"J'ai entendu leur souffrance et ça m'a fait mal" : retour sur un rond-point avec Stéphane, gilet jaune par empathie

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Les gilets jaunes appellent à des rassemblements partout en France, ces 17 et 18 novembre 2023, pour souffler leurs 5 "bougies de la colère". L'occasion de revenir sur le rond-point de la vallée du Gier, dans la Loire où Stéphane Mottin a passé des jours et des jours. Reportage d' Anthony Laurent et Vincent Diguat. ©France 3 Rhône Alpes

Novembre 2018 : les gilets jaunes entament une vaste mobilisation. Cinq ans plus tard, que reste-t-il de ce mouvement qui appelle à des rassemblements partout en France pour fêter cet anniversaire ? Retour sur le rond-point de la vallée du Gier, dans la Loire avec Stéphane Mottin, surnommé le Pirate, qui y a passé des semaines.

Ce samedi 18 novembre 2023, les gilets jaunes soufflent leurs cinq "bougies de la colère". Plus d'une centaine de rassemblements sont programmés partout en France.

Cinq ans après, ceux qui ont "tenu" les ronds-points pendant des jours et des jours, n'ont rien oublié.

En mars 2019, le rond-point de la vallée du Gier est le dernier, dans la Loire, à être encore occupé par des gilets jaunes. Sur le point d'être expulsés, ils préfèrent incendier leurs installations, pour immortaliser leurs souvenirs en se séparant autour d'un feu de joie.

Une émotion encore à fleur de peau

Sur le parking près du rond-point, Stéphane Mottin désigne la place, toujours la même, où il garait sa voiture, chaque jour, pendant toutes les semaines qu'il a passées ici. "Je ne suis pas revenu depuis le jour où on a brûlé nos installations..." Sa voix se brise, son émotion est manifeste. Il faut dire que les souvenirs sont encore très présents dans sa mémoire, malgré les quatre années qui ont passé.

Aujourd'hui, il parcourt le rond-point, fouillant le sol du regard pour tenter de retrouver une trace encore visible de cet épisode qui a bouleversé sa vie. L'expression d'une colère qui a d'abord croisé sa route. "Je leur ai demandé pourquoi ils faisaient ça, pourquoi ils prenaient un rond-point. C'est dangereux ! Et puis j'ai écouté la souffrance et ça m'a fait souffrir moi aussi. Ça s'appelle l'empathie..." Stéphane est au bord des larmes, en évoquant cette première rencontre.

J'ai rencontré des gens qui n'avaient que 600 euros de retraite par mois alors qu'ils travaillaient depuis l'âge de 15 ans.

Stéphane Mottin, gilet jaune

Ce premier échange l'a convaincu de rejoindre le mouvement. Sur les ronds-points du Gier et de l’agglomération stéphanoise, Stéphane devient alors une silhouette marquante de ce mouvement qui accueille toutes les colères. Il hérite même d'un surnom, le Pirate, clin d'œil à son chapeau.

Des lieux de vie et d'échanges

De ces ronds-points sans âme, les gilets jaunes vont faire des places fortes, des lieux de vie et d’échanges, mais aussi des points de blocage. Des larmes au rire, Stéphane se souvient de ce jour où ils ont bloqué entièrement le rond-point avec un camion. "Personne ne pouvait plus ni entrer ni sortir, c'était incroyable ! On rigolait, on ne pensait pas à mal..."

On voulait juste montrer aux Parisiens qu'il fallait qu'ils nous laissent vivre...

Stéphane Mottin, gilet jaune

Le mouvement aussi va tourner en rond. L’absence d'issue politique, les violences, les blessés, mais aussi et surtout la fatigue vont avoir raison de leurs forces. Stéphane fait partie de ceux qui ont beaucoup donné et beaucoup perdu.

Un peu désabusé, il explique qu'aujourd'hui sa vie de famille est détruite, ses collègues le traitent comme un pestiféré. "Parce que je suis gilet jaune, et que pour eux les gilets jaunes sont des gens qui cassent. Il aurait fallu que je reste dans mon coin, en bon petit scientifique, sans m'occuper des problèmes des pauvres..."

Il a même failli perdre la vie sur l’un de ces ronds-points. Et pourtant, Stéphane reste attaché à cet étendard. Toujours fidèle à ce mouvement sans direction qui a fait trembler le pouvoir et menacé d’embraser tout un pays.

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