Ce qu'il faut retenir pour comprendre l'affaire du chantage à la sextape à la mairie de Saint-Etienne

Depuis la publication de l'article de Médiapart fin aout, la vie politique stéphanoise est bousculée. Le journal a dévoilé une affaire nébuleuse qui mérite quelques points de repères. Gilles Artigues, l'ancien premier adjoint du maire, aurait été victime d'un chantage. Une vidéo intime de lui avec un escort gay servait de moyen de pression pour éviter qu'il ne fasse de l'ombre au maire, Gaël Perdriau.

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C’est une affaire sulfureuse et à rebondissements qui n'en finit pas de déstabiliser la vie politique stéphanoise et de faire réagir.

Les protagonistes

  • 26 août 2022  Mediapart publie un article avec des photos où apparait Gilles Artigues. L'ancien premier adjoint de St Etienne aurait été filmé à son insu en compagnie d'un prostitué. Des images compromettantes visant à brider ses ambitions politiques. Gilles Artigues a finalement porté plainte pour « chantage aggravé ».
  • Parmi les personnes citées dans l'article, il y a Samy Kéfi-Jérôme. Il est également adjoint au maire de St Etienne, en charge de l’Education et conseiller régional. En 2014, il est élu au sein du conseil municipal. Selon Mediapart, il a organisé la rencontre dans une chambre d’hôtel et caché une caméra. Samy Kéfi-Jérôme dénonce des affabulations.
  • Le co-auteur du coup monté serait l'ex-compagnon de Samy Kéfi-Jérôme, Gilles Rossary-Lenglet.  Il assume avoir divulgué l'affaire et avoir reçu de l’argent public, 50 000 euros pour services rendus, via des subventions municipales détournées. Il met  en cause le maire de St Etienne. C'est lui qui parle avec Gaël Perdriau dans l'enregistrement dévoilé par Médiapart. 

  • Gaël Perdriau, le maire de Saint-Etienne, connaissait-il l’existence de cette vidéo ? Le chantage qui en aurait découlé ? Et l’opération Artigues dans son ensemble ? Jusqu’à présent, le maire nie tout. Se disant même prêt à porter plainte pour « dénonciation calomnieuse ». Une version mise à mal par les enregistrements diffusés sur le site Mediapart. 
  • Pierre Gauttiéri, directeur de cabinet du maire de Saint-Etienne, selon Gilles Rossary-Lenglet, le bras droit du maire était au courant du piège contre le premier adjoint. Gilles Rossary Lenglet explique même au journaliste de Médiapart que Pierre Gauttiéri sont les commanditaires du guet-apens. 

La chronologie des faits 

Elections de mars 2014 : Les élections municipales à Saint-Etienne opposent le chrétien démocrate, Gilles Artigues à l'UMP (puis LR) Gaël Perdriau. Afin d'éviter une triangulaire (comme en 2008, qui avait permis à la gauche de remporter la mairie), le centriste se résout à rester dès le premier tour derrière la candidature de Gaël Perdriau, appliquant un accord (centristes-UMP) imposé depuis Paris. 

L'accord implique que le nouveau maire prenne en premier adjoint Gilles Artigues. Les deux hommes travaillent côte à côte mais les élections municipales de 2020 les placent en rivaux.

Fin 2014, le guet-apens : A la faveur d'un déplacement des adjoints à Paris, une caméra est cachée dans une chambre d’hôtel, dans laquelle Gilles Artigues est invité par Samy Kéfi-Jérôme. Ce dernier lui présente alors un homme comme étant une de ses connaissances, il s'agit en fait d'un escorte gay payé par Samy Kéfi-Jérôme. 

C'est l'ancien compagnon de Samy Kéfi-Jérôme qui a expliqué à Médiapart comment il aurait procédé. Gilles Rossary-Lenglet affirme que c’est bien son ancien compagnon qui a payé l’escorte 200€ de l'heure. 

A la fin de la soirée, une vidéo compromettante de l'élu recevant un massage érotique est entre les mains de Samy Kéfi-Jérôme.

