Lyon : l'étonnant parcours des fondateurs de l'association L214

Alors que sort le livre "Quand la faim ne justifie plus les moyens", publié par l'association L214 ce jeudi 5 septembre, retour sur l'étonnant parcours des fondateurs de ce mouvement. A l'origine, un couple d'Auvergne-Rhône-Alpes qui choisit les "images chocs" pour convaincre le public.  

L'association L214 publie un livre intitulé "Quand la faim ne justifie plus les moyens, en finir avec l'élevage intensif", disponible à la vente à partir de ce jeudi 5 septembre. Ce manifeste dénonce, conformément aux combats de ses auteurs, les déviances de l'élevage de masse, qui conduit la France à abattre chaque jour "près de 3,5 millions d'animaux, (...) soit 2 400 par minute." Il propose également des solutions pour conduire à "un changement de modèle agricole et alimentaire". Mais d'où vient précisément l'association L214 ? Qui sont ses fondateurs, quel a été leur parcours, et comment leurs convictions se sont-elles forgées ? Retour sur l'histoire étonnante d'une association devenue incontournable dans le paysage éthique et écologiste français.
 


Un descendant d'éleveur et de boucher


Il y a plus de 20 ans, Brigitte Gothière et Sébastien Arsac - qui s'étaient connus sur les bancs de leur lycée clermontois - ont fondé L214. L'association de lutte contre la souffrance animale a installé ses premiers bureaux à Lyon en 2012. Les débuts d'un combat qui a rencontré une large audience. L'association L214, bien connue pour ses vidéos chocs qui dénoncent la maltraitance des animaux d'élevage, a ses racines en Auvergne-Rhône-Alpes. Le fonds de dotation de l'ONG est d'ailleurs toujours domicilié à Brioude, en Haute-Loire, terre natale de Sébastien Arsac, l'un des co-fondateurs. 

Rien ne destinait ce petit-fils d'éleveur, d'un côté, et de maquignon et boucher, de l'autre, à tourner le dos à la viande... Ce fut pourtant un  acte fondateur : il est devenu végétarien du jour au lendemain, ou presque.

En terminale à Clermont-Ferrand, il avait fait la connaissance de Brigitte Gothière, qui deviendra sa compagne et sa camarade de lutte. Ils partagent déjà certaines idées : un attachement à l'agriculture paysanne, un refus de la chasse, la corrida, la maltraitance animale en général.

 

Ne plus tuer pour se nourrir

C'est en 1993, à 20 ans, qu'ils renoncent à consommer de la viande ou du poisson. Une décision soudaine, raconte Brigitte Gothière : "A table, ils partagent un morceau de porc. La bête a été élevée par la famille et abattue de manière traditionnelle, comme cela se pratique à la campagne. Mais ce jour-là, ce geste - tuer pour se nourrir - n'apparaît plus acceptable à Sébastien".

Inspiré par différentes lectures et par les civilisations du monde qui se passent d'un régime carné, le couple décide d'en faire de même. A partir de là, ils vont tenter de convaincre leur entourage, et au-delà, de la nocivité de nos habitudes alimentaires.
 


 

Lyon, le berceau de L214

Les pentes de la Croix-Rousse, à Lyon, leur foisonnement intellectuel et leurs militants de tous poils vont faire évoluer nos deux Auvergnats. Sébastien Arsac est objecteur de conscience à la Maison de l'Ecologie, avant de devenir Professeur des écoles. Brigitte Gothière, bientôt prof d'électricité dans un lycée technologique de Bourgoin-Jalliou, fait aussi du bénévolat à la Croix-Rouge.

C'est à ce moment-là que va s'élaborer le socle idéologique du futur L214. Défenseurs de la cause animale, Brigitte et Sébastien ne se reconnaissent pas dans les organisations existantes dans ce domaine. "Les refuges, les associations protectrices des animaux domestiques sont utiles", explique Brigitte Gothière. "Mais nous, nous voulions une action politique qui changerait la société". 

