Pierre Thivillon, et son épouse Eliane, sont partis de rien pour créer le Parc zoologique de Saint-Martin-la-Plaine, dans la Loire. 50 ans plus tard, retour sur le quotidien d'un site qui fait référence, notamment, en matière de gorilles. Un lieu unique de sauvegarde et de protection de nombreuses espèces. Anecdotes sur le plateau de "Vous êtes formidables" sur France 3
C’est une immense arche de Noé, avec son millier d’animaux, qui va fêter ses cinquante ans le 23 juillet 2022. L’espace zoologique de Saint-Martin-la-Plaine, situé dans la Loire, entre et Saint-Etienne et Lyon, a été créé par Pierre Thivillon et son épouse Eliane.
« Vous savez… Il y a des mots qui me poursuivent. Je suis né à Saint-Martin-en-Haut, dans le Rhône… Je suis marié à une fille Martin, et j’habite à Saint-Martin-la-Plaine », s’amuse d’emblée notre interlocuteur, lorsqu’on évoque son parcours. « Mon père travaillait à l’usine et avait quelques hectares de terrain, pour faire un peu de blé, de pommes de terre, de vie, et voilà… »
Ne pas les vendre, ne pas les manger
Il y a avait bien quelques animaux sur ces terres, mais cela n’a pas marqué Pierre. « Je suis parti travailler dans le maraichage, puis j’ai conduit des camions… A 22 ans, je me suis mis à mon propre compte en créant, avec ma femme, un magasin de fleurs et leur production. »
Une fois installé dans l’horticulture, il a rapidement recueilli des animaux. « Ce sont eux, peut-être, qui m’ont fait basculer de l’autre côté », reconnaît-il. « On m’a apporté des animaux qu’il fallait recueillir parce que les gens ne savaient qu’en faire. Et, très vite, l’idée du parc zoologique m’est venue. Je voulais bien m’occuper d’animaux, mais il paraissait inconcevable d’en élever pour faire du commerce. » Il insiste : « Ne pas les vendre, ne pas les manger. Ca limite le champ d’action.»
Durant de nombreuses années, ce type de commerce était courant. « Il y avait une sorte de bourse d’échanges entre parcs. C’était désagréable. Cela signifiait que quelqu’un qui avait une mauvaise installation, mais de l’argent, pouvait avoir un animal. Mais pas celui qui avait une bonne installation, mais pas de sou… C’était un peu stupide et j’ai travaillé sur ce sujet pour stopper ce commerce. »
Le parc a donc ouvert un 23 juillet, il y a un demi-siècle. « Nous avions quelques singes, un seul félin qui était un puma. On a commencé avec des animaux assez banals, et assez peu. J’ai une assez mauvaise mémoire de cela, parce que l’eau a coulé sous les ponts, depuis… »
C’est en discutant avec le facteur qu’il a appris, à cette époque, que le futur terrain de son parc était en vente. « On appelait cet endroit Champs Beauvais, à l’époque. Il y avait trois hectares, et nous sommes allés les voir et les avons loués. » Son épouse partage la même passion que lui pour les animaux « Il vaut mieux ! », rit-il.
L’ouverture du parc, en 1972, s’est faite naturellement. « Nous avions décidé en 71 de créer ce parc, et je me souviens que nous avons commencé les travaux le 2 novembre. Avec mon frère, nous y sommes allés, avec une pelle et une pioche, et de quoi couper des buissons. Et nous avons débroussaillé pendant trois semaines », raconte-t-il.
Il fallait se dépêcher. L’ouverture était prévue en juillet. « Nous n’avions pas les moyens financiers. A cette époque, on pouvait encore débuter de choses avec peu de moyens. Cela a changé aujourd’hui. »
Ils vont récupérer leurs premiers lions en estafette
Arrivent progressivement des rapaces, des lions ou des loups. Là-aussi, en toute simplicité, ou presque. « Les rencontres avec des confrères nous avaient permis d’avoir quelques notions. Et puis nous étions aussi un peu inconscients. Par exemple, nos premiers lions venaient du zoo des Abrets en Isère. Mon confrère m’avait dit qu’ils étaient petits et gentils. Nous sommes allés les chercher avec Eliane avec une estafette renforcée par du contreplaqué derrière les sièges », raconte-t-il. « Mais ces lions pesaient 70 kilos ! Au bout de quelques kilomètres, l’un d’eux a posé ses pattes sur la grille derrière nous et regardait la route. Jusqu’à ce qu’il décide de sauter entre ma femme et moi… Nous avons fini dans le talus !», s’amuse-t-il.
L’anecdote incroyable ne s’arrête pas là. « Finalement, Eliane a pris le volant, et je me suis assis dans la paille, à l’arrière, avec les lions. C’est la première fois que je m’en approchais. Ils me léchaient la figure. Ma femme a conduit jusqu’à Saint-Martin… sans avoir le permis de conduire !», achève-t-il.
