Le Covid sans pitié pour la fête religieuse la plus importante de l'année chez nos voisins italiens. Pour la seconde année consécutive, l'Italie toute rouge se résigne à des Pâques...grises. 

"A part la messe de Turin en mondiovision, les fêtes de Pâques 2021 ressemblent étrangement à celles de l'an dernier !" 

De la station de ski de la haute vallée de Suse où il passera le week-end de Pâques, et ce qu'on appelle en Italie "Pasquetta", le lundi de Pâques, Fabio prend le soleil face au Mont Chaberton. Dans son petit appartement de montagne, il fêtera Pâques en famille, avec sa femme, sa fille...punto e basta ! (un point c'est tout !).

Sa "Mamma" de 86 ans, restée à Turin, c'est son frère de Pinerolo (Piémont) qui ira la chercher pour passer le week-end en famille. "Encore heureux qu'elle soit dans le Piémont", explique-t-il, soulagé. "Sinon on aurait même pas pu aller la voir !"

Rançon d'une Italie entièrement rouge Covid pour les fêtes : interdiction de sortir des limites de sa commune d'habitation. Et donc encore moins de sa région...sauf pour une urgence, ou... pour aller prendre un avion à l'aéroport !

"A la différence de Pâques 2020, les gens ici sont particulièrement désorientés", explique Enrico, qui passera les fêtes en vallée d'Aoste. "Désorientés par ces règles qu'on nous impose et qui détruisent nos rites. On sait bien qu'elles sont nécessaires. Mais à cause du Covid, beaucoup de familles ont déjà dû supporter de devoir enterrer leurs pères ou grands-mères sans assister à leurs funérailles. Et même lorsqu'il s'agit de leur rendre visite, de les retrouver pour un repas en famille, un jour aussi important que Pâques, voilà que le Covid nous l'enlève pour la seconde année consécutive !"

Car si Enrico veut strictement respecter la règle pour aller voir sa maman pendant ces trois jours de fête, il sait qu'il n'aura droit qu'à une seule visite par jour; lui et sa compagne ou un enfant de moins de 14 ans !

Désorientés... et peu indemnisés !

"Ces règles sont d'autant moins acceptées qu'elles ne sont pas comprises par les gens au regard de ce qu'ils voient autour d'eux", poursuit Enrico. "Ici, en vallée d'Aoste, on dit aux gens qu'ils ne peuvent pas sortir de leur commune, et en même temps, ils voient arriver à Courmayeur par exemple, des skieurs alpinistes français, suisses ou même hollandais. Et qui ne sont même pas sanctionnés puisque s'ils ont une chambre dans un hôtel ou un gîte, ils sont considérés comme domiciliés en vallée d'Aoste et peuvent tranquillement y rester pendant les vacances de Pâques".

Alors, de plus en plus, certains craquent ! Comme ce barman de Turin dont Fabio a pu lire dans sa "Stampa" du jour, qu'il s'était enchaîné à son magasin, et qu'il passerait Pâques sous une tente plantée devant son bar...en grève de la faim ! "En un an, je ne peux pas survivre avec l'obole de l'Etat", clame-t-il à la une des journaux.

"Le panorama n'est pas plus beau pour les stations de ski, les hôtels ou les petits commerces. Les aides de l'Etat, elles n'arrivent pas ! Ou alors au compte-gouttes ! Quand vous avez encaissé 20 000 euros de perte et que vous reçevez royalement de Rome, au bout de plusieurs mois d'attente, un chèque de 1000 euros, comment voulez-vous tenir ?", explique-t-il.

 

 

Villes vides et hôpitaux pleins

Une colère, malgré tout, le plus souvent contenue. Mais une colère sans cesse renforcée, alimentée par ces petits grains de folie, quasi quotidiens, relevés dans la presse italienne. Ce sont des disputes, au pire des rixes qui éclatent dans des centres de vaccinations : à Palerme, à Cosenza dans le sud, ou dans le nord, à Brescia où deux bombes incendiaires ont dévasté une structure temporaire financée par une oeuvre caritative...ou encore à Rome où c'est le portail d'entrée de l'Institut supérieur de la Santé publique auquel on s'est attaqué ! 

