Le fort Barraux surplombe la vallée du Grésivaudan, en Isère. Forteresse construite en pleine guerre franco-savoyarde, il a également fait office de centre de séjour surveillé sous le régime de Vichy. Des visites guidées y sont organisées tout l'été pour découvrir son histoire.
C'est une sentinelle au pied de la Chartreuse. Depuis plus de quatre siècles, posté sur sa colline, le fort Barraux veille sur toute la vallée du Grésivaudan, en Isère. Reconnaissable à sa fortification en forme d'étoile, ce bastion, construit en 1597, constitue l'une des plus prestigieuses places défensives des Alpes encore en l'état.
Le duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier a fait édifier ce fort en Dauphiné, juste de l'autre côté de la frontière, en pleine guerre contre le royaume de France (1600-1601). Au nez et à la barbe de son ennemi juré, son cousin le roi de France Henri IV. Furieux, ce dernier a demandé à son lieutenant-général, le fameux duc de Lesdiguières, de faire interrompre la construction du fort.
"Bien embêté, il lui a répondu : 'vous savez, les caisses du royaume sont vides. L'endroit est bien choisi. En plus, cette fortification est fort bien faite. Laissons votre cousin faire la dépense et ensuite, on la prendra'", raconte Pierre Marzocca, membre de l'association pour la sauvegarde et la valorisation de fort Barraux.
Par ruse et par surprise, Lesdiguières, fin stratège, s'est bel et bien emparé du fort à peine terminé dans la nuit du 14 mars 1598. Au cours de son histoire, fort Barraux a été moult fois remanié jusque dans ses entrailles, notamment par Vauban qui a fait corriger des faiblesses défensives.
Dans les années 1830, le général Haxo, architecte militaire reconnu, y a fait creuser des galeries dites de contremine. De petites cavités où étaient dissimulées des mines qui explosaient sous les pieds des assaillants, semant une belle panique dans leurs rangs déjà mitraillés depuis le premier rempart du fort. Ce labyrinthe souterrain, fermé au public, se ramifie sur près d'un kilomètre.
Une prison "sordide"
Forteresse, Barraux servit aussi de prison pendant la Révolution française et les deux guerres mondiales. Il est devenu l'un des principaux centres de séjour surveillé du régime de Vichy de 1940 à 1944, servant à incarcérer des syndicalistes, des communistes ou encore des gaullistes. En témoignent des messages encore observables sur les murs. "A mort tous ces gardiens", peut-on notamment lire dans un cachot.
"C'était un lieu assez sordide. On est dans un univers carcéral", décrit Pierre Marzocca. "Certains étaient enfermés et ne savaient même pas pourquoi. Il n'y avait pas de procès, pas de jugement." En août 1942, des familles juives raflées ont transité par le fort Barraux avant d'être déportées vers Auschwitz sur ordre du régime de Vichy. "Aucun n'est revenu", ajoute M. Marzocca.
Désaffecté en 1988, le fort, racheté par la commune de Barraux, classé au titre des Monuments historiques en 1990, accueille aujourd'hui des expositions et des spectacles. L'association pour la sauvegarde et la valorisation de fort Barraux organise, de mai à septembre, des visites commentées de l'édifice. Les détails sont à consulter sur leur site internet.