Deux ans plus tard, arrive le gorille Alexis. « Une personne nous a écrit pour nous le confier. Un soir, on voit débarquer ce bébé gorille dans les bras d’une dame. Elle explique le laisser pour quelques jours de vacances. » Finalement, il va rester sur place plus longtemps que prévu. « Quand ses propriétaires sont revenus au bout d’un mois pour le reprendre, on a refusé ! »
Un autre gorille, nommé Platon, a débarqué au parc en 1975, à l’âge de 5 ans. Il deviendra l’emblème des lieux jusqu’à sa disparition en 2008. Le parc est devenu une référence pour cette espèce, et un espace dédié leur a été créé sur place. « C’est un animal tellement extraordinaire que vous ne pouvez pas faire autrement que d’en tomber amoureux. Sa proximité avec l’homme est troublante… malheureusement pour lui », sourit-il.
L’animal reste… très imposant. « Vous savez, nous voyons défiler les visiteurs derrière une vitre. Et les gens se sentent ainsi en pleine sécurité. Mais dès que vous vous présentez derrière une grille, vous ressentez la présence vraiment physique, sans barrière. Et les gens sont souvent très impressionnés par cela. Nous, on y est habitués », explique Pierre.
Digit a même vécu 18 ans dans notre lit
En 1999, une maman gorille refuse d’alimenter son nouveau-né. Au lieu de le laisser mourir, Pierre décide de l’adopter. Digit a aujourd’hui 22 ans. « Nous ne sommes pas forcément des bons parents pour toutes les espèces de la terre. En l’élevant artificiellement, on prive un animal d’une vie sociale avec ses semblables. Ce qui rend très difficile d’en faire un reproducteur. Digit a préféré notre présence au mal auquel on l’a présentée, qu’elle a rejetée. Du coup, bon… Elle est chez nous. Nous vivons toujours la nuit dans la même pièce…»
Nous avons actuellement une petite fille qui a 17 mois, et c’est le 10ème gorille né à Saint-Martin
Digit vit en effet la journée avec ses congénères, et retrouve ses « parents adoptifs » le soir. Une relation hors-norme, qui s’est imposée. « Elle a vécu quelques temps avec un mâle, mais elle ne le supportait pas. Il roule de temps en temps des mécaniques… et Digit préférait retourner chez sa mère qui la protège. Et puis, nous l’avons tellement choyée. Elle a même vécu 18 ans dans notre lit », ajoute-t-il.
A Saint-Martin-la-Plaine, la première naissance en captivité s’est produite en 1995. De nombreuses autres ont suivi : « Nous avons actuellement une petite fille qui a 17 mois, et c’est le 10ème gorille né à Saint-Martin ». Aujourd’hui, on compte 11 gorilles dans le parc. « En France, nous ne sommes que cinq parc zoologiques à avoir des femelles. »
Les pratiques ont changé. Des plans européens d’élevage se sont mis en place. « Il existe, par exemple, un Comité scientifique qui gère une population comme celle des gorilles. Nous sommes tenus de lui signaler nos naissances, nos décès. Et les échanges sont réglés. Les animaux ne sont pas vendus à quelqu’un qui va en faire ce qu’il en veut. »
Le rôle des parcs a évolué pour permettre aux animaux d’être sauvegardés, de se reproduire, et, pourquoi, pas, de retourner vers la liberté. « Bien sûr, nous le souhaitons tous. Mais lorsque l’on voit l’état de la nature… Comment elle est détruite, dans le monde… La population humaine a doublé en quelques décennies, et il y a de moins en moins de place », rectifie Pierre Thivillon. « C’est vraiment très compliqué. Des gens sont chargés de la protection. Nous essayons de garder des animaux. Et si nous pouvons en remettre dans la nature, on est ravis. »
Le parc zoologique de Saint-Martin-la-Plaine compte aujourd’hui un millier d’animaux différents, et une centaine d’espèces. Elle héberge également la fondation Tonga terre d’accueil. On y accueille des animaux saisis ou abandonnés. Elle a recueilli un peu plus de 500 animaux depuis la création de l’association. « Les autorités me téléphonaient pour m’avertir qu’un animal en détresse serait saisi, ou détenu par des gens sans compétences et me demandaient si je pouvais le prendre. Ce qui était impossible. Donc nous avons refusé pendant de nombreuses années, comme tous les zoos. »
Et puis un jour… « Je me suis fait un peu piéger. Les autorités de la Drôme nous ont confié un hippopotame –avec sa remorque- pour trois semaines. Au final, Tonga est resté trois mois. Entre temps, avec la Fondation Brigitte Bardot, nous avons pu lui trouver une solution et il est parti vivre en Afrique. » C’est en découvrant les images de Tonga, dans de grands espaces en Afrique, que Pierre a finalement décidé de créer l’association.
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