Parfois, ce sont même des personnages publics qui donnent le mauvais exemple. Comme ce responsable des urgences de la région Piémont. A peine, avait-il signé la suspension de tous les congés de Pâques pour les infirmières et opérateurs sanitaires piémontais, qu'il était surpris par un "paparazzi" sur les plages de la côté ligure. Le "faites ce que je dis, mais pas ce que je fais" n'a pas de cesse; même en situation d'urgence Covid.

Car urgence il y a partout. A Aoste, par exemple, la capitale de l'une des dernières régions de la péninsule à être passée au rouge, il y a une semaine. 

"La contagion a augmenté de 72% en moins de 7 jours", constate, effaré, Enrico. Le seul hôpital de la vallée a beau avoir senti le mauvais vent venir du Piémont et de la Lombardie voisines : il est déjà en voie de saturation.

Alors, c'est le coeur lourd qu'il a fallu refermer les magasins autres qu'alimentaires. Voir se vider à nouveau des centres villes qui commençaient tout juste à reprendre les couleurs de la normalité, après un mois de mars en liberté surveillée.
 

Vaccinodromes à presque plein régime


Dans ces conditions, pas la peine de se demander pourquoi tous les yeux se tournent vers les quelques 2600 centres de vaccinations présents sur le territoire italien. Pour Fabio, le Turinois, parti passer Pâques dans son appartement de montagne, nul doute que le salut viendra de là. De ces vaccinodromes installés aux portes de Turin : à Chivasso vers Aoste, ou dans l'ancien bâtiment des automobiles Lancia plus près du centre de la capitale piémontaise. 

Dès ce week-end, on y vaccine au rythme de 250 injections par jour... avant d'atteindre l’objectif fixé d'ici 2 à 3 jours : 500 doses quotidiennes. "Depuis que Draghi (ndlr : le nouveau premier ministre italien) est arrivé, on peut dire que de ce point de vue au moins, la logistique suit mieux", estime le Turinois. 

Comment lui donner tort : l'Italie compterait à ce jour 3,350 millions de personnes immunisées.
 

Le vaccin : nouveau Messie

C'est certainement en pensant très fort à leurs dates de vaccinations que les chrétiens italiens se rendront à l'église en ces Pâques : dans les églises qui resteront ouvertes, contrairement aux Pâques de l'an dernier. Au moins lorsqu'elles ne servent pas de centre de vaccination.

Fabio, lui, a choisi de regarder la télévision. Car à 17 heures, ce samedi, c'est de la chapelle du Saint Suaire à Turin qu'a été retransmise la messe. C'est l'évêque de Turin, Monseigneur Nosiglia, qui a officié. Cinq pas devant la Sainte Relique : "pour une Contemplation en ces temps difficiles, davantage que pour une nouvelle ostention", précise dans son communiqué de presse, celui qui reste pour le Saint Siège " le gardien du Saint Suaire". Et en mondiovision, s'il vous plaît, grâce au relais du centre télévisé du Vatican. 

"Que faire d'autre ?", explique Fabio. Agé, comme son épouse de soixante ans, ils ne savent pas encore quand ils auront le droit de se faire vacciner. Seul le frère de Fabio, en tant que médecin, a reçu une première injection. Quant à sa maman, ce sera pour le 8 avril. Ils viennent de l'apprendre. 
 

Pâques: toujours un message d'espoir

Dans la foi pour les uns. Dans l'action pour d'autres. Le message d'espoir de Pâques vient aussi parfois de certaines actions humaines. De ces mains tendues qui surviennent au moment où l'on ne les attend plus. C'est par exemple le cas de cet habitant de Oulx, dans la vallée de Suse.
 

 

Alors que l'actualité ne résonne que des détresses liées à la pandémie, lui a choisi, pour Pâques, de ne pas laisser à la rue 13 afghans. 4 femmes, dont l'une enceinte, 4 hommes et 5 enfants. Alors que plus personne ne pense à la situation des clandestins qui recommencent à tenter de franchir les Alpes, Piero a décidé de regarder ceux que l'on ne regarde plus. Et c'est avec eux, chez lui, qu'il passera les fêtes pascales.

"Nul besoin d'appartenir à une ONG pour faire ce que j'ai fait là. Avant moi, je suis certain que ma mère et ma grand-mère auraient fait la même chose", a-t-il commenté.

 

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