Printemps 2015, le chantage : Quelques mois après le déplacement à Paris, l'adjoint à l'éducation présente à Gilles Artigues un montage de la vidéo alternant ses propos politiques conservateurs et la séquence de la chambre d'hôtel. 

Contacté par Médiapart, Samy Kéfi-Jérôme a nié toute implication dans cette affaire avant de reconnaitre que cette vidéo lui avait été subtilisée par son ex-compagnon, Gilles Rossary-Lenglet.

Pour que la vidéo ne soit pas rendue publique, Gilles Artigues devra s'effacer de la scène politique stéphanoise et ligérienne.

Selon Gilles Rossary-Lenglet 50 000 € ont été demandés en échange de la vidéo par Samy Kéfi-Jérôme. Toujours d'après ses propos à Médiapart, des sommes auraient transité par le biais de subventions municipales à des associations.

Il aurait lui même touché deux fois 20 000€ qu'il aurait reversé à son ancien amant, Samy Kéfi-Jérôme.

Avril 2022Sans emploi, Gilles Rossary-Lenglet demande un poste à la mairie de Saint-Etienne à son ancien compagnon en échange de son silence sur son rôle dans cette affaire.

Sa demande restant sans réponse, il s'adresse directement au maire Gaël Perdriau, qui le reçoit  en entretien. Durant leur échange, le maire évoque la fameuse vidéo et les rôles respectifs des anciens amants.

Mai 2022 : Gilles Artigues démissionne de la mairie de Saint-Étienne pour raisons personnelles.

26 aout 2022 : Un article de Antton Rouget pour Médiapart révèle l'affaire.

27 aout 2022 : Gaël Perdriau nie avoir eu connaissance de la sextape, ni du calvaire que vivait son premier adjoint.

29 aout 2022 : Gilles Artigues dépose plainte pour chantage aggravé et prend André Buffard comme avocat. Le même jour, l'affaire est dépaysée. Elle sera instruite à Lyon. Le parquet de Lyon ouvre une information judiciaire pour atteinte à l'intimité de la vie privée et chantage aggravé. 

31 aout 2022 : Gaël Perdriau envisage de porter plainte pour dénonciation calomnieuse. 

05 septembre 2022 : La Mairie de Saint-Etienne et le domicile du maire sont perquisitionnés. Des ordinateurs et des portables dont celui du maire sont saisis. 

06 septembre 2022 : Médiapart diffuse une partie de l'enregistrement de l'entretien entre Gilles Rossary-Lenglet et le maire Gaël Perdriau, dans son bureau. Au cours de l'émission "A l'air libre" de Médiapart, Gilles Rossary-Lenglet désigne le maire de Saint-Etienne et son directeur de cabinet Pierre Gauttieri comme les commanditaires du piège tendu à Gilles Artigues 8 ans plus tôt. Il explique également comment il a été rémunéré pour "services rendus" avec de l'argent public. 

Un épineux volet financier

Pour avoir mis en place le piège contre Gilles Artigues, contacter l'escort boy, etc., Gilles Rossary-Lenglet affirme avoir été payé 50 000€.

L’argent reçu serait de l’argent public détourné via des subventions accordées par la ville à des associations, dont une d'art contemporain.

"Je faisais des factures où l'on mettait un "gloubiboulga" d'activités et en échange, on me reversait l'argent", déclare-t-il. 

Pour ses prestations fictives, l'homme raconte avoir reçu plusieurs chèques, "Ils n’allaient pas tout me donner d’un coup, explique-t-il au journalistes de Médiapart, c’était impossible, ça aurait alerté. "

Selon ses propos, il n'aurait pas encaisser la totalité de l'argent. "A travers moi, Monsieur Kéfi-Jérôme touchait une grande partie de l’argent et il y a eu aussi des avantages en nature."

Gilles Rossary-Lenglet évoque la vente d'une sculpture qu'il aurait acheté à un prix bien moindre que celui affiché.

"Cet argent a été donné aux associations, ce n’est pas moi qui ai décidé du montage de toute façon, je n’en avais pas le pouvoir et ça ne me regardait pas" conclu-t-il. 

Actuellement, 3 juges d'instruction travaillent sur cette affaire pour vérifier ces accusations.

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