Le couple vient d'une autre culture, celle des syndicats étudiants, et découvre tout un courant de pensée venu d'ailleurs. La revue Les Cahiers anti-spécistes relaie en France les idées animalistes, plutôt anglo-saxonnes. 

 

De la réflexion à l'action

A la fin des années 90, place au militantisme de terrain. La manifestation internationale pour l'égalité animale, à Strasbourg, en mai 1998, est un temps fort pour les futurs fondateurs de L214. Le cortège auquel ils participent marque un tournant : il dénonce un élevage de primates à des fins d'expérimentation en laboratoire (vivisection), mais se rend aussi devant un abattoir local.

Les Estivales de la question animale, des journées de débats lancées dans la Loire en 2002, deviennent un rendez-vous incontournable pour le milieu animaliste. Elles se déroulent chaque été, et à de nombreuses reprises dans notre région (Loire, Haute-Loire, Isère, Rhône).

 


 

"Stop gavage" avant L214

Parmi ces pionniers, Brigitte Gothière et Sébastien Arsac prennent bientôt l'initiative en créant leur première association : Stop gavage, en 2003. Il s'agit de dénoncer le gavage des oies et des canards. Leur credo : "quand on sait, on arrête". Ils partent du principe qu'informer les consommateurs de la souffrance des animaux les dissuadera d'acheter du foie gras. 

Ce combat n'est pas terminé, mais il s'élargit à tous les types de souffrance animale causée au nom de l'alimentation humaine : ce sera L214, fondée 5 ans plus tard. L'association s'installe dans ses premiers locaux, sur les pentes de la Croix-Rousse, à Lyon, en 2012. Son activité a pris de l'ampleur : il faut stocker tracts, brochures et T-shirts...
 
 

Montrer, quitte à choquer

Mais le mode d'action de L214 va bientôt évoluer et démultiplier son audience. "Lorsqu'on distribuait des tracts, les gens restaient sceptiques", explique Brigitte Gothière, porte-parole de l'ONG. "Ils nous répondaient que des élevages industriels, avec des conditions aussi terribles pour les animaux, ça n'existait pas chez nous... Il a fallu prouver ce que nous avancions, avec des vidéos".
 

Comme d'autres activistes avant eux - ceux de PETA, aux États-Unis, ou de Igualdad animal, en Espagne, ceux de L214 optent pour des méthodes-choc : images tournées en caméra-cachée, dénonciation d'élevages ou d'abattoirs... "On ne croit que ce que l'on voit", explique la co-fondatrice. "Mais nous menons aussi des enquêtes, réunissons de la documentation, apportons des preuves de la maltraitance infligée aux animaux."
 
 
Une crédibilité qui a sans doute fait évoluer les mentalités. Les questions du bien-être animal ont pris une large place dans le débat public. Pour L214, la prochaine étape serait d'obtenir l'interdiction de l'élevage intensif, en l'accompagnant d'une "végétalisation" de l'alimentation.
Pour mener son combat au plus près des centres de décision, son siège est désormais installé à Paris.


 
La galaxie L214
Son fait référence à l'article L214 du code rural. En 1976, les animaux y sont pour la première fois désignés en tant qu'êtres sensibles : «Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce.»

L'association compte 71 salariés (dont une dizaine à Lyon).
Elle revendique 36 000 adhérents et 700 000 abonnés sur les réseaux sociaux.

En plus de 20 ans d'activité, elle s'est démultipliée en différentes structures et actions.
L214-Ethique et animaux, c'est désormais :
  • Vegan Pratique : une assistance à la conversion à l'alimentation végétarienne ; 
  • Vegoresto : un site qui géolocalise des restaurants proposant des plats végétariens ;
  • Politique et animaux : un observatoire de l'action des élus sur la condition animale ;
  • L214 éducation : de la documentation pédagogique à destination des enseignants ; etc...
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