive. Depuis deux semaines, tous les jours, elle embarque gratuitement ceux qui veulent rallier la vallée du Vénéon. "Direction le paradis !", les accueille le chauffeur d’un sourire enthousiaste. Mais attention, prévient-il en exhibant ses mitaines de cuir : la mission qui l’attend, "c’est vraiment de la conduite, voire du pilotage !"
Au fil des kilomètres, les passagers découvrent les stigmates de la crue. Le 20 juin dernier, le torrent sortait de son lit, charriant des tonnes de roches et ravageant notamment le hameau de la Bérarde. Depuis, la circulation a été interdite sur la RD530 hors riverains, coupant l’accès à ce haut lieu de l’escalade et de l’alpinisme dans le parc naturel des Ecrins.
La route se réduit par endroits à une piste qui borde les engins de chantier au travail. "C’est impressionnant, réagit une passagère, ça fait presque peur." Avec son compagnon de cordée venu du Jura, ils se préparent à des courses d’arête dans le secteur de la Dibona. "Ça rappelle que la montagne, ça peut être dangereux et parfois imprévisible", explique-t-elle, et de conclure : "On est très petits."
"Le grand vide"
Environ 45 minutes de trajet et Saint-Christophe-en-Oisans apparaît. Terminus. La rue déserte reprend vie un instant alors que les grimpeurs s’éparpillent. Comme les hameaux qu’il précède et dont l’accès est toujours barré – la Bérarde, les Etages -, le bourg vit essentiellement du tourisme de montagne. Une saison blanche cette année dont "le chiffre d’affaires avoisine zéro", soupire le maire.
"C’est le grand vide cet été, il n’y a personne dans le village", constate Jean-Louis Arthaud. Alors cette navette financée par les collectivités représente "un petit air frais qui arrive de la vallée" et qui "remonte le moral". "Quand elle est arrivée le premier jour, appuie-t-il, ça a été un petit événement. Les gens se sont dit : 'ça y est, on n’est plus coupés du monde.'"
Festival solidaire ce week-end
Malgré une saison sacrifiée, les habitants se démènent pour faire vivre leur vallée. Après un concert caritatif en juillet, ils organisent de vendredi à dimanche "le plus petit festival international de films de montagne". L’affichette, illustrée d’un dessin de Jean-Marc Rochette – habitant des Etages et invité du festival – trône sur le comptoir du café de Marie-Claude Turc.
Prévu à la Bérarde, l’événement est délocalisé dans un cinéma et un hôtel de Bourg-d’Oisans. Ceux qui feront le déplacement "vont en prendre plein les yeux au cinéma et avoir de belles rencontres littéraires", promet la co-organisatrice. La satisfaction d’une belle action également : la totalité de la recette est reversée à l’association Les Amis de la Bérarde et du Vénéon.
Ça nous permet de tenir et ça chaud au cœur.
Marie-Claude Turc, co-organisatrice du festival
"La vie continue, et en plus ce festival a ce côté solidaire" : "tous les réalisateurs sont venus gracieusement, aussi", appuie-t-elle, visiblement émue, et "les droits des films sont gratuits". Fin juillet, une campagne de collecte de fonds a également été mise en place en soutien aux habitants. Les sommes rassemblées doivent permettre d’œuvrer à la reconstruction.