Iséroise, architecte, footballeuse professionnelle, entêtée... Maéva Clemaron portera les couleurs des Bleues du 7 juin au 7 juillet pour la Coupe du Monde de football féminin en France. Rencontre avec une joueuse qui en a autant dans la tête que dans les jambes.
A l'aube de sa première sélection officielle en équipe de France, l'Iséroise Maéva Clemaron a fait le choix de se plonger "à 200%" dans le Mondial de football féminin. Architecte de profession, la milieu de terrain a mis son deuxième métier, celui d'architecte, entre parenthèses le temps de la compétition.
La jeune femme de 26 ans, qui a vu le jour à Vienne, a fait ses premiers pas dans le football en Auvergne-Rhône-Alpes. Quand elle étudiait l'architecture à l'ENSAS, elle menait encore de front ses études et son activité de joueuse à Saint-Etienne, déjà en première division. Un rythme "pas de tout repos" qui a pris fin il y a deux ans.
A l'époque, se souvient-elle, "si je n'avais pas donné la priorité à mes études, je n'aurais pas pu obtenir mon diplôme". Ce n'est qu'une fois le sésame en poche qu'elle a "inversé la tendance". Et les résultats ont suivi. En 2017, elle s'engage à Fleury, en région parisienne, et obtient quelques mois plus tard sa première convocation en Bleu.
A quatre jours du match d'ouverture de la Coupe du Monde, les supporters étaient au rendez-vous hier lors de l’entraînement ouvert au public ! ??? #FiersdetreBleues pic.twitter.com/Ick90wa6zl
— Equipe de France ⭐⭐ (@equipedefrance) 4 juin 2019
"C'était une récompense pour moi, le fruit de pas mal de sacrifices", se félicite l'Iséroise, un sourire en coin. Si elle est reléguée au second plan en cette période de Coupe du monde (7 juin-7 juillet), son activité d'architecte reste toutefois en filigrane. La titulaire d'un master s'est mise à son compte en janvier 2018, afin de pouvoir réaliser des projets sur son temps libre.
"Elle a été très honnête et claire là-dessus dès le départ. Aujourd'hui son choix c'est de mettre la priorité sur le foot. Mais elle a l'intelligence de garder un pied dans l'architecture", approuve Pascal Tommy-Martin, patron de TMG Architectes, cabinet qui fournit des missions à Clemaron depuis qu'elle y a effectué son stage de fin d'études en 2017.
"La tête et les jambes"
Car contrairement à nombre de joueuses, dans un football féminin qui se professionnalise à petits pas, la jeune femme peut s'en permettre le luxe : footballeuse au FC Fleury, en D1, elle n'a pas besoin d'un deuxième job pour vivre.
"J'assume totalement de dire que l'archi, je le mets un peu de côté par rapport au foot. Si on veut vraiment être performant dans le haut-niveau, il faut être à 100% dans sa discipline, s'explique la joueuse pendant la préparation des Françaises à Clairefontaine. J'ai la chance de pouvoir exercer deux passions, en priorité aujourd'hui le foot, mais l'architecture c'est vraiment un équilibre pour moi. Par contre, je ne veux plus qu'il impacte le côté foot. (...) On ne peut jamais être à 200% des deux côtés."
Et ses relations de travail de souligner une footballeuse dotée d'un "certain talent pour comprendre les choses". Pascal Tommy-Martin se rappelle : "Je lui ai dit « Si tu trouves dans les équipes masculines des joueurs qui font ce que tu fais toi, tu m'appelles. Est-ce qu'il y a des bac+5 ou des ingénieurs en L1 ? Présente-les moi »".
"Elle a la tête et les jambes. Elle a besoin d'une nourriture intellectuelle, c'est pour ça qu'elle fait ça. Le foot ne lui suffirait pas", insiste celui qui voit "débarquer les télés" dans ses locaux depuis la sélection de sa collaboratrice-star.
"Les deux m'ont forgée"
En équipe de France, trois autres joueuses dont Gaëtane Thiney, conseillère technique nationale à la FFF, cumulent un autre emploi, selon le staff des Bleues. Impensable chez les hommes de Didier Deschamps, même si elles ne représentent que la partie émergée de l'iceberg chez les dames.
"Oui, il y a beaucoup de joueuses qui ont un travail à côté, mais ça a tendance à se réduire", relativise Clemaron. Il faut dire que, pour elle, cette double casquette a été salvatrice, non un fardeau. "L'un m'a aidé à être acharnée dans l'autre, et inversement. J'ai toujours comparé l'archi à un sport, parce que mentalement il faut être très solide. (...) Les deux m'ont forgée. J'ai déjà pleuré de déception dans le foot, j'ai déjà pleuré de stress dans l'archi", explique celle qui se dit aujourd'hui "apaisée" car elle n'a "pas la pression de l'après-foot".
Pour le match d'ouverture de la France vendredi face à la Corée du Sud au Parc des Princes, ses deux mondes seront réunis : Clemaron portera le maillot Bleu et elle a invité ses collègues de TMG Architectes, sa "deuxième